Valérie Belin est une photographe considérée comme l’une des plus douées de sa génération, elle expose ses œuvres des années 1990 à nos jours, jusqu’au 27 août 2023 au MUba Eugène Leroy, à Tourcoing. Cette exposition d’envergure retrace en une centaine de photographies l’ensemble de son parcours et c’est la première fois qu’une sélection aussi complète de ses œuvres est présentée.
©valerie-belin, série Venise II, Sans titre, 1997.
Les différentes séries exposées témoignent du renouvellement stylistique ainsi que de sa continuité fondamentale de l’œuvre. Sans suivre un fil strictement chronologique, l’exposition montre les développements et l’évolution de l’œuvre de Valérie Belin. De l’argentique au numérique, du noir et blanc à la couleur, des objets aux humains, de l’organique au virtuel, les êtres et les choses y sont envisagés comme autant d’apparences où la surface signifie l’intériorité.
Questionnant les stéréotypes de genre et de société, la photographe interroge les rapports parfois complexes que l’on entretient avec son corps et ses représentations.
Dès ses premières années d’études, Valérie Belin s’oriente vers une pratique de la photographie marquée par la prise en compte des propriétés intrinsèques de ce medium, qui la conduit à s’engager dans un véritable approfondissement de son potentiel esthétique ; elle compare souvent sa démarche à celle de certains peintres et artistes minimalistes américains, comme Robert Morris ou Robert Ryman. Ses premiers travaux sont des photographies de sources lumineuses, qui présentent l’aspect de radiographies, ou de pures empreintes laissées par la lumière. En 1994, Valérie Belin expose pour la première fois son travail à Paris ; elle y présente une série de photographies en noir et blanc d’objets en cristal. Pour la réalisation de cette série, l’artiste a fait le choix d’un protocole à la fois strict et minimal : prise de vue sur site, en lumière ambiante, en l’absence de toute mise en scène. Il s’en dégage paradoxalement une esthétique de la présence, dont le véhicule est une empreinte, vécue comme une trace ou une mémoire de l’objet. Jusqu’à la fin des années 1990, l’artiste affirmera son style au travers de cet exercice de la série, faisant ainsi émerger une « vérité » de l’objet en le dépouillant de son arrière-plan anecdotique et d’un expressionnisme qui pourrait être lié à son individualité. L’objet est ainsi soumis à un processus d’objectivation sans compromis, et sa représentation semble se retourner contre lui-même par trop d’insistance ; le sujet philosophique qu’il statue est tenu à distance, désamorcé, dépouillé de son drame, comme s’il se dissolvait entièrement dans la photographie.
En 1999, l’Union centrale des arts décoratifs expose la série des Bodybuilders, qui marque l’apparition de la figure humaine dans l’iconographie de l’artiste. À l’orée des années 2000, La Fondation HSBC pour la photographie publie la première monographie de l’artiste. Entre 2000 et 2003, Valérie Belin, s’engage dans une recherche sur les questions existentielles et identitaires de l’être, et réalise des séries de portraits en noir et blanc, de taille monumentale : notamment, la série des Transsexuels, qui met en exergue le brouillage des frontières de l’identité, liées à la question du genre – et la série des Femmes noires, dont les visages, proches d’une sculpture, questionnent le filtre culturel et ses projections. L’aboutissement de ce travail sur la question du portrait est accompli par la série des Mannequins de vitrine, qui, paradoxalement, paraissent plus animés d’émotions que les êtres réels.
Dans le milieu des années 2000, la démarche photographique de Valérie Belin s’exprime par un traitement particulier des êtres et des choses, qui frappe par son caractère à la fois spectaculaire et dépouillé, et qui n’autorise aucune dérive narrative ou documentaire. À partir de 2006, sa démarche photographique attire progressivement l’intérêt des plus importantes institutions dédiées à la photographie contemporaine en Europe et au-delà. D’importants musées américains et français font l’acquisition de ses œuvres : le Museum of Modern Art de New York, le San Francisco Museum of Modern Art, le Musée national d’art moderne à Paris, le Musée d’art moderne de la ville de Paris, le Palais Galliera à Paris.
Le travail de Valérie Belin ne cesse d’évoluer, toujours en phase avec les évolutions du médium photographique qu’elle utilise : là où il n’était auparavant question que d’analogie, il est aujourd’hui beaucoup plus question de calcul, d’intention, de manipulation, d’information, d’impression… C’est ainsi que l’artiste va mettre à l’épreuve, dans la plus pure tradition baroque, et souvent avec bonheur, jubilation et fantaisie, tous les artifices qui s’offrent aujourd’hui à elle par le traitement des tons et des couleurs, la solarisation, la superposition, la saturation, l’accumulation. Le mélange des genres et des sujets est également à l’œuvre : décors urbains, décors de théâtre et décors champêtres, sex-shops et fast-foods, reines, miss et mariées, danseuses burlesques et pacotille. Ce mélange provoque un choc visuel et sémantique qui se résout dans la fusion des formes et la métamorphose.
De cette mise en œuvre, il résultera notamment les séries Crowned Heads (2009), Black Eyed Susan (2010-2013), Stage Sets (2011), Bob (2012), Still life (2014), Super Models (2015) et All Star (2016). Au-delà de la photographie, Valérie Belin s’investit aussi dans d’autres domaines comme la vidéographie ou la performance. En 2011, elle présente une œuvre vidéo dans le cadre d’une installation à Rio de Janeiro ; elle y reprend chacune des photographies de sa série Black Eyed Susan sous la forme d’une « image fixe » à laquelle elle superpose un motif vidéographique animé et qu’elle accompagne d’une musique électronique répétitive. Ces motifs perturbants, formant une sorte de « bruit de fond électronique », se surajoutent au motif original, comme pour brouiller plus encore les pistes de lecture, à la manière d’un message publicitaire.
Valérie-belin, 2020 ©Frédéric-Stucin.
Née en 1964, diplômée de l’École nationale des Beaux-Arts de Bourges et d’études en philosophie de l’art à l’université Panthéon-Sorbonne, Valérie Belin vit et travaille à Paris. Artiste et photographe, elle élabore de minutieux protocoles de travail, d’observation, de prise de vue, de collecte d’objets, de documents et de montage numérique.
Valérie Belin fut en premier influencée par différents courant minimalistes et conceptuels, puis elle s’est intéressée à la photographie, qui en tant que médium, est à la fois le sujet de son œuvre et son moyen de réflexion et de création. La lumière, la matière et le « corps » des choses et des êtres, ainsi que leurs transformations et représentations, constituent le terrain de ses expérimentations et l’univers de son propos artistique. Son travail se concrétise sous la forme de projets qui se composent de séries photographies
Largement reconnu, son travail a bénéficié d’importantes expositions, notamment au Centre Pompidou à Paris en 2015 - la même année elle a été lauréate du prix Pictet en 2015 (Discorder)- elle expose en Chine en 2017 et au Victoria & Albert Museum de Londres en 2019, et se trouve dans les plus grandes collections nationales et internationales, publiques et privées.
Valérie Belin est représentée par la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles, depuis 2013
L'incertaine beauté du monde
©valerie-belin -série Heroes, Lady Heart, 2022.
Valérie Belin a conçu au MUba une exposition d’envergure et cet accrochage dense et spectaculaire, met en avant différentes séries qui témoignent du renouvellement stylistique ainsi que de sa continuité fondamentale de son œuvre. L’artiste semble habitée par la quête minutieuse d’une esthétique aussi immédiate que troublante. Les sujets photographiés sont-ils animés ou inanimés, naturels ou artificiels, réels ou fantasmés ?
Sans suivre un fil strictement chronologique, l’exposition montre les développements et l’évolution de l’œuvre. De l’argentique au numérique, du noir et blanc à la couleur, des objets aux humains, de l’organique au virtuel, les êtres et les choses y sont envisagés comme autant d’apparences où la surface signifie l’intériorité. À travers les différentes séries, l’exposition donne accès à l’imaginaire de l’artiste. Valérie Belin interroge les rapports parfois complexes que l’on entretient avec son corps et ses représentations. Sa dernière série intitulée Heroes (2022) reprend ainsi une figure souvent représentée, celle du clown et du mine, qui cherchent à divertir tout en révélant une vérité.
Résolument ancré dans un réel qui nous façonne, l’art de Valérie Belin semble introduire un trouble. Il joue des multiples possibilités expressives de la photographie (noir et blanc, surimpression, modification chromatique, cadrage, etc.) pour mettre à distance une perception convenue du sujet. Ce faisant, elle réactive notre imaginaire.
Informations pratiques
©valerie-belin_série All Star, Confessions of the Lovelorn, 2016
MUba Eugène Leroy
2 rue Paul Doumer
59200 Tourcoing
Tél. : +33 (0)3 20 28 91 60
Le musée est ouvert tous les jours de 13h à 18h00
Fermé les mardis et jours fériés
Accès : par la route : A 22 Lille-Gand, sortie Tourcoing-centre ou N 356 Lille-Tourcoing sortie Centre Mercure ; puis direction centre-ville
Tramway : Direction Tourcoing, terminus centre-ville
Métro : Ligne 2 direction CH Dron, arrêt Tourcoing Centre
Dans l’autre partie du musée, l’exposition KALÉIDOSCOPE, autour de la couleur, présente une centaine d’œuvres de la collection permanente du musée, du 17e siècle à nos jours. Au sein de ce parcours, une salle est spécifiquement dédiée à Eugène Leroy, et plus précisément aux spectaculaires peintures réalisées dans les années 1990. Le MUba Eugène Leroy fait dialoguer les époques et les disciplines artistiques en déployant des sujets d’exposition inédits, dans des accrochages inattendus renouvelés régulièrement.