Entrer dans l’intimité de Frida Kahlo, l’une des artistes les plus influentes du XXème siècle : telle est la proposition du Palais Galliera cet automne. Une collection de plus de 200 objets, ayant appartenu à l’icône mexicaine, est présentée pour la première fois en France; ce qui permet de comprendre comment elle a façonné son image, nourrie par son héritage culturel et son expérience du handicap.


 Une vie hors norme


L’exposition « Frida Kahlo, au-delà des apparences » est un parcours à la fois biographique et thématique, réalisé en collaboration avec le Museo Fridha Kahlo de Mexico. Cette précieuse collection de vêtements, accessoires, cosmétiques, médicaments, prothèses et autres effets personnels, met à l’honneur cette artiste anticonformiste, à la vie hors norme.

Mises sous scellés à son décès en 1954 par son mari, le peintre muraliste Diego Rivera, ces pièces ont été redécouvertes cinquante ans plus tard. Ponctuée de courts métrages et de photographies, cette visite dévoile en six sections l’univers de cette légende mexicaine.





« Je suis née ici »


La première partie retrace ses origines, son enfance et son adolescence avec des portraits de famille. Magdalena Carmen Frida Kahlo y Calderon est née le 6 juillet 1907 à Coyoacan, ancien village aujourd’hui intégré à la ville de Mexico. Sa mère, métisse d’origine espagnole, lui donne dès son plus jeune âge le goût des vêtements traditionnels. Son père Wilhelm (Guillermo), émigré allemand, devenu photographe du gouvernement, lui transmet sa passion pour l’art et l’autoportrait.

A l’âge de 6 ans, Frida contracte la poliomyélite. Lors de cet isolement forcé, elle s’invente une amie imaginaire. C’est ainsi que naît son double en peinture, un motif qui sera récurrent dans son œuvre, notamment dans Les Deux Fridas, le tableau le plus connu.

Mais l’évènement le plus traumatisant survient, à 18 ans, le 17 septembre 1925 : une effroyable collision entre le bus dans lequel elle se trouve et un tramway. Outre de nombreuses fractures, elle est empalée par une tige en acier qui la transperce de la hanche au vagin. Alitée pendant des mois, elle doit abandonner ses études de médecine et commence à peindre une série d’autoportraits.

Quatre ans plus tard, elle épouse Diego Riviera, peintre de renommée internationale, séduit par ses peintures qu’il estime « habitées par une sensibilité vitale encore enrichie par une faculté d’observation impitoyable, quoique sensible ». Leur relation tumultueuse connaîtra un divorce en 1939 et un remariage en 1940.

 












La Casa Azul

 

Dans les années 1930, Frida fait rénover sa maison natale, décorée par ses parents dans un style européen. Elle égaye les murs d’un bleu éclatant et accumule les objets reflétant la culture mexicaine (art populaire, sculptures précolombiennes, peintures votives).

Cette Casa Azul devient très vite un véritable centre culturel, qui attire des personnalités, parmi lesquelles André Breton, le fondateur du mouvement surréaliste, et Léon Trotski qu’elle hébergera deux ans lors de son exil politique. Frida y vivra une majeure partie de sa vie, comme le montrent videos d’archives et photographies inédites.












De Gringolandia à Paris
 

Les sections suivantes racontent ses voyages. D’abord les Etats-Unis, qu’elle surnomme « Gringolandia ». A San Francisco, pendant que Diego réalise des fresques murales, elle façonne son style tehuana (ample robe brodée de couleurs vives, ondulante jusqu’au sol, inspirée de la culture des femmes de Tehuantepec).

A Détroit, à la suite d’une fausse couche, elle transforme son art, faisant voler en éclats tous les tabous. S’écartant des images conventionnelles de l’accouchement, elle peint une anti-nativité, en rupture avec ses autoportraits de belle tehuana.

A New York, la Julien Levy Gallery accueille sa première exposition personnelle. Sur le catalogue, André Breton compare ses peintures à « un ruban autour d’une bombe ».

Plus tard à Paris elle participe à une exposition collective intitulée « Mexique », qui lui vaut les félicitations de Miró, Kandinsky, Picasso. L’Etat français achète The Frame, une première pour un artiste mexicain (cet autoportrait est exposé de nos jours au Centre Pompidou). Frida aime Paris et sa mode, en particulier les créations surréalistes de Salvador Dali dans la boutique d’Elsa Schiaparelli.

 Handicap et créativité

La suite de la visite plonge le visiteur dans son intimité, bien au-delà des apparences. Cette partie évoque sa convalescence, après l’accident qui faillit lui coûter la vie.

Une photo la présente peignant à l’aide d’un chevalet pliant et d’un miroir, encastrés dans le baldaquin du lit. « Je me peins moi-même parce que je suis si souvent seule ». Une série de corsets, qu’elle s’est amusée à transformer en œuvres artistiques, rappelle les dizaines d’opérations qu’elle a dû subir. Au fil des ans, elle a construit un vocabulaire visuel pour exprimer sa souffrance physique et émotionnelle et sa capacité à créer. Même sa jambe prothétique, avec une botte lacée à talon compensé d’un cuir rouge, dotée de broderies chinoises sur soie et de grelots tintinnabulants, témoigne de son approche créative et joyeuse face à l’adversité. 


Tenues, parures et accessoires


Adolescente, Frida s’habille de façon non conventionnelle pour cacher sa jambe abimée par la polio. Dès 20 ans, elle crée des tenues d’inspiration mexicaine tehuantepec, un style hybride unique qu’elle développera et gardera toute sa vie. Les blouses richement brodées (huipils), les châles tissés (rebozos), les bijoux et les coiffures exposées ici ne sont pas des tenues d’apparat.

Elle les portait tous les jours comme l’attestent traces de peinture, reprises et brûlures de cigarettes sur de nombreux vêtements. Cette garde-robe minutieusement choisie lui permettait de dissimuler ses graves handicaps, mais faisait partie intégrante de son art et de son identité.

 
Un look contemporain
 

La visite s’achève au salon d’honneur par une exposition-capsule, montrant un panorama de pièces uniques réalisées par des créateurs de mode. Par exemples au printemps 1998, Jean-Paul Gaultier lui a rendu hommage sur un ton punk burlesque avec une jupe noire et un corset à lanières bouclées sur la poitrine, qui évoquent le tableau La Colonne Brisée.

Dans le même esprit, en automne 2010 pour la collection Givenchy, Riccardo Tisci a imaginé une robe en tulle de soie et dentelle, brodé de perles en porcelaine, et une ceinture-corset en métal peint et broderies de perles. Au printemps 2019, pour la collection Valentino, Pierpaolo Piccioli a réinterprété, avec organdi et organza, le resplandor, coiffe portée par les femmes de Tehuantepec lors des mariages.
A la fois unique et transgressive, Frida apparaît comme une muse dans l’histoire de la mode, Elle influence quelques créateurs contemporains, qui utilisent ses différents symboles identitaires comme source d’inspiration.
 





« Frida Kahlo, Au-delà des apparences »

Exposition jusqu’au 5 Mars 2023.

Palais Galliera
10 avenue Pierre 1er de Serbie
75016 Paris.

L’exposition-capsule s’achèvera le 31 décembre 2022.  














Frida Kahlo (1907 - 1954)
Centre Pompidou - Paris
20e siècle, aluminium ; auto-portrait, décor floral en buste.
Période comteporaine.







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