Dans l’arrière-pays niçois, à l’écart de l’agitation de Saint-Paul-de-Vence, le Jardin de la Vague est une table gourmande orchestrée par Akhara Chay. Le chef y propose une fusion de saveurs méditerranéennes teintées d’exotisme. A déguster au cœur d’un écrin végétal, avant de s’immerger dans l’univers artistique de la Fondation Maeght.


Un village médiéval


Séduits par l’exceptionnelle luminosité, peintres, poètes, artistes ont fait du village perché de Saint-Paul-de-Vence un haut-lieu de la création. Dès 1920 Soutine, Dufy, Signac y ont posé leur chevalet. Dans les années 50-60, le village a maintes fois servi de plateau de tournage et des célébrités, dont le couple Montand-Signoret, s’y sont installées.

Plus tard Marc Chagall y a trouvé l’inspiration, comme en témoigne encore, chemin Sainte-Claire, l’itinéraire ponctué de lutrins, qui reproduisent trois de ses œuvres. Enfin Jean-Michel Folon y a décoré la chapelle des Pénitents Blancs. Cette bourgade picturale, en partie piétonnière, cernée par une enceinte bastionnée sous le règne de François 1er, se prête à une flânerie. On déambule de ruelles en placettes, à la découverte de maisons anciennes, lavoirs, fontaines, puits, tourelles.

Une halte s’impose au Café de la Place, sous les platanes centenaires, devant le jeu de boules où les habitués de la célèbre Colombe d’Or disputaient des parties de pétanque.



Une architecture atypique 

Puis on s’immerge dans la fraîcheur des collines voisines au restaurant de l’hôtel La Vague de Saint-Paul. Noyé dans un écrin de verdure, l’établissement a été conçu par l’architecte avant-gardiste André Minangoy, à qui l’on doit l’immeuble très controversé de Villeneuve-Loubet, Marina Baie des Anges. Construit à la fin des années 1970 avec du béton allégé́ par des courbes révolutionnaires pour l’époque, l’hôtel quatre étoiles fut longtemps dédié aux séminaires. Au printemps 2012, le nouveau propriétaire a offert une cure de jouvence à cette maison somnolente. Aux manettes de la grande rénovation, l’architecte Maurus Frei. Le zurichois s’est adjoint le concours du designer portugais Leite de Castro, qui a paré l’édifice de mobilier en bois fabriqué sur mesure.

Puis profitant des confinements, le directeur Guillaume Puig et le chef Akhara Chay ont entamé la réfection de la cuisine, désormais dotée d’une large baie vitrée donnant sur la salle du restaurant. En inter-saison, on peut s’installer à la table du chef, aménagée pour quatre convives au sein de la brigade, à proximité du piano. L’été, la terrasse, lovée au cœur de la végétation méridionale, remporte tous les suffrages. 



A l’école des grandes maisons


De père thaïlandais et de mère cambodgienne, mais parisien de naissance, le jeune Akhara est tombé par hasard « dans la marmite » dès l’âge de 12 ans. Après le décès de sa mère, il se met aux fourneaux pour nourrir son petit frère et son père qui travaille en deux huit. Après un apprentissage dans les cuisines de Ghislaine Arabian au Pavillon Ledoyen, puis au Park avec Alain Ducasse, il rejoint Eric Provost au Royal Barrière à Deauville et obtient parallèlement le diplôme de l’Ecole des Chefs à l’Institut Paul Bocuse. Six ans plus tard, il part pour le Mas Candille à Mougins, puis passe par le Mas des Herbes Blanches à Gordes et enfin le Château Valmer, avant de poser ses valises en 2017 au Jardin de La Vague.

Disciple d’Escoffier, mais également Maître Restaurateur, Akhara n’utilise que des produits de saison et s’adapte à l’offre des producteurs locaux.

Des saveurs originales métissées

 

Forgé par vingt-six années au sein de tables prestigieuses, il compose un délicieux voyage culinaire, mêlant saveurs méditerranéennes et touches asiatiques, telle son entrée signature autour d’un foie gras revisité. Il le présente en escalope poêlée reposant sur un lit de perles du Japon, relevée de zeste de combawa et de poivre de timut, et arrosée d’un bouillon de dashi.

Autre plat signature, le filet de bœuf Angus laqué au barbecue Hibachi, accompagné de patates douces vanillées saupoudrées de sésame et auréolé d’une sauce épicée chimichurri (condiment herbacé sud-américain). De quoi réconcilier, ou presque, les végans avec la viande !

Pour les amateurs de poisson, il prépare un étonnant barracuda. Cuit au charbon de bois, laqué au miso et au saké, il le sert avec des shiitakés relevés à la sauce tamarin.

Des compositions originales, métissées et parfaitement maîtrisées. Pas étonnant qu’Akhara figure parmi les cinq nominés pour le Villegiature Awards 2022, catégorie meilleur restaurant d’hôtel dans le monde (résultat le 17 octobre).


 
De gourmandes saveurs

Au moment du dessert, le chef pâtissier Frédéric Benvenuti émoustille les papilles. Difficile de choisir entre l’aérien soufflé, citron vert et limoncello, craquelin et sorbet au thym citron, et l’ananas-mangue poché à la verveine, accompagné d’un crumble au sucre muscovado. Frédéric a rejoint le Jardin de la Vague en 2019, après avoir fait ses classes au Vieux Castillon à Avignon, à L’Oasis à Mandelieu et au Mas Candille.

En contrebas de la terrasse, les transats de la piscine invitent à une pause sous les pins. Cet espace verdoyant, tout comme le lobby et le bar, affichent les créations de six jeunes artistes. Peintures, sculptures, collages créent un surprenant télescopage sous l’appellation Rocambole. Une exposition estivale qui conforte le partenariat de La Vague avec la toute proche Fondation Maeght.

Un dialogue avec la nature
 
Inaugurée en juillet 1964, la Fondation rassemble 13 000 œuvres des plus grands artistes du XXᵉ siècle. Ce lieu singulier est avant tout une histoire de famille et d’amitié. Galeristes parisiens, éditeurs et marchands d’art d’après-guerre, Aimé et Marguerite Maeght ont créé une première fondation dédiée à l’art en France après avoir découvert les collections privées Barnes et Guggenheim lors d’un voyage aux Etats-Unis en 1950. Trois ans plus tard, pour tenter d’apaiser le chagrin causé par la mort de leur jeune fils Bernard, leur ami Georges Braque les encourage à imaginer un nouveau lieu d’expérimentation et d’échanges dans leur propriété de Saint-Paul. Joan Miró leur présente l’architecte catalan Josep Lluís Sert qui intègrera au bâtiment et à la nature les œuvres d’art imaginées par leurs amis artistes, chacun s’étant approprié un espace.









Un lieu unique hors du temps


Dès l’entrée, à l’ombre d’une pinède, le jardin des sculptures donne le ton autour notamment de la fontaine ludique de Pol Bury, du stabile monumental d’Alexander Calder, de l’éolienne de Takis. D’autres œuvres sont directement intégrées aux bâtiments, telles la mosaïque du mur d’enceinte de Pierre Tal-Coat ou celle de Chagall, Les Amoureux, campée sur le mur de la librairie. A côté, dans la chapelle St-Bernard, on remarque des vitraux La Croix et le Rosaire de Raoul Ubac et L’Oiseau Blanc de Georges Braque.

Dans la cour consacrée à Giacometti, la Grande tête de Diego et les deux versions de L’Homme qui marche ne sont pas positionnées par hasard. L’artiste a choisi lui-même l’emplacement de ses sculptures.

Avec la complicité des céramistes Josep Llorens Artigas et Joan Gardy Artigas, Joan Miró a créé le Labyrinthe. On le parcourt en suivant la ligne blanche peinte sur les murets, tel un fil d’Ariane menant à la sculpture monumentale qui représente le Minotaure. Tout autour, l’artiste a égrené une vingtaine de créations faites de matériaux divers, céramique, marbre de Carrare, fer, bronze et béton.

Quatre décennies d’abstraction

La visite se poursuit dans les salles à la rencontre de Bonnard, Kandinsky, Léger et d’autres artistes plus contemporains tels Christo, Garouste, Hartung, Tàpies, qui ont rejoints leurs illustres aînés. Les collections sont régulièrement enrichies par Adrien Maeght et Sylvie Eon Baltazart, sa demi-sœur, qui perpétuent l’esprit familial.

Au fond permanent, s’ajoutent des expositions temporaires. Ainsi, jusqu’au 20 novembre, via la Fondation Gandur pour l’Art de Genève, la Fondation propose Au cœur de l’abstraction, une immersion dans les années 1945 à 1980. Près de 120 œuvres évoquent l’évolution de l’art non figuratif notamment à travers Hans Hartung ou Pierre Soulages, l’abstraction géométrique de Victor Vasarely, les œuvres cinétiques de Jean Tinguely.

Incontournable pilier culturel de la Côte d’Azur, la Fondation représente un site intemporel où l’art, l’architecture et la nature dialoguent en parfaire harmonie.

Le Jardin de la Vague de Saint-Paul
Chemin des Salettes
06570 Saint-Paul-de-Vence

Tél. : 04 92 11 20 00

www.vaguesaintpaul.com

Fondation Maeght
623 Chemin des Gardettes
06570 Saint-Paul-de-Vence

www.fondation-maeght.com

                                      
                      Le  Labyrinthe Miró 1964-1973 -Photo Olivier Amsellem - Archives Fondation Maeght © ADAGP-Paris 2021