Strasbourg, dans la salle du restaurant « Au Crocodile ». Encore fermé dans le contexte sanitaire actuel, il y règne pourtant une certaine fébrilité à la suite des dernières annonces optimistes du gouvernement français. J’y retrouve Jean-Philippe Burrus, Directeur du pôle tourisme du groupe SALPA. Le lieu est bien choisi pour parler plaisirs, passion, partage, voyages culinaires. L’homme de 34 ans incarne un héritage familial qu’il revendique avec fierté et qui met en avant la gastronomie française et le rôle important des acteurs du tourisme. Confidences recueillies par Hélène Feltin.




Parlez-moi de votre parcours

Après avoir terminé mes études en France, je suis entré à l’école hôtelière internationale de Glion en Suisse où j’ai décroché en 2014 un double Bachelor Glion-Les Roches. Fraichement diplômé, j’ai hésité entre le secteur bancaire et le groupe familial SALPA, mais à cette époque, la branche restauration n’existait pas encore.
En janvier 2015, mon père Jean-Paul Burrus est venu me voir avec un projet baptisé « Les Secrets des Grands Express », une magnifique voiture-restaurant de 1928 située à Geispolsheim à côté de Strasbourg. Il m’a proposé un challenge : Lancer un concept autour de la restauration et le développer. Comme j’aime beaucoup les challenges, j’ai accepté : J’ai écrit un concept pour le wagon, j’ai recruté une équipe avec le Chef Thomas Koebel (aujourd’hui au restaurant « Le Relais de la Poste ») et de fil en aiguille, la clientèle a apprécié cette table bistronomique. « Les Secrets des Grands Express » étaient nés !
En janvier 2017, nous avons créé le pôle tourisme de SALPA qui est à l’origine la réunion des « Secrets des Grands Express » et du Musée « Les Secrets du Chocolat par Schaal ». A partir de là, les choses se sont enchainées : « La Maison Artzner » (ou L’art du foie gras, fondée en 1803) nous a rejoint en août 2017, puis « Le Relais de la Poste », « Au Crocodile » (1* Michelin) et depuis le 1er mai 2021, « Chez Yvonne », l’un des plus célèbres winstubs Alsaciens. En quelques années, SALPA Pôle Tourisme s’est développé en choisissant des maisons patrimoniales dans un timing assez soutenu mais passionnant, qui demande toujours une réorganisation et un regard vigilant sur sa façon de travailler.

       
Musée : Les Secrets du Chocolat                                                Au Crocodile


Qu’aimez-vous dans les métiers de l’hôtellerie-restauration ?

C’est mon héritage familial. Ne dit-on pas que la pomme ne tombe jamais très loin de l’arbre ? Je me posais la question : Est-ce que je veux faire comme mon père ou autrement ? Avec la pression que cela implique. Il y a déjà eu trois générations, je suis la quatrième. Ce qui m’importe, c’est qu’il y en est d’autres. Je ne suis qu’un relais pour les prochaines générations. En rentrant à Glion, j’avais envie d’une formation qui relie l’opérationnel, le terrain et la théorie. J’ai fait mon premier stage aux Seychelles chez Beachcomber en training management. Là-bas, ce n’était pas la même culture, la même manière de travailler. J’ai exercé plusieurs métiers dans les restaurants, au room service, en tant que valet de chambre, superviseur housekeeping. A mon retour en Suisse, Glion m’a confié la clé du restaurant d’application L’Hôtel des Alpes, où j’ai occupé à tour de rôle les fonctions de Chef à plongeur et de responsable de restaurant à serveur Aux Roches Glion, mon second stage m’a conduit chez Villars Chocolatier dans le département R&D où j’ai travaillé sur la qualification des nouveaux torréfacteurs.
Toutes ces expériences ont été très formatrices. J’aime l’hôtellerie-restauration et je trouve ses activités très passionnantes. Certes, j’ai la chance de travailler des beaux produits mais il y a aussi les valeurs de partage. C’est d’ailleurs une des valeurs de la famille Burrus car nous aimons partager nos passions avec les gens de l’extérieur. Je vis donc entre le partage de mes passions et l’excellence que j’ai apprise à l’école.

 

Le Relais de la Poste                                                                                          Les Secrets des Grands Express 

Quelle est la semaine type de Jean-Philippe Burrus ?

Je suis très souvent sur le terrain où je passe beaucoup de temps à échanger avec nos collaborateurs. Nous en avons soixante-dix en CDI. Je participe aux briefings, je goûte avec les Chefs les mariages vins et mets car je suis gastronome. J’apprends beaucoup d’eux, je suis un peu comme une éponge. Comme vous le savez, je partage ma vie entre la Suisse et la France ; je m’appuie donc sur des relais qui m’apportent leurs compétences. Une entreprise vit grâce aux compétences de chacun, on ne peut pas être expert dans tous les domaines. Pour cela, nous travaillons également bien sûr avec tous les services de SALPA.

       

Au Crocodile                                                                     Maison Artzner


Comment vivez-vous le contexte sanitaire actuel et quelle est votre stratégie ?

Pendant le premier confinement, notre activité ne s’est pas arrêtée. Nous avons essayé de comprendre ce qui se passait, nous avons réfléchi à ce que l’on allait faire, à une gestion au quotidien sans la possibilité de se projeter. Nous avons gardé tous nos collaborateurs, c’était primordial pour nous. Et l’Etat nous a beaucoup aidés, nous aident encore. J’ai fait un travail de veille, je regardais ce qui se passait à Paris pendant le couvre-feu, et j’imaginais la même situation chez nous. Nous avons géré les cas contacts et ça a été très éprouvant. Au moment du second confinement, nous avons décidé d’entreprendre des travaux. On a refait la climatisation et la terrasse du « Relais de la Poste » par exemple. La grosse difficulté va consister à gérer les terrasses, la météo, les stocks. Nous avons aussi été attentifs à nos collaborateurs qui n’ont pas travaillé depuis le 30 octobre dernier. Le click & collect a un peu aidé à préserver notre énergie, vous savez combien l’adrénaline fait partie intégrante de nos métiers. Nous avons gardé un dialogue avec tous nos Chefs. Enfin, un établissement qui ferme pendant six mois, c’est toute une semaine de remise en route, de préparation, de tris des DDM, etc … Enfin, il y a le manque de visibilité en termes de clientèle : nous aurons nos clients strasbourgeois, mais plus de clients étrangers,…

 
Chez Yvonne

Les Fournisseurs, des interlocuteurs très importants

Nous avons également profité de cette période pour réfléchir au positionnement vis-à-vis de nos fournisseurs nationaux et à la recherche de fournisseurs locaux, L’Alsace est très riche. Avec la « Maison Artzner », par exemple, nous faisons évoluer le positionnement d’épicerie fine en proposant les confitures Mathieu Spindler; « Au Crocodile », nous travaillons avec l’îlot de la Meinau, une ferme urbaine à Strasbourg qui propose des légumes de saison cultivés sur place. Un fournisseur, c’est un partenariat avec un capital relationnel très important. Le prix, c’est une chose, mais nos fournisseurs sont aussi importants. Il faut donc trouver un équilibre entre la qualité du produit, le prix et nos interlocuteurs. Comme vous le savez, les Chefs des restaurants ont leur propre sourcing, il faut aussi en tenir compte. Et puis, il y a tous les produits de haut de gamme du groupe SALPA que nous proposons dans nos restaurants : Comptoir français du thé, les pâtes de fruits Cruzilles, le chocolat Schaal, le vin Lagrave Béchade. Et pour aller encore plus loin, nous aimerions créer une filiale maraichère dans deux ou trois ans sur les terres du Château de Hombourg en plantant par exemple des légumes oubliés pour apporter à nos clients une valeur supplémentaire.

     


Un pôle tourisme en pleine expansion

SALPA Tourisme aujourd’hui, c’est plus de soixante-dix collaborateurs, et les restaurants : « Les Secrets des Grands Express » à Geispolsheim, le « Musée Les Secrets du Chocolat par Schaal » dont nous venons de refaire toute la scénographie (Geispolsheim), « l’Hôtel Restaurant Le Relais de la Poste » à La Wantzenau, la « Boutique et le Restaurant Maison Artzner » à Strasbourg, « Au Crocodile » (1* Michelin) et chez Yvonne à Strasbourg. Ce sont tous des établissements très différents et qui racontent tous une longue et belle histoire, et qui ont une âme. Nous souhaitons les faire perdurer tout en laissant une empreinte respectueuse ainsi que les valeurs de la famille Burrus. « Au Crocodile » est mon premier restaurant gastronomique à l’âge de 12 ans : Je me souviens encore du moment, de la table. Il faut préserver les souvenirs, trouver un équilibre entre modernité et tradition dans un monde qui va toujours plus vite. En outre, pour chacune de ces reprises, nous avons essayé de garder le Chef et de préserver les équipes. C’est aussi ce que les clients, nos clients aiment et apprécient. « Chez Yvonne », notre dernière acquisition, nous avons signé le 1er mai dernier, une date anniversaire importante pour la famille de Valmigère. J’appartiens à une famille qui a beaucoup de valeurs, d’amour, de respect, de la parole donnée, c’est ce qui nous différencie.

        

Chef Thomas Koebel, Relais de la Poste

Des projets pour 2021 ?

J’en ai plein bien sûr. Avant la fin de cette année. La vie est faite de challenges !

Je recherche surtout des établissements de restauration traditionnelle qui ont une histoire à raconter. Ce sera un pari sur l’avenir ; j’ai envie de construire un noyau en France et ensuite d’aller en Suisse. On construit autour de son foyer, n’est-ce pas ? Je suis alsaço suisse. Je suis réglé comme une horloge suisse, mais ma culture est alsacienne !

 

Votre définition du luxe ?                      

Le luxe, c’est se faire plaisir. Dans cette période particulière, ce n’est pas le prix qui compte, c’est le plaisir qu’on prend et qu’il faut protéger. Le luxe d’aller au restaurant, le luxe de manger du bon chocolat, le luxe de boire un bon thé, d’aller à une bonne table, c’est du plaisir. J’ai le luxe de travailler dans une activité où l’on donne du plaisir et où l’on prend du plaisir !

www.secrets-grands-express.fr

www.musee-du-chocolat.com

www.relais-poste.com

www.au-crocodile.com

www.restaurant-chez-yvonne.net

www.salpa.fr