Destination la Normandie dans le département de l’Orne. Préparez-vous à un week-end aux univers multiples : Alençon, cité des Ducs et royaume de la dentelle, Saint-Céneri-le-Gérei et son authentique salle « des décapités » et enfin le Château de Saint Paterne qui abrita les amours secrètes d’Henri IV.

   
©Pascal Beltrami                                                                                                                                               ©OTSaintCénerileGérei


Alençon, Reine de la Dentelle

Malgré un temps un peu chafouin entre soleil et bruine, la préfecture de l’Orne réserve de merveilleuses surprises. Notre guide aujourd’hui s’appelle Marie-Claire Lion, communication référente pour Alençon tourisme, et elle est passionnée par sa ville, classée depuis 2010 « site patrimonial remarquable ». Elle nous a donnés rendez-vous dans le quartier Saint-Léonard. C’est en effet ici que l’on peut admirer les plus anciennes demeures d’Alençon, témoins d’un développement dès le XIème siècle, et d’une apogée au XVIème avec les Ducs d’Alençon. Après l’imposant Hôtel Dieu en pierre de granit gris de Condé-sur-Sarthe, se succèdent des façades à pans de bois ou couvertes d’essentes et des jolies cours pavées baptisées Cochon, Dauphin ou Hébert. Vous voilà transportés au Moyen-Âge !

    
©Pascal Beltrami                                                         ©Pascal Beltrami   

Du Château des Ducs d’Alençon restent des majestueuses tours crénelées ainsi que le pavillon d’entrée. Cet édifice remarquable fut érigé au XIème par les seigneurs de Bellême et complété au XIIème par Henri 1er Beauclerc, fils de Guillaume Le Conquérant, puis par Pierre II d’Alençon au XIVème. Il s’agissait alors de protéger la porte sud de la Normandie face au Maine. Démantelé par Henri IV, le château devint une prison en 1804… qui ne ferma ses portes qu’en 2010 !
Alençon est également une ville sanctuaire : De nombreux pèlerins se rendent à la Basilique Notre Dame pour rendre hommage aux trois saints de la ville : Louis et Zélie Martin canonisés en 2015 par le pape François et leur fille Sainte Thérèse de Lisieux. En plus des chapelles qui leur sont dédiées, la Basilique possède une belle collection de vitraux, un orgue remarquable et un magnifique porche du gothique flamboyant à trois pans, véritable ouvrage de dentelle de pierre.

 
 ©Pascal Beltrami                                                                                             ©Pascal Beltrami   

Dans le centre-ville, les alençonnais sont aussi très fiers de leur Halle aux grains construite en 1812. Comme nous, vous serez séduits par la taille de sa coupole joliment appelée la crinoline. Un peu plus loin, la Préfecture est installée dans l’ancien hôtel de Guise, somptueux hôtel particulier de style Louis XIII. L’office de tourisme, quant à lui, a pris ses quartiers dans la Maison d’Ozé, superbe logis du XVème, qui (raconte la légende) aurait accueilli le roi Henri IV.

Avant de découvrir l’art de la dentelle et du point d’Alençon, je vous invite à la table du Chef Jonathan Lorel. Place Bas de Monsort, la façade du restaurant L’Evidence offre une vue sur l’Eglise Saint-Léonard et une terrasse au bord de la Sarthe. Nous sommes accueillis par Marie, son épouse, qui fait ronronner de plaisir la salle du restaurant. A la carte, riz de veau, filet mignon de porc ou quasi de veau, mais le Chef aime par-dessus tout cuisiner le poisson. Ce jour-là, il propose un cabillaud et son risotto de petits légumes à la cuisson parfaite. Côté dessert, son mille-feuilles exotique mangue et passion vaut aussi le détour !

     
©Pascal Beltrami                                               ©Hélène Feltin
 
L’Art de la dentelle d’Alençon

Seule dentelle dont le savoir-faire est inscrit au patrimoine culturel immatériel à l’UNESCO, la dentelle au point d’Alençon mérite bien le titre de Reine des dentelles. Au musée des Beaux-arts et de la Dentelle, labellisé Musée de France, les salles consacrées à la dentelle d’hier et d’aujourd’hui retracent trois cent cinquante années d’histoire. Au XVIème siècle, la noblesse se pare de jabots, de robes, de voiles réalisés au point de Venise. En 1650, une dentellière d’Alençon Marthe de la Perrière met au point une technique de point qui va révolutionner la dentelle à l’aiguille. Le point d’Alençon est né, dont Colbert fait très vite une référence royale en établissant en 1665 une Manufacture Royale à Alençon. La dentelle d’Alençon devient alors unanimement appréciée dans le monde entier : Imaginez qu’au XVIIIème, la manufacture employait plus de dix mille personnes. Mais, savez-vous qu’il faut suivre dix étapes pour l’exécution de cette dentelle : Le dessin à la gouache, le piquage, la trace, le réseau, les remplis, les modes, la brode, le levage, l’éboutage et le luchage. Soit environ sept heures pour un centimètre carré (un timbre-poste) : Il aura donc fallu entre trois cent cinquante mille et cinq cent mille heures de travail pour réaliser ce voile de mariée du XIXème de trois mètres cinquante de long et deux mètres de large ! Aujourd’hui, sept dentellières confirmées préservent et transmettent ce savoir-faire d’excellence au sein de l’Atelier conservatoire national de dentelle et de broderie d'Alençon, rattaché à l’Administration générale du Mobilier national.

   
©Hélène Feltin                                                         ©Hélène Feltin


Vie de château à Saint Paterne

A deux kilomètres d’Alençon, voici une demeure comme on les aime. C’est la propriété familiale de Charles-Henry et Ségolène de Valbray qui nous reçoivent chez eux. Ils ont fait des onze chambres du château des chambres d’hôtel et revendiquent un « chic-cool » sans démagogie et sans afféterie. Lorsqu’il hérite du château en 1989, Charles-Henry fait preuve de patience et d’ingéniosité pour faire de cette bâtisse du XVème un havre de paix et une demeure chaleureuse. Après le grand porche et son ancien pigeonnier, on entre dans la cour d’honneur et la magie opère. On sonne et la porte s’ouvre devant Madame de Valbray, très à l’aise dans son époque. Elle est suivie de son chien « qui ne va nulle part sans elle », me dit-elle. Elle nous escorte au premier étage jusqu’à la chambre Henri IV. Oui, le souverain y a séjourné en 1589 et la chambre a même abrité ses amours secrètes avec Isabelle d’Ivry, comme en témoigne son chiffre enlacé à celui de la dame et gravé dans le magnifique plafond. Le ton est donné : Le Château de Saint Paterne s’émoustille de son passé.

    
©Hélène Feltin

Depuis le charmant balcon en pierre, le parc de dix hectares se déploie et invite à la promenade. De la grande pelouse au vert immaculé, on rejoint une forêt plantée de grands hêtres. Une autre distraction très prisée est bien sûr la piscine de quinze mètres sur cinq avec son bain nordique. 
Les lumières du Château s’allument : C’est l’heure de l’apéritif servi à 19h30. Dans l’escalier d’honneur, deux anciennes lanternes en papier créent des ombres chinoises sur les pages d’un magnifique herbier géant. Du vestibule à la salle à manger, en passant par le grand salon, Saint Paterne s’illumine de mille bougies. Les pièces témoignent des richesses passées avec leur mobilier, leurs curiosités, leurs lourds rideaux et le feu qui crépite dans la cheminée. L’ambiance est bon enfant et l’on imagine facilement les trois enfants des de Valbray courant en maillot de bains dans le parc et habillé pour un dîner en famille ou avec quelques célébrités comme Isabelle Huppert, Alain Bashung, William Christie ou Lindsay Owen-Jones.

     
©Hélène Feltin

20 heures, le gong retentit. Le dîner est servi dans la salle à manger décoré d’un poêle en faïence monumental et éclairé par des flambeaux d’argent. Monsieur de Valbray, lui-même, est aux fourneaux. Véritable esthète, il a développé un goût pour une cuisine de saison. Au menu ce soir-là, un savoureux velouté du Barry, une joue de bœuf et ses légumes confits, et pour le dessert, un nougat glacé, soupe de rhubarbe et fraises. Et si vous avez apprécié, les plats repassent une deuxième fois. Des boissons chaudes et autres délices sont servis dans le grand salon tandis que la nuit descend doucement sur le parc.

       
©Hélène Feltin


Saint Céneri-le-Gérei, village d’artistes

Comme il le porte bien son titre de « Plus beau village de France ». Situé au cœur des Alpes Mancelles, ses cent-cinquante habitants vivent dans un écrin de verdure et une histoire qui remonte au VIIème siècle. Un ermite italien venu évangéliser en France y construisit un monastère. L’église du XIIème a conservé de splendides peintures murales dont la Vierge au manteau protégeant le village. Un peu plus loin, dans un grand pré au bord de la Sarthe, la Chapelle du Petit Saint Céneri invite au ressourcement et à la contemplation. Au retour, faites le tour de l’église pour découvrir un panorama exceptionnel sur la vallée.
Dans le village, les maisons en pierre et leur terrasse fleurie se succèdent et sont toutes plus belles les unes que les autres. On comprend alors qu’au XIXème, les peintres aient eu envie de quitter leurs ateliers pour peindre au grand air au plus près de la nature. Nombreux sont ceux qui découvrent Saint-Céneri et créent l’Ecole de Saint-Céneri. Ils logent dans des auberges dont celle des deux sœurs Léonie et Adelaïde Moisy. L’office du tourisme y a élu domicile et préserve un patrimoine extraordinaire : Au premier étage, la Salle « des décapités » illustre cette joyeuse et vivante époque où les peintres s’amusaient même à peindre sur les murs. La soixantaine de têtes peintes selon la technique de l’ombromanie a immortalisé des clients mais aussi des célébrités comme Eugène Boudin et TOP le chien (sic).

       
©Hélène Feltin

Dans la veine de ces bonnes tables où il faisait bon ripailler et se détendre, je vous invite à déjeuner à l’Auberge des Peintres. Inscrite au titre des Monuments historiques, elle abrite vingt-huit panneaux peints directement sur les murs dont certains du peintre Marie Renard. En s’installant dans ce lieu chargé d’histoire, le Chef Bruno Bellanger et son épouse Marie rendent hommage à la cuisine française. Trois formules pour le déjeuner où le Chef propose son foie gras fait maison, un délicieux filet mignon de porc et sauce aux cèpes et une mousse au chocolat. Avec pour parti-pris des produits frais et de saison, le Chef offre à Saint-Céneri-le-Gérei une table qu’il faut absolument découvrir.

    
©OTSaintCénerileGérei                                                                                    ©Pascal Beltrami

www.chateau-saintpaterne.com

museedentelle.cu-alencon.fr

www.visitalencon.com

www.ornetourisme.com

www.tourisme-alpesmancelles.com