Sous les fresques du restaurant gastronomique de l’hôtel Royal, mythique palace juché sur les hauteurs d’Evian-les-Bains, le chef Patrice Vander sublime les produits du terroir au fil des saisons. Rencontre avec un sympathique quinqua à qui le guide Michelin a renouvelé en février dernier un macaron bien mérité. 

Ambiance Belle-Epoque 

Posté en belvédère au-dessus du lac Léman, le majestueux hôtel Royal se dresse au milieu d’un parc de dix-neuf hectares. Cet établissement iconique, qui séduisit dès son ouverture en 1909 personnalités et têtes couronnées, illustre depuis plus d’un siècle l’art de vivre à la française.

Magnifiquement rénové par les architectes François Chatillon et François Champsaur, il a retrouvé sa splendeur d’antan. Toujours paré du fameux bleu-gris pâle d’origine, il perpétue l’ambiance Belle Epoque des lieux, notamment avec les fresques néo-baroques classées qui évoquent les saisons (sauf l’hiver, autrefois la période de fermeture). Peintes par Gustave-Louis Jaulmes, elles habillent les plafonds, du grand salon au salon Edouard VII, en passant par le restaurant gastronomique, auquel elles ont donné leur nom.

Pour les admirer plus aisément, un miroir en forme de face-à-main est collé sur la carte du gastro, où Patrice Vander émoustille les papilles. Le chef préside également aux destinées de la brasserie chic La Véranda et de la table healthy l’Oliveraie au bord de la piscine.



Un macaron Michelin partagé

 Originaire de l’Oise, un père chasseur, Patrice grandit avec la « belle cuisine familiale » de sa mère et les guides Michelin que lui donne son grand-père, chef de cabinet de la Préfecture de l’Isère et amateur de tables étoilées. Après l’école hôtelière de Compiègne et le service militaire, attiré par les grandes maisons, il enchaîne le Parc des Loges à Megève et l’Impérial Palace à Annecy, comme chef de parti. Pour apprendre les bases de la haute gastronomie, il décroche ensuite une place au Relais Sainte-Jeanne à Méry-sur-Oise, où il rencontre son mentor Gérard Cagna, qui va lui inculquer l’amour de la cuisine.

Après un temps au Plaza Athénée, il rejoint le Royal comme second de Michel Lentz, étoilé en 2001. Peu à peu, Patrice gravit les échelons et devient en 2010 chef exécutif des cuisines, après la perte du macaron en 2008-2009 et le départ du chef Lentz à Moscou.

On connaît la suite : trois années de rénovations en 2012-2015, la classification Palace en 2016 et sa première étoile en 2018. Un macaron qu’il partage avec sa brigade en cuisine, ses équipes en salle, la direction qui l’a soutenu et ses partenaires. « Je ne les appelle pas des fournisseurs ; nos relations sont avant tout basées sur la confiance. Nous avons au fil du temps tissé des liens forts et amicaux. D’ailleurs, au lendemain de la première étoile, tous ont été conviés à venir goûter les plats Collection. Une façon de leur signifier qu’ils ont contribué à cette récompense», précise Patrice. Leur liste figure toujours sur la carte. 

Hôtel Royal, Chef Patrice Vander Portrait © Edouard Guibaud

Ecrevisses et filets de perche

 

Membre des Toques Blanches lyonnaises et du Collège Culinaire de France, rassemblements de chefs et de producteurs artisans régionaux de qualité, le chef s’approvisionne depuis 15 ans chez le boucher Maison Trollier, depuis 21 ans auprès d’Éric Jacquier pour les poissons du lac, et achète ses fromages depuis 5 ans à la Ferme du Noyer. Au hasard de ses balades à vélo, il découvre même quelques autres bonnes adresses comme l’Escargotière à Chevenoz.

Patrice aime mettre à l’honneur les merveilles du lac, telle la féra, délicatement fumée servie en tartare avec du caviar osciètre. Ou encore les écrevisses sur une Royale de foie gras, écume parfumée à la verveine, et les filets de perche servis sur un galet fumant, pommes rouges, épeautre et réduction de cidre qui font partie des plats Collection.
Plat signature : Perches © Pascal Reynaud

Mer et terre

Mais il cuisine aussi les poissons de mer demandés par la clientèle internationale du Palace, tels le bar de ligne avec variation de fenouil et poutargue, ou le lieu jaune, chou-fleur, broccolini, condiment d’ail noir.

« Je garde toujours des plats de la saison précédente que je retravaille différemment. Par exemple l’hiver j’accommode le homard bleu de betterave, épine-vinette et consommé de tête parfumé à l’hibiscus ; l’été, je le prépare en tartare avec araignée de mer, herbes du potager et huile de basilic. On ne peut pas changer toute une carte au risque de perdre son identité ».

Côté terre, l’intemporelle poularde de la Bresse voisine, plat emblématique de Paul Bocuse dont le père Georges a travaillé au Royal avec Fernand Point, figure en permanence sur la carte. Patrice la décline en deux temps : suprême clouté au foie gras et fines herbes et cuisse confite au vin jaune. Autre plat carnassier, le filet de bœuf d’Abondance fumé au foin d’alpage, déclinaison de noix, noisettes, châtaigne, jus parfumé au génépi de Bernex.

Hôtel Royal, plat signautre, Homard Bleu, du Chef Patrice Vander ©Anne Moscatello

Un dressage minimaliste

 

Dès son arrivée à l’hôtel Royal, Patrice a repensé avec Valentin, le chef des jardiniers, l’aménagement, en contrebas du domaine, d’un potager bio en permaculture. 3 000 m² qui produisent au printemps 70% de la garniture des plats des Fresques et 100% l’été, tels courgettes, plusieurs variétés de tomates, haricots verts, petits pois, patates douces, blettes, cardons, autres légumes d’antan, pommes de Savoie, fruits rouges et herbes aromatiques. Quelques-unes de ces plantes servent aux infusions, assemblées à la demande en fin de repas devant les convives. 

« La cuisine évolue forcément par décade, continue Patrice. On enlève ce qui ne sert à rien. On ne met plus les sauces sur les assiettes, on épure pour faire un dressage minimaliste. Mais au moment du service, on verse la sauce devant le client ; ce qui apporte de la gourmandise ».

Pour ces voyages gastronomiques, les ingrédients simples, authentiques, sains, aux saveurs préservés ne sont jamais plus de trois par recette. « Quand on a un beau produit, c’est suffisant. De plus, cela rend la carte plus lisible; l’intitulé indique exactement ce qu’il y aura dans l’assiette ».


Trois complices de choix

Lorsqu’il conçoit un nouveau plat, Patrice note la recette et la montre à César, son pilote-essayeur qui, en collaboration avec les trois jeunes chefs de parti, vont apporter de nouvelles idées sur le dressage. « Mais en l’écrivant, j’ai déjà le goût en bouche comme un musicien-compositeur lorsqu’il pose les notes sur une portée », ajoute-t-il.

Outre sa brigade d’une vingtaine de personnes à l’année (trente-cinq l’été), trois autres complices contribuent à cette réussite. Stéphane Arrête, talentueux chef pâtissier, a imaginé un dessert signature, la Griotte, en référence à l’incendie qui a endommagé les étages supérieurs du Royal en août 1958. Flambé lors du service, ce soufflé chaud, parfumé à la liqueur de kirsch, est d’une texture ultra légère qui explose en bouche. Loïc Chavasse-Frette, chef sommelier, a créé de judicieux accords mets-vins. Et pour orchestrer le ballet culinaire avec maestria, le souriant Stéphane Bougon, responsable de salle.

« Recevoir quelqu’un, c’est se charger de faire son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous votre toit » disait Brillat-Savarin. L’équipe des Fresques en a fait sa devise.

 

Restaurant Les Fresques

Hôtel Royal
13 avenue des Mateirons
74500 Evian-les-Bains.

Tél. : 00 33 (0) 4 50 26 85 00

Service à partir de 19h30.

www.hotel-royal-evian.com/restaurant-gastronomique-les-fresques/

Hôtel Royal, potager royal © Edouard Guibaud



Hôtel Royal Restaurant Les Fresques © Pascal Raynaud