Le Viaduc des Arts allonge ses arches de pierres dans le douzième arrondissement de Paris. Il abrite un véritable réservoir de savoir-faire, apanage d’artisans maîtrisant des techniques et des savoirs rares, étoffés d’années d’expérience et de patience. ATTITUDE Luxe est allé rencontrer une femme passionnée qui, sous ces arcades, exerce le métier de Bottière et revendique l’exercice d’un métier à l’ancienne, nimbé de créativité flamboyante.

A la recherche de l’authenticité

Italienne, née en Calabre, Laura Puntillo, aujourd’hui bottière, a effectué des recherches en anthropologie visuel pendant ses études à l’Université de Rome. Une fois diplômée, elle est entrée dans l’école de design Quasar et est devenue designer d’intérieur.  Venue à Paris pour travailler sur sa thèse , elle pensait y rester une petite année. Cela fait treize ans qu’elle vit à Paris aujourd’hui, là où elle a découvert l’art de la chaussure sur-mesure ! Avec son appétence pour le rêve et la création, elle considère la technique comme un support, non comme une obsession. Animée par la beauté pure et dure, teintée de flamboyance, elle cherche des matériaux et des formes qui sortent de l’ordinaire, grâce à ses mains d’artisan, sa démarche lui permet de mêler artisanat et design.

Laura Puntillo est venue à la chaussure par hasard, alors qu’elle travaille dans une Galerie d’art dont la directrice l’invite à découvrir une exposition Hommage, à l’Hôtel de Ville, sur le dernier bottier de Belleville, Maurice Arnoult. Ce dernier arrivé en 1922 dans ce quartier parisien, travaille dans son atelier jusqu’à l’âge de ... 102 ans !

©Mildred Forman
C’est alors qu’elle rencontre les membres de l’association Maurice Arnoult (AMA), qui regroupe des femmes auxquelles ce bottier a le premier ouvert son atelier. Avec les femmes de cette association qui ont avant tout envie de partager, elle échange sur les chaussures sur-mesure pour femmes et se prend de passion pour le métier. Elle apprend au sein de l’association auprès de Michel Boudoux, bottier spécialisé dans les chaussures en tissu dans les années 50/60, à la retraite aujourd’hui. Passionné de peinture, de fleurs, il a une créativité extraordinaire, d’être à ses côtés l’a énormément aidé à exprimer ses envies, il lui a aussi donné beaucoup de liberté.

Elle commencé par apprendre la technique pour les chaussures d’hommes, le cousu, très robuste, ce savoir-faire donne néanmoins du poids à la chaussure, alors qu’en chaussures pour femmes, la légèreté est primordiale, aussi travaille-t-on en collé, les épaisseurs sont ainsi beaucoup plus fines. Dans les écoles, il est considéré que si un élève sait faire du cousu, il sait donc aussi faire du collé, alors que pour Laura Puntillo cela n’a rien à voir. Un œil et une sensibilité différente sont nécessaires. Elle espère qu’avec sa démarche elle va inspirer d’autres femmes à faire ce métier.

Pendant quelques années elle continue son activité de designer d’intérieur pendant qu’elle se forme puis peaufine sa technique. Ensuite, elle rencontre Philipe Atienza, Meilleur Ouvrier de France et Maître d’Art, qui maîtrise la botterie aussi bien Hommes que Femmes. Elle devient son élève et collabore avec lui dès 2016, en tant qu’associée et salariée, avec lui elle peaufine sa technique et acquière les gestes complexes de l’art de la botterie.


L’Exceptionnel et l’intemporel


Les clientes de Laura Puntillo habitent souvent le quartier, celles qui sont plus âgées cherchent du confort, les plus jeunes veulent des modèles originaux et créatifs. Quelques personnalités souhaitent des modèles pour accompagner une tenue de soirée, ce sont des femmes qui s’assument. La patience est nécessaire pour acquérir une paire de chaussures sur-mesure, trois et quatre mois d’attente sont requis, mais c’est une expérience incomparable ! S’il faut compter au minimum 3200 € et parfois jusqu’à plus de 12 000 € pour des modèles très haut de gamme, le sur-mesure offre une expérience digne d’un un voyage. Tout ce que la cliente désir,  Laura Puntillo fait en sorte de le mettre en pratique. Bien sûr, elle apporte du conseil et ajuste selon chaque personne ses créations. La bottière assure également le service après-vente, car ce sont des chaussures qui ne peuvent pas aller chez le cordonnier, le soulier sur-mesure est plus délicat, mais sa durabilité plus longue.

Laura Puntillo nous indique que depuis quelque temps, elle trouve que les peaux ne sont plus les mêmes qu’avant, avec la pollution, les antibiotiques et l’élevage intensif, elles sont moins résistantes et les techniciens des tanneries n’arrivent plus à obtenir la même qualité de produits. Par chance, elle a pu obtenir un stock ancien important pour travailler.

©Mildred Forman
Maître & élève

Laura Puntillo est entrée dans un dispositif de Maître et élève d’Art, organisé par le Ministère de la Culture, avec Philippe Atienza. Ainsi pendant trois ans le maître doit transmette son savoir-faire à son élève. Dans ce cadre, elle souhaite se former sur le pied : Comment les pieds supportent-ils la cambrure, leurs formes, ... les chaussures doivent s’adapter à chaque femme.

Dans ce dispositif elle va faire un stage auprès d’un orthopédiste pour acquérir une réelle formation. L’artisane travaille à l’ancienne, pour réaliser une chaussure sur-mesure, elle prend les mesures sur papier, puis sculpte une forme en bois, à l’ancienne, sans l’apport de la technologie. Bien sûr la forme est précieusement conservé au sein de l’atelier ce qui permet de réaliser d’autres modèles par la suite, tant que le pied ne change pas ...

Quand elle crée une chaussure, elle fait la tige et crée un modèle d’essayage afin de recueillir les sensations de sa cliente pour travailler le plus parfaitement avec la matière sélectionnée. Il faut environ 25 h pour le montage, mais il y a aussi des temps de séchage à considérer.


Laura Puntillo et Philippe Atienza _ ©Alessandro Silvestri

L’indépendance


Dans leur atelier du Viaduc, avec Philippe Atienza, ils se consacrent uniquement à la création de chaussures et accueille en formation des bottières. C’est le seul atelier en français indépendant à produire des souliers, tant pour les femmes que pour les hommes, dans la pure tradition bottière.

Aujourd’hui, Laura Puntillo maîtrise tous les postes, elle est particulièrement animée par le fait de créer et pas seulement d’exécuter. En 2022 elle fonde sa propre entreprise au sein de l’atelier qu’elle partage avec Patricia Cruz, bottière de son état.

Quant à Philippe Atienza, il a ouvert un atelier en Provence, loin du tumulte parisien ... mais reste toujours à l’écoute.



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Pour demain ...

Laura Puntillo travaille sur un projet de création d'une édition de prêt-à-porter courte, de deux ou trois modèles par saison, pour un public un peu plus large, dans un ordre de prix de 600 à 1 500 € environ, afin de permettre à de nouvelles clientes de faire un premier pas vers le sur-mesure.      

 

Atelier Punto & Cruz
Artisan chausseur
Viaduc des Arts
53 avenue Daumesnil
7512 Paris

Du lundi au samedi 9h30-13h - 14h-18h30

+33 (0)6 45 35 14 33

puntillolaura@gmail.com

Le site Punto & Cruz

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                                                                                     L'atelier, les formes .... ©Mildred Forman