Direction le sud de l’Alsace - que l’on appelle pourtant le Haut-Rhin (sic) - pour une halte dans une ville aux multiples visages : Mulhouse. En deux jours, nous allons vous raconter son histoire et vous faire découvrir quelques-unes des pépites de son patrimoine. ATTITUDE Luxe vous confie aussi ses bonnes adresses tels la charmante maison d’hôtes Peonia ou encore le restaurant Kieny où se sont succédées des générations de chefs depuis 1850. Suivez-nous au cœur d’une histoire où tout a commencé au pied d’un moulin,…

   

Une Alsace créative : Histoire d’une métamorphose

On parle de Mulinhuson « maisons du moulin » à partir de 803. Un soldat blessé aurait été sauvé par un meunier et serait tombé amoureux de sa fille… Ville du Saint-Empire Germanique, Mulhouse devient ville impériale en 1308. Entre 1466 et 1515, elle signe des traités d’alliance avec les seize cantons suisses et adopte la religion protestante en 1523. A la fin de la guerre de Trente Ans en 1648, toute l’Alsace devient française, sauf Mulhouse qui se proclame république indépendante. Un statut qui l’autorise à produire par exemple les fameuses indiennes alors interdites en France (nous parlerions aujourd’hui du lobbying du coton et de la soie), et qui lui offre un commerce très florissant. C’est à cette époque aussi que nait, par exemple, la filature DMC, Dollfus-Mieg et Compagnie, créée en 1746 par Jean-Henri Dollfus. En 1798, Mulhouse choisit de rallier la France pour assurer des débouchés à son industrie textile. La Société Industrielle de Mulhouse SIM, quant à elle, est fondée en 1826 par vingt-deux entrepreneurs et est à l’origine de nombreuses avancées économiques, techniques et sociales, dont la première école de chimie en Europe. D’autres puissantes industries voient le jour, tel l’ancêtre de la SACM et d’ALSTHOM, qui met en circulation l’une des premières lignes de chemin de fer Mulhouse -Thann en 1839.Tous ces industriels façonnent la ville que je découvre aujourd’hui avec son patrimoine religieux, culturel, la première cité ouvrière de France, l’ouverture de l’usine Peugeot et les cités de l’automobile et du train. Dans les rues, l’art est partout à l’honneur avec les arches de Daniel Buren le long de la ligne de tramway ou avec les murs peints qui trouvent leur plus ancienne illustration sur les façades de l’Hôtel de ville peintes par Jean Gabriel en 1698. Mulhouse n’en finit donc pas de se réinventer !

     


Une maison d’hôtes dans un jardin de pivoines


Le quartier que je rejoins maintenant rappelle d’ailleurs cet âge d’or de Mulhouse, lorsque les grands capitaines d’industrie faisaient construire leurs propriétés sur les hauteurs du Rebberg, le quartier le plus huppé de France (dit-on). Prestigieuse bâtisse au 48, Boulevard Léon Gambetta, Peonia at home a appartenu à la famille du Capitaine Alfred Dreyfus. Reprise il y a une dizaine d’année par Andréa et Antonio D’Onghia, elle est devenue une jolie maison d’hôtes. Nommée Peonia pour les pivoines qui poussent dans le jardin, elle a été soigneusement rénovée par ces deux talentueux architectes. Comme le raconte Andréa, nous avons souhaité préserver l’âme des lieux en conservant par exemple les ravissantes boiseries blondes de l’escalier ou les poignées de porte en argent. La grande salle à manger – salon est meublée avec goût et un certain souci du détail. On voit aussi ici ou là de grandes pièces de mobilier design signées Le Corbusier ou Eileen Grey. Les D’Onghia ont également crée des objets sur mesure tels le miroir monumental qui habille le hall d’entrée.

     

Dans la suite Maharani, qui va m’accueillir pour ma première nuit mulhousienne, je découvre une grande tête de lit réalisée dans une indienne emblématique, l’Arbre de Vie, une jolie façon de mettre le patrimoine mulhousien à l’honneur. Deux autres suites Madras et Pashmina complètent le second étage où les hôtes de Peonia disposent aussi d’un grand salon illuminé par un puits de lumière. Pour les séjours avec enfants, la suite familiale est composée de deux chambres Pierre de Ronsard et Peonia ainsi que d’un balcon qui ouvre sur le jardin. Andréa y travaille en ce moment car elle a pour ambition de redonner vie à l’ancien jardin des Dreyfus.

    


Déjeuner au Petit Paris et balade en centre-ville

Inspirée par mes lectures sur Mulhouse, je suis impatiente de m’y promener et commence ma visite par la Place de la Réunion qui commémore bien sûr le rattachement de Mulhouse à la France. Le Temple Saint-Etienne y trône en majesté tandis que je détaille l’ancien Hôtel de Ville avec sa façade rose décorée et son splendide escalier couvert à double révolution. Tout autour, les différentes façades colorées ont un petit air Renaissance. Prenez le temps d’admirer la fontaine du Hallebardier, la maison Mieg, la pharmacie au Lys qui date de 1464, et de déambuler dans la rue Mercière, la rue de la Lanterne, la place Lambert, la rue Henriette ou rue Guillaume Tel. Pour déjeuner, je m’installe au Petit Paris : Dans une rue piétonne, ce bistrot chic avec sa terrasse ensoleillée offre une vue sur le clocher du Temple Saint-Etienne. Le Chef Florent Amiot ayant pour parti pris une cuisine française et ses produits de saison, je choisis de goûter les asperges d’Illfurth accompagnée d’une sauce mousseline et d’un jambon d’Auvergne. En dessert, une tartelette au chocolat Gianduja et ses fraises d’Alsace restent un délicieux incontournable. Une petite déambulation shopping s’impose naturellement après le déjeuner… Je recommande tout près Label d’histoire, la boutique de Marie-Jo Gebel, à qui la Mairie donne depuis trois ans carte blanche pour créer l’Etoffe de Noël. Un peu loin, passez par L’Artichaut, Une Pluie d’Etoiles ou encore Bretzel et Arc en ciel pour rapporter d’autres souvenirs.

      


Embarquez dans la fabuleuse histoire du chemin de fer

Tout commence dans les années 1960 lorsque la SIM décide de valider le projet de créer un musée par l’Association Française des Amis du Chemin de Fer. Quelques années et quelques nouveaux bâtiments plus tard, la Cité du Train fête ses 50 ans en 2021 et devient « Cité du Train - Patrimoine SNCF », le plus grand musée ferroviaire d'Europe. En plus de ses deux halles couvertes, c’est un espace extérieur de 16 000 m2 avec expositions permanentes et temporaires, ainsi que de nombreuses animations ferroviaires ludiques à faire en famille.
Deux grands espaces nous plongent dans les couloirs de l'histoire du train et de son impact dans la vie quotidienne des français. Connectés à l’application SAM !, (Sud Alsace Museums), commençons d’abord par le « Parcours Spectacle et ses vingt-sept machines » où je remonte le temps à travers six thèmes : Le chemin de fer et les vacances, le chemin de fer et la montagne, les trains officiels, le chemin de fer et la guerre, les cheminots et l'univers du voyage. Parmi tous ces joyaux, j’aime particulièrement monter à bord ou presque… de la voiture-salon de la Présidence de la République Française de 1913, de la voiture de 4ème classe du réseau ferroviaire d'Alsace-Lorraine de 1907 et de l’élégante voiture-restaurant de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits de 1928.

     

Dans la deuxième exposition intitulée « Les Quais de l'Histoire », je suis l’évolution technologique du train depuis la plus ancienne locomotive à vapeur de 1844 au TGV Euroduplex de 2013. C’est un vrai spectacle avec ses soixante-quatre matériels où l’on m’explique la vapeur (première locomotive à vapeur inventée en 1804 par Richard Trevithick au Royaume-Uni), la révolution industrielle, la création de la SNCF en 1938, la concurrence de l’automobile et de l’avion, et en 1974, la construction de la ligne nouvelle ferroviaire en traction électrique de Paris à Lyon voulue par le Président de la République Georges Pompidou.  Le train à grande vitesse va devenir le transport ferroviaire de référence du 21ème siècle.

   


Aux origines de l’impression textile européenne

Autre merveilleuse illustration du passé industriel de Mulhouse, j’ai maintenant rendez-vous au Musée de l’Impression sur Etoffes. L’histoire de l’impression textile commence en Inde, peut-être 2000 ans avant notre ère. Des artisans indiens se transmettent de générations en générations les secrets de l’art de décorer les toiles de coton. Longs, complexes et empiriques, les processus de fabrication des indiennes reposent sur l’utilisation de mordants, sels métalliques qui, appliqués sur la toile, ont la propriété de fixer les colorants de teinture. Cette maîtrise des procédés chimiques donne naissance à une palette de couleurs riches et brillantes, où dominent les rouges de garance et les bleus de l’indigo. Importées en Europe à la fin du XVIe siècle, les indiennes séduisent vite une époque habituée aux lourdes soieries, aux lainages et aux toiles de lin. En 1748, quatre jeunes entrepreneurs Samuel Koechlin, Jean-Jacques Schmalzer, Jean-Henri Dolfus et Jean-Jacques Feer créent la première manufacture d’indiennes à Mulhouse.

 

Au gré d’un parcours logique, je comprends mieux l’impression textile mais je suis surtout éblouie par certaines indiennes dont la Tenture aux Pivoines vers 1790, des tissus en ikat, le célèbre wax africain, des soies brochées, des sarongs. Je découvre au premier étage des outils, des dessins, des machines,…Sachez enfin que le musée propose de faire revivre cet héritage et ce savoir-faire à travers des ateliers et des démonstrations d’impressions grâce aux précieuses planches de bois gravées en relief.

   


Diner gastronomique à la Maison Kieny

Au cœur de Riedisheim, à cinq minutes de Mulhouse, je vous invite à partager mon dîner dans la Maison de Mariella Kieny. Etoilée Michelin, sa table séduit par la qualité des assiettes et la convivialité des équipes. Dans cette belle maison peinte en rouge, ce sont plusieurs générations de cafetiers et de restaurateurs qui se sont succédés depuis 1850. Je comprends mieux l’ADN des Kieny en lisant leur devise : « Pour construire l'avenir de la cuisine, il faut savoir prendre le meilleur du Passé... garantir la tradition en l'adaptant à notre temps pour que le plaisir du bien-manger demeure ». En salle, une compression d’ustensiles de cuisine utilisés génération après génération est aussi une belle illustration des traditions et du savoir-faire. Ici, l’atmosphère est feutrée et chaleureuse ; les boiseries se mélangent aux pierres et au mobilier ancien.  Mariella vous accueille dans sa maison avec beaucoup de grâce, de générosité et de simplicité.

     

En cuisine, les équipes s’activent autour du Chef de cuisine pragois Joseph Pindur formé par les plus grands : Nicolas Salle, Gordon Ramsay ou encore Gilad Pelad ainsi qu’auprès de bien d’autres tables internationales. Enthousiasmé par l’Alsace, région qui regorge de bons produits, il a une passion pour le végétal qu’il s’amuse à décliner sous toutes les textures, un goût pour les caramels de légumes et les sauces sapides, ainsi qu’une créativité débordante inspirée par les saisons. Avec son second Arnaud Meregnani et Laurent Kiery Maitre pâtissier, la cuisine du Kiery est délicate, élégante et raffinée. A la carte, il faut goûter le foie gras de canard, rhubarbe et fraises, l’omble chevalier de Hembach en trois cuissons, le filet mignon et poitrine de cochon grillée servie avec une choucroute fermentée, graines de moutarde et peau croustillante. Et pour le dessert, ne résistez pas au fondant au chocolat et au chou aux fraises Gariguette !

     


Chez Peonia, le petit-déjeuner est fait maison !

Andréa D’Onghia a commencé dans la soirée à préparer notre petit-déjeuner. Elle aime cuisiner et pâtisser. Sur la table du petit-déjeuner où la faïence de Gien côtoie l’argenterie, nous allons partager kouglof, pain d’épices, madeleines, pain au levain fait maison… Les confitures également réalisées par la maitresse de maison sont toutes aussi délicieuses : Pivoines, oranges amères, myrtilles, framboises et pêches blanches, roses et romarin. Sans oublier une succulente salade de fruits parfumés à la menthe, à la bergamote et au citron vert. Si vous avez du temps, sachez qu’Andréa donne des cours de cuisine très courus ! Elle est aussi une ambassadrice de la broderie qu’elle aime pratiquer le soir tandis que cuisent ses pâtisseries. Le signal du départ est donné : La journée se présente sous les meilleurs auspices, avec un programme digne d’un Ministre de la Culture.

     

Prête pour une balade dans le Rebberg

L’air est frais sur la colline du Haut Rebberg (Reb : la vigne et Berg la colline) lorsque je rejoins Rémy, de la Maison du Patrimoine de Mulhouse. Avec lui, nous allons monter et descendre les rues et ruelles de ce quartier si charmant et si arboré, et dont certains petits chemins ne sont pas sans rappeler la géographie parcellaire du vignoble alsacien. Il nous raconte que la vigne poussait ici jusqu’à la fin du XIXème. Mais, produisant un vin de mauvaise qualité, elle est bien vite remplacée par de somptueuses propriétés dont la première fut celle de la famille Koechlin. Il faut dire que l’endroit est parfait pour élever sa famille à quelques minutes du centre-ville et des grandes filatures. Deux importants réservoirs d’eau élevés par les allemands dans les années 1890 favorisent aussi le développement du Rebberg. Dans le « bas », s’installent les maisons des riches industriels, tandis que dans le « haut », ces mêmes industriels plutôt paternalistes développent des installations destinées à rendre le quotidien de leurs ouvriers plus agréable voire « plus hygiéniste ». C’est ainsi que le Zoo et la Jardin Botanique ouvre en 1868, l’Hôpital Emile Muller, le Parc Etienne Miquey, le Parc du Belvédère, et qu’est préservé le Clos du Clettenberg où poussent encore quelques pieds de vignes. Mais, le plus charmant et le plus insolite est sans aucun doute le Jardin d’Hygiène Naturel. Curieux nom pour ce lieu hors du temps créé il y a plus d’un siècle par les grands patrons d’industrie pour « procurer une activité à la population ouvrière ». Aujourd’hui, sur cet hectare et demi, demeure une soixantaine de maisonnettes où quelques chanceux passent toujours leurs dimanches.

     


Immersion dans la plus belle collection automobile au monde

Dans ce lieu unique, Mulhouse incarne bien le rôle qu’elle veut jouer comme « premier pôle européen de musées scientifiques et techniques ». Crée il y a quarante ans, le musée est géré par l’Association de Gestion du Musée National de l’Automobile qui a de grandes ambitions de modernisation à l’aube des années 2025. Mais, intéressons-nous au présent : Installé dans une ancienne filature de plus de vingt mille mètres carrés, le musée raconte l’évolution de l’automobile à travers les collections des frères Fritz et Hans Schlumpf. Tout débute en 1936 lorsque Fritz Schlumpf achète sa première Bugatti puis réunit pendant plus de vingt ans une collection de près de cinq cents voitures classées au titre des Monuments Historiques. Le fond Schlumpf n’est pas seulement culturel, il est aussi technique puisque l’on peut, dans des ateliers intra-muros, restaurer et remettre en route tous ces véhicules prestigieux. En pénétrant dans la Grande Salle, la mise en scène est spectaculaire avec ses neuf cents lampadaires inspirés du Pont Alexandre III à Paris. Des véhicules de tout genre et de toute marque rutilent de leurs couleurs bleues, rouges, grises, vertes… : Bugatti, Alfa Romeo, Rolls-Royce, De Dion-Bouton, Ferrari, Hispano-Suiza, Citroën, Mercedes, Panhart,.. Un peu plus loin, la zone Course Automobile est également spectaculaire. Le musée se veut aussi pédagogique avec ses nombreux cabinets de curiosités.

     

Pour célébrer les 40 ans du musée, ne manquez pas encore l’exposition « Iconiques mécaniques … et autres curiosités », qui présente en trois temps les trésors cachés des collections : L’héritage du collection Fritz Schlumpf, la sauvegarde des trésors de l’automobile et l’écrin pour les trésors du musée. On comprend bien que Fritz Schlump était dévoré par une passion boulimique pour l’automobile mais il était aussi un sentimental quand il achète des traineaux, souvenirs de son enfance en Suisse ou des véhicules de pompier parce que son père a été pompier. Je reste dubitative devant le vélocipède de Michaux construit en 1867, je suis éblouie devant les grosses cylindrées comme la Delahaye de 1922 et son luxe à la française. Et comment ne pas tomber en pamoison devant la légendaire Bugatti Royale des années 1920, la voiture la plus luxueuse au monde, la Joconde de l’automobile si j’osais !
Je termine ma visite par un déjeuner au restaurant l’Atalante. Un nom qui fait référence à la déesse grecque célèbre pour ses exploits hors du commun et à l’un des plus beaux modèles signés Bugatti. En dégustant une cuisine du marché, j’aperçois à travers les grandes baies vitrées l’autodrome du musée où tournent en ce moment de jolis bolides.

   


Fin de journée au Parc Zoologique et Botanique

Ouvert en 1868, il est l’un des plus anciens de France. A l’initiative d’un groupe d’industriels philanthropes, il se veut alors « le jardin du peuple ». Six mille personnes s’y pressent le jour de son ouverture. Il est devenu depuis les années 1980 un centre de recherche, de préservation et d’élevage des espèces menacées. Il compte aujourd’hui mille sept cents animaux et accueille par exemple une singerie, l’enclos des ours polaires, des zèbres, des loups une volière, …Sur les presque cent soixante-dix espèces animales présentées par le Parc Zoologique et Botanique, quatre-vingt-dix sont menacées de disparition dans la nature. Le Parc est également un jardin remarquable où poussent trois mille plantes et fleurs comme des iris, tulipes, hydrangeas, rhododendrons, … Enfin, pour profiter encore un peu de la beauté et de la sérénité du Parc, je vous recommande de prendre un thé sur la terrasse de l’Auberge du Zoo dont le magnifique belvédère de 1902 ne pourra vous échapper.

C’est avec cette dernière visite que s’achève notre échappée à Mulhouse. Une ville qui nous a surpris et dont nombreux lieux restent encore à découvrir. Les deux millions de visiteurs par an ne s’y trompent pas : Mulhouse incarne une Alsace créative !

    

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