Derrière son austère image de place financière, Zurich cache une ville festive, créative, avant-gardiste, dotée d’un riche patrimoine architectural et culturel. A quatre heures de TGV de Paris, elle se prête à un agréable city break hors-saison. Laissez-vous surprendre par cette métropole à taille humaine, en suivant Mireille Gignoux à la découverte de quelques bonnes adresses.

Une forte tradition avant-gardiste

A une trentaine de kilomètres des Alpes, traversée par le cours de la rivière Limmat et baignée par les deux rives nord du lac éponyme, Zurich n’est pas seulement la capitale économique helvétique. Elle est devenue au fil du temps le premier centre artistique du pays. En 1916, elle a vu naître le mouvement Dada à la créativité débridée. Elle est également le berceau ou la terre d’adoption de nombreux intellectuels et artistes, tels Lénine, Albert Einstein, James Joyce, Thomas Mann, Hermann Hesse, le Corbusier, et même Niki de Saint-Phalle, dont une imposante statue d’ange semble survoler le grand hall de la gare centrale.

Débordante d’énergie, Zurich attire créateurs, designers, peintres, sculpteurs qui égrènent leurs œuvres dans cinquante musées et une centaine de galeries. Mais la métropole abrite aussi une pittoresque vieille ville, à parcourir depuis notre quartier général, The Dolder Grand.

Un 5-étoiles qui conjugue baroque et design

Juché sur la colline d’Adlisberg, surplombant le Zurichsee, le mythique palace The Dolder Grand cultive une élégance intemporelle depuis 1899. A l’origine, il ressemblait à un château néo-gothique, nimbé de touches chalet. C’était l’adresse préférée de la bourgeoisie helvétique et de quelques prestigieux hôtes de passage, du Shah d’Iran à Bill Clinton, des Rolling Stones à Pavarotti.

Depuis 2008, ce 5-étoiles relooké constitue une luxueuse retraite, offrant une symbiose parfaite entre tradition et modernité. Sous la houlette du britannique Norman Foster, le bâtiment Belle Époque a été enlacé par deux spectaculaires ailes de verre et d’acier en forme de vague, Spa Wing et Golf Wing. Entièrement vitrées, elles sont doublées de feuilles d’aluminium découpées au pochoir, dont les motifs font écho à la forêt voisine. Un saisissant contraste avec les chapiteaux corinthiens, les lustres en cristal et les plafonds d’époque de la bâtisse d’origine. 

Cette audacieuse métamorphose est magnifiée par l’imposante collection d’art du propriétaire, le milliardaire Urs Schwarzenbach. Dès le lobby, on a le sentiment de déambuler dans une galerie d’art, essaimée de 120 peintures et sculptures : Henry Moore, Tinguely, Miró, Botero, Dali...

Outre les chambres et suites tantôt conventionnelles, tantôt design, le palace compte quatre suites signature, dont la Maestro de 400m2 avec piano à queue en hommage à Herbert von Karajan et la Carreza de 230m2 qui s’inspire des œuvres d’Alberto Giacometti.

Deux restaurants et un immense spa complètent les prestations de ce joyau de l’hôtellerie suisse.

L'art du contrast :
1/ Dolder Grand Hotel, Zurich
2/ Jardin du Dolder Grand Hotel, coté Spa Wing
3/ Dolder Grand Hotel, intérieur du grand-Spa-Wing


Des adresses au parfum d’autrefois


Le chemin de fer à crémaillère Dolderbahn constitue la façon la plus amusante de rejoindre le cœur de Zurich depuis l’hôtel. Comme un clin d’œil aux Zurichois qui l’empruntaient, lors de l’ouverture de l’hôtel, pour se réfugier en altitude durant l’été. 

Sur la rive droite de la Limmat, non loin de la gare, le quartier de Niederdorf est sillonné de rues escarpées réservées aux piétons. Elles dévoilent les maisons des corporations qui régissaient jadis la vie politique et culturelle de la cité, mais aussi des boutiques de créateurs, des galeries d’art et des bars animés jour et nuit.

On prend un café au Cabaret Voltaire (Spiegelgasse 1), haut-lieu du dadaïsme, qui conserve des objets d’art de l’époque. Ou s’attable dans le très kitch 1842 (Napfgasse 4), pâtisserie-salon de thé, où les becs sucrés se régalent de gâteaux et chocolats. À quelques pas de là, le magasin colonial Schwarzenbach (Münstergasse 17) offre une incroyable collection de thés, cafés, épices, fruits secs dans un décor qui semble ne pas avoir changé depuis 1864.

  salon de thé;      

1/ Pâtisserie-salon de thé 1842 
2/ Boutique Schwarzebach
3/ La Cathédrale Grossmünster

Plus loin, reconnaissable à ses deux tours néogothiques, que Victor Hugo surnommait la salière et la poivrière, se dresse la cathédrale de style roman Grossmünster, symbole du Zurich réformé. Un escalier raide de 187 marches conduit au sommet, d’où s’ouvre un magnifique panorama.


Du prêt-à-porter dans la salle des coffres

Sur l’autre rive, pointe la Fraumünster, abbaye gothique du XIIIème siècle, célèbre pour ses vitraux signés Chagall et Giacometti. Ce quartier, le Lindenhof, le plus ancien de la ville, ressemble à un petit village hors du temps. Des venelles bordées d’échoppes d’artisans grimpent jusqu’à l’esplanade aux quatre-vingt-dix tilleuls, où le point de vue mérite également un détour. Au loin, on aperçoit l’École Polytechnique Fédérale, qui a accueilli sur ses bancs des lauréats du Prix Nobel, dont Einstein.

En contrebas, le quartier de Schipfe, aux terrasses bordées par la Limmat, rappelle qu’au Moyen-Age les bateaux s’amarraient ici pour livrer soie, or et nourriture.

Derrière, sur le tracé des anciens remparts, s’étire la mythique Bahnhofstrasse, une sorte de Ve avenue. Côté gare, on trouve des magasins grand public, dont certains sont installés dans les locaux d’anciennes banques. Par exemple au sous-sol de l’enseigne COS, passée la porte blindée d’origine, les coffres-forts servent de décor aux collections de prêt-à-porter masculin. Au-delà de l’imposante Paradeplatz, fief des fameuses banques suisses, grandes marques de luxe et prestigieuses bijouteries se multiplient.

Le quartier du Lindenhof

Des impressionnistes au design

Parmi la très riche offre culturelle, l’incontournable Kunsthaus (Heimplatz 1) ravit tous les visiteurs, d’autant que la nouvelle aile, inaugurée en octobre 2021, en fait le plus grand musée d’art suisse. Outre les collections de Giacometti et de Munch, il abrite notamment des œuvres clés de l’impressionnisme et du postimpressionnisme français, ainsi que le pop art de Wharhol et Hamilton. Et jusqu’au 8 janvier 2023, le Kunsthaus rend hommage, à travers 150 pièces, à l’art protéiforme de Niki de Saint-Phalle.

Changement de décor au bord du lac, où le pavillon Le Corbusier (Höschgasse 8) affiche des panneaux émaillés colorés sur sa façade. A l’intérieur, peintures à l’huile, dessins, meubles, sculptures et quelques objets personnels illustrent l’univers de l’architecte franco-suisse. C’est le dernier bâtiment qu’il a signé, mais il est décédé avant qu’il ne soit achevé. Ce pavillon-musée (pause hivernale du 28/11/22 au 27/4/23) est géré par le musée du design (museum für gestaltung) déployé sur deux sites. Le plus intéressant, sur le campus Toni-Aeral (Zurich Ouest), rassemble plus de 500 000 objets quotidiens, affiches, arts décoratifs et graphiques. Le parcours highlights présente des pièces iconiques, telles l'éplucheur Rex, le couteau de l’armée suisse de Victorinox ou encore la police de caractères Helvetica conçue en 1957 par le graphiste Max Miedinger.

Pavillon Le Corbusier

Le branché Züri West

Pour prendre le pouls du Zurich du XXIème siècle, direction les Kreis (arrondissements) 4 et 5. Dans cette ancienne zone d’entrepôts et d’usines, on assemblait jadis bateaux et moteurs. Abandonnée en 1960 lors de la désindustrialisation, elle est devenue trente ans plus tard un haut lieu de la culture alternative. Les logements des familles d’ouvriers ont été reconvertis en lofts et les créateurs s’y sont installés, tels en 1993 Daniel et Markus Freitag. Les deux frères ont imaginé les premiers sacs en bâches de camion. Aujourd’hui, leur flagshipstore, aménagé dans des conteneurs de frêt empilés, présente également sacoches, pochettes, portefeuilles fabriqués à partir de chambres à air de vélos, et des vêtements à base de matériaux compostables.
Non loin de là, sous les 36 arches de l’ancien viaduc ferroviaire, bâti en 1894, ont pris place boutiques de déco design, de vêtements vintage et de créateurs, ainsi que des petits restos.

Dans ce quartier en perpétuelle effervescence, la Lichthalle Maag (Zahnradstrasse 22) propose une expérience immersive Monet’s Garden. L’ histoire du peintre impressionniste sert de canevas à des projections vidéo à 360 degrés, avec effets lumineux et sonores. Dans l’esprit de l’Atelier des Lumières parisien. En première mondiale jusqu’au 23 novembre.

Les arches de Zurich Ouest


Plaisirs gourmands

Certes, la base culinaire suisse tourne autour des produits laitiers issus des alpages et des poissons pêchés dans les lacs. Mais Zurich compte aussi des restaurants branchés qui oscillent entre recettes ancestrales et innovation.

Nos coups de cœur :

Kronenhalle (Rämistrasse 4). Une adresse légendaire où s’attablaient musiciens, acteurs, gens de lettres et artistes. Certains d’entre eux ont même payé leur repas avec une de leurs œuvres; ce qui explique les authentiques toiles de Chagall, Picasso ou Miró sur les murs. Une ambiance 1900 pour goûter l’émincé de veau à la zurichoise, le plat signature.

Boucherie AuGust (Rennweg 1). Une atmosphère rustique chic, où saucisses et saucissons suspendus derrière le comptoir rappellent la vocation d’origine du lieu. Un must pour les amateurs de viande. Mais salades et planches charcuterie-pâté-fromages sont également au menu.

Restaurant La Boucherie August




Razzia (Seefeldstrasse 82). Des projections d’art numérique animent le spectaculaire décor Belle Epoque de ce restaurant aménagé dans la première salle de cinéma zurichois. Les habitués succombent aux classiques d’inspiration asiatique comme la salade de boeuf thaïe et le faux-filet teriyaki.

The Restaurant, la table doublement étoilée de Heiko Nieder au Dolder Grand. La carte aussi gourmande qu’inventive, teintée de multiples saveurs, peut inclure au déjeuner un service en cinq plats avec par exemples homard aux fraises et joue de bœuf Wagyu.

Le Saltz, la deuxième table du Dolder Grand est plus informelle. Le chef Julian Mai revisite le terroir avec les poissons du lac et quelques plats aux notes orientales. Le décor à la fois insolite et arty (mur rouge, rocher suspendu au plafond via un enchevêtrement de cordes d’escalade et de mousquetons) a été imaginé par l’artiste Rolf Sachs (fils de Gunther, qui forma avec Brigitte Bardot un couple glamour des sixties). 

Restaurant Le Saltz

PRATIQUE

. S’y rendre. Le TGV Lyria effectue plusieurs liaisons quotidiennes Paris-Zurich en 4h. www.tgv-lyria.com

. The Dolder Grand, Kurhausstrasse 65. www.thedoldergrand.com/fr/

. www.myswitzerland.com/fr-ch/destinations/zurich/

. Zurich Tourism. www.zuerich.com

 

Bon à savoir : La ville se visite à pied. Mais un réseau de tramways dense peut faciliter toute exploration urbaine (Zurich Card de 24 ou 72h).

Dolder Grand Hotel : salon vers le lobby

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