La ville d’Arles se transforme chaque été en une fourmilière extraordinaire, installant dans plus de 40 lieux, parfois iconoclastes, des expositions photographies des plus classiques au plus originales, mais toujours issues d’artistes talentueux. ATTITUDE Luxe vous invite à une ballade au cœur de la ville afin de découvrir le travail, qu’il soit gracieux ou dérangeant, de ces artistes qui nous offrent leur regard sur le monde.
Visuel ©Irving Penn. Yves Saint Laurent, Paris, 1957.
Avec l’aimable autorisation de The Irving Penn Foundation / Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.
Ceux qui lisent nos articles ne seront pas surpris de savoir que mon coup de cœur va à l’exposition Yves Saint Laurent !
(N°23 sur le plan Des Rencontres Photographiques d'Arles).
Il faut donc commencer le périple sans entrer dans le centre-ville mais en suivant le boulevard des Lices qui devient ensuite l’avenue Victor Hugo qui mène tout droit à La Luma, ce centre artistique et culturel réalisé par la Fondation LUMA de Maja Hoffmann sur le Parc des Ateliers à Arles. Le site, ouvert en 2021, réunit sept anciennes usines ferroviaires rénovées et une magnifique tour de 56 m de haut, conçue par l’architecte Frank Gehry.
Le parc accueille cette année l’exposition « Yves Saint Laurent et la photographie », qui a pris place dans le bâtiment appelé « La Mécanique Générale », au cœur du parc.
L’exposition se présente en deux parties, l’une retrace le parcours du couturier de ses début chez Christian Dior en 1955, jusqu’à la fermeture de sa Maison de haute couture, en 2002. Une chronologie qui se déroule tout d’abord au travers de photographies réalisées par les plus grands photographes de l’époque, qui ont marqué nos rétines à jamais : Richard Avedon avec « Dovina et les éléphants – 1955 », Franco Rubartelli, qui photographia la première saharienne en 1968, Helmut Newton, avec sa fameuse photographie « Rue Aubriot » où Vibeke Knudsen, porte un tailleur pantalon, de la collection Automne/hiver 1975. Sous l’éclairage naturel des réverbères, le modèle, cheveux plaqués en arrière, fume une cigarette, cet arrêt sur image illustre parfaitement la révolution artistique décidé par Saint Laurent, ou par le jeu du féminin/masculin, le couturier émancipe la femme de ses carcans, la rendant puissante.
Catherine Deneuve, l'égérie, mais surtout l'amie du couturier, apparaît également dans de nombreuses photographies et dans une interview dans laquelle elle évoque sa relation avec le couturier.
Le cabinet de curiosités
La seconde partie de l’exposition se présenter sous la forme d’un cabinet de curiosité où photographies personnelles, planches contacts, pages de magazines, croquis et archives de la Maison nous permettent d’entrer dans l’intimité du couturier.
Ses archives émanent de la Fondation Yves Saint Laurent et de son Musée Parisien, qui possède une immense quantité de documents (dont 5 000 vêtements et 150 000 accessoires !). A l’initiative de cette exposition, le Musée au travers de cette exposition, nous permet d’appréhender la vie et l’œuvre de ce jeune homme né le 1er août 1936, à Oran en Algérie, décédé le 1er juin 2008, à Paris. Issu d'une famille de notables alsaciens établie en Algérie à partir de 1871, Yves Mathieu-Saint-Laurent passe sa jeunesse à Oran, puis vient à Paris. Sa mère, lectrice assidue du magazine Vogue, joue un rôle essentiel dans l’éveil esthétique de son fils. Si dès 1953 il créé deux collections pour poupées en papier en découpant les silhouettes dans les magazines de sa mère, la même année il obtient le 3ème prix du concours du Secrétariat international de la laine. L’année suivante, âgé de dix-huit ans, il obtiendra le 1et et le 3ème prix. C’est aussi à cette occasion qu’il rencontre Karl Lagerfeld, qui est sacré lors de ce concours en 1954, lui aussi ex-aequo avec Yves Saint Laurent.
En 1955, il est engagé comme assistant dans la Maison Christian Dior, dont il prend la tête, en 1957, au décès de Monsieur Christian Dior. Sa rencontre avec Pierre Bergé en 1958, marque le début d’une nouvelle aventure : la création de sa propre maison, dont le premier défilé eu lieu le 29 janvier 1962, lors duquel il réinvente le caban, puis le trench-coat, lors de la collection Automne-hiver 1962.
La carrière d’ Yves Saint Laurent fut jalonné de plusieurs créations qui ont marqué de façon indélébile la monde de la Mode : La robre Mondrian (1965), en hommage à Piet Mondrian, le Smoking (1966), le tailleur pantalon (1967) qui donne de la puissance aux femmes, la Saharienne (1966), les blouses transparentes (1968) qui firent scandale !
Certaines de ses collections ont rendu hommage à des artistes, tel Henri Matisse (1980), Vincent van Gogh (1988), Picasso (1988), mais aussi à des univers comme celui de la Russie, avec la collection Ballets Russes (1976), ou de l’Asie, en particulier avec le lancement du parfum Opium (1977), qui fit couler beaucoup d’encre à l’époque.
L’histoire du couturier est indéniablement un marqueur dans celle de la Mode et cette exposition est un véritable hommage, à l’homme et au créateur, au travers de l’art de la photographie, un voyage à travers le temps, qui grave à jamais dans nos rétines des images indélébiles.
Commissariat de Simon Baker & Elsa Jansen.
Ambiance kitch avec Kourtney Roy, La Touriste
Visuel ©Kourtney Roy. Marilyn Wig, série La Touriste, 2019-2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Les filles du calvaire / Project 2.0 Gallery.
Pour rejoindre cette exposition, il faut prendre le Boulevard Emile Combes, puis longer le Rhône sur quelques mètres pour arriver à l’ancien Collège Mistral.
(N°18 sur le plan Des Rencontres Photographiques d'Arles).
Les autoportrait de la canadienne Kourtney Roy nous emmène dans un univers coloré et acidulé, à la fois teinté d’humour mais aussi d’étrangeté.
Une femme, « La touriste », rêve à des vacances fantasmées, et nous entraine dans une atmosphère où se croisent des hommes tout en pectoraux et une pin-up peroxydée, aux faux airs de Maryline. Puis l’œil du visiteur découvre un détail qui tranche avec l’ambiance des vacances le ramenant à une réalité qui donne un tout autre ton au visuel. Ces détails sont intimement entrelacés, de sorte que les scènes sont à la fois familières et étranges.
Visuel ©Kourtney Roy. I Heart You, série La Touriste, 2019-2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Les filles du calvaire / Project 2.0 Gallery.

Coup de folie : Octavio Aguilar : Tajëëw its Kontoy
Présenté par Parallel Oaxaca, Oaxaca, Mexique.
Visuel ©Octavio Aguilar. Tajëëw, ja tsa´any (Tajëëw, le serpent), 2020.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Prix découverte 2025 Fondation Louis Roederer, à l’espace Monoprix
(N°17 sur le plan Des Rencontres Photographiques d'Arles).
Cet artiste, né au Mexique, à Santiago Zacatepec Mixe, en 1986, utilise plusieurs médias, dont la photographie. Il cherche à explorer et à reconstruire les mémoires et les récits culturels de sa communauté ayuuk dont Tajëëw et Kontoy ses ancêtres, dont seule la transmission orale permet de connaitre l’origine d’une génération à l’autre. C’est grâce à sa grand-mère, Aurea Romero, qu’il a pu comprendre sa généalogie culturelle.
Ses photographies sont basées sur des codes visuels propres à l'imaginaire ayuuk, permettant de régénérer une mémoire diluée par le temps et les processus de ségrégation culturelle.
Aguilar explore également la relation entre image et texte, utilisant sa langue maternelle, le mixe (ayuuk), pour complexifier son identité et affirmer son appartenance culturelle. Sa photographie joue un rôle crucial dans la transmission des savoirs locaux et la coexistence linguistique dans un monde mondialisé.
Ici la photographie est utilisée comme un fil conducteur d’une installation audiovisuelle, mais aussi comme un moyen de garder le passé vivant afin qu’il trouve une place dans le monde d’aujourd’hui, tout en offrant une autonomie indigène. Son œuvre permet de tisser un lien entre les anciens et la nouvelle génération et de favoriser la transmission.
Visuel ©Octavio Aguilar. Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020.Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.

Visuel ©Letizia Battaglia. Rosaria Schifani, veuve du garde du corps Vito Schifani, tué avec le juge Giovanni Falcone, Francesca Morvillo et ses collègues Antonio Montinaro et Rocco Di Cillo, Palerme, 1992. Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia.
Pour rejoindre cette exposition, il faut longer le Rhône et le quai Marx Dormoy pour atteindre La Chapelle Saint-Martin du Méjan.
(N°11 sur le plan Des Rencontres Photographiques d'Arles).
La centaine de photographies de Letizia Battaglia (1935 – 2022) qui sont exposées, nous fait pénétrer dans l'univers cruelle de la Mafia sicilienne.
Elle n’embrassa le métier de photographe qu’à partir de la fin des années soixante, à près de 37 ans. Elle s’installe alors à Milan, après une vie de mère au foyer, s’occupant de ses trois filles, sous le joue de son mari, qui comme le fut son père, est autoritaire et violent. Après une grave dépression elle devient pigiste pour le journal l’Ora.
Puis elle finit par divorcer en 1971 et quitte la Sicile et se lance dans le journaliste pour la revue l’Ora et ABC, devant illustrer ses articles, elle découvre la photographie pour laquelle elle développe une véritable vocation. Puis en 1974, elle retourne à Palerme et devient directrice de la photographie du journal L’Ora. Pendant vingt ans, elle documente les violences de la mafia sicilienne, capturant des scènes de crime et de vie quotidienne. La force de ses clichés lui vaut une reconnaissance internationale.
Visuel ©Letizia Battaglia. L’arrestation du féroce chef mafieux Leoluca Bagarella, Palerme, 1979.
Avec l’aimable autorisation de l’Archivio Letizia Battaglia
Dans les années 1980/1990 elle s’engage en politique, pour combattre la mafia. Après l'assassinat des deux juges anti-mafia – Giovanni Flacon et Paolo Borsellino- elle met fin à son travail sur Cosa Notra. Pour exorciser les souvenirs violents auxquelles son métier l’a exposée, elle travaille par la suite sur des projets plus artistiques, sur le corps féminin dans lesquels elle mélange des archives personnelles.
Puis Letizia Battaglia arrête définitivement la photographie en 2017, laissant derrière elle un héritage visuel inestimable de plus de 600 000 clichés. Cette carrière est un témoignage d’une qualité inestimable sur les années où l’emprise de la mafia a généré une violence inouïe, marquant le pays, mais aussi plus intimement la vie de Letizia Battaglia, d’une noirceur proche de l’horreur.
A ne pas rater sur le site de l’exposition : le film d'une interview de Letizia Battaglia dans lequel elle revient sur sa vie.
A lire chez Acte Sud : Letizia Battaglia, Collection »Photo Poche », 2025.
Informations pratiques
Après avoir déambulé en ville, le réconfort d’une tasse de thé est le bienvenu ! J’ai découvert au détour d’une rue, le nouveau salon de thé Cosmos, ouvert en janvier par la Chef Justine Patel. Originaire d’Arles, cette pâtissière propose des créations pâtissières raffinées en sélectionnant des ingrédients d’exception, issus de cultures respectueuses de l’environnement et d’une production éthique.
Ces gâteaux entièrement fait maison (dont certains sans gluten) sont, non seulement délicieux, mais également très raffinés. L’ambiance seventies de cet espace est chaleureuse tout comme le service !
Salon de Thé Cosmos
5 rue Dulau
13200 Arles
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h
Tél. : 04 84 84 94 11
Les rencontres photographies d’Arles 2025
Jusqu’au 5 octobre dans toute la ville - 13200 Arles
Billetterie / Boutique /librairie : place de la République et Place du Président Wilson
Ouverte de 9h30 à 19h
www.rencontres-arles.com (les forfaits sont un peu moins chers en ligne 32 à 40 €)
Gratuit pour les moins de 18 ans.
Parking du centre, Juste après l’Office de tourisme sur le Boulevard des Lices.
Informations des lecteurs : Dans le cadre de la nouvelle loi encadrant le travail des influenceurs, mais aussi des journalistes et tous ceux qui sont présents sur les réseaux sociaux, nous vous informons que cet article n'a pas donné lieu à rémunération. L’organisateur nous a fourni un pass presse afin que nous puissions visiter les expositions, puisque notre politique éditoriale est de proposer à nos lecteurs des articles sur des lieux, évènements et produits que nous avons testés en amont.