En quittant Modane, la montagne change de visage. Nous découvrons une vallée d’altitude vibrante où s’égrènent les noms des villages de La Norma, Bourget, Avrieux, Aussois, Val Cenis, Bessans et enfin Bonneval sur Arc, le dernier avant d’entrer en Italie. L’hiver très présent sous un épais manteau neigeux leur donne des couleurs chatoyantes ou métalliques. Les mélèzes succèdent aux sapins et aux épicéas alors que nous suivons le cours impétueux de l’Arc. Dans ce dernier chapitre, nous allons vous immerger dans des paysages magiques, pratiquer des activités accessibles à tous, vous faire visiter des lieux culturels à deux mille mètres d’altitude et vous faire vivre une montagne généreuse grandeur nature. Laissez-vous surprendre ! 





Des sports et des défis à partager

Connaissez-vous le snowfarming ? C’est une pratique qui permet d’utiliser une partie de la neige de l’hiver précédent. Elle est conservée depuis la fin de la saison sous un dôme de sciure de bois. Un procédé non seulement écologique (plus d’enneigement artificiel) mais qui permet à la station de Bessans, par exemple, d’ouvrir ses pistes de ski de fond dès le mois de novembre. A Valfréjus, lancez-vous dans le speedriding, faites du splitboard à La Norma, du ski de rando à Val Cenis, du ski d’altitude à Bonneval,…
Les amoureux des chiens, eux, vont préférer suivre la Lekkarod, qui s’est tenu du 13 au 21 mars dernier. LEKKA veut dire « chien » en vieux patois savoyard bessannais. ROD rend hommage à la plus authentique courses de chiens de traîneau au monde : l’IDITAROD en Alaska. Née en 2014 à Bessans, la Lekkarod est une course longue distance par étapes dont les objectifs correspondent à une véritable philosophie pour le sport de traîneau à chiens. Leur leitmotiv : respect des chiens, respect des concurrents et respect de la nature !



Autre activité qui réunit l’homme et l’animal : le Ski Joëring (ski attelé en norvégien). Initialement moyen de locomotion en Scandinavie, il est devenu une discipline sportive alliant ski et un attelage équestre. Par un petit matin froid (-7 degrés) et un ciel clair, nous retrouvons Bob Faroni à l’entrée de Bonneval sur Arc. Il est en train de bichonner deux magnifiques chevaux Franches-Montagnes, l'unique race chevaline d'origine suisse subsistante. L’homme est avenant et souriant et nous raconte sa passion des chevaux et du ski depuis plus de trente ans. Il a choisi cette race de chevaux car « ils sont puissants et ont de grandes aptitudes à la traction et au dressage ». Né à Saint Laurent du Pont en Chartreuse, Bob s’est installé à Bessans et a introduit le Ski Joëring il y a cinq ans. Il me présente ses deux chevaux, Doulala et Daribo, deux frères de huit ans qui n’en finissent pas de lui faire des câlins. Pour ce baptême de trente minutes, Bob m’explique comment guider les chevaux, m’invite à chausser mes skis et à prendre le harnais entre mes mains. C’est parti pour trente minutes de glisse en suivant le pas ou le trop du cheval. Je ressens les impulsions du cheval, nous vibrons ensemble, …
 

Les chemins du Baroque

Proposée par la fondation Facim, ces visites sont tout simplement magiques. Nous retrouvons Christelle devant l’Eglise Saint Michel à Lanslevillard. Extérieurement, celle-ci est très sobre, modeste voire impersonnelle. Mais, Christelle a les yeux qui brillent quand elle promet une belle surprise. Nous pénétrons tout d’abord dans une sorte de vestibule, sorte de sas entre le sacré et le non sacré. Puis, c’est une explosion de beautés !
La Savoie est une terre d’élection pour le baroque. Lancé par l’église catholique pour contrecarrer l’essor du protestantisme, l’art baroque apparaît à la fin de la Renaissance. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la foi des habitants et le talent d’artistes locaux, piémontais ou français, ont peuplé les vallées de chefs-d’œuvre. Christelle parle de couleurs, de lumière et de mouvements que je découvre autour de moi : profusion de fresques, colonnes torses, anges virevoltants et d’or qui témoignent de la présence divine. Sur la gauche du chœur, se trouve un chef d’œuvre : le retable du Rosaire sculpté par le grand artiste local Jean Clappier. L’intérieur éclate de couleurs et de dorures, tandis que le décor extérieur est peint en grisaille. Nous sommes éblouis, mais Christelle nous montre déjà une seconde clef monumentale et nous entraine jusqu’à la Chapelle Saint Sébastien. Le bâtiment rectangle est lui-aussi anodin et ressemble plutôt à une grange. Pourtant, passée la porte, nos yeux sont étourdis par la quantité de peintures murales. Remarquablement conservées, elles relatent deux histoires sur quatre registres : la vie de Saint Sébastien et celle de Jésus Christ. Les peintures témoignent également de la vie au Moyen Âge, du quotidien, des traditions et sont, ce que nous appellerions aujourd’hui, une bande dessinée. Avant de sortir, ne manquez pas le retable signé Jean Clappier avec ses anges-cariatides. Une autre merveille !

 

Comme à la maison, avec Altitude 1900

La journée a été riche en émotions et je réalise une fois encore combien la Vallée de la Haute Maurienne Vanoise est une terre culturelle et généreuse. Elle montre également les échanges entre les marchands, les pèlerins, les artistes, les voyageurs… qui traversaient les Alpes entre la France et l’Italie. Mais, pour l’heure, nous sommes de retour dans notre appartement Léo. La nuit tombe doucement et le Col de l’Albaron disparait derrière les nuages de nuit.
Nous allons partager notre dîner avec Sévérine Neyret et son mari, les propriétaires du chalet. Au menu, parmentier de canard- crumble de chèvre de Bonneval, poulet à la tomme et ses tagliatelles, tarte aux myrtilles-amandine et tiramisu au caramel beurre salé. Tous ces plats ont été préparés par le Chef Romain de l’Auberge de l’Oul. Située à Bonneval, cette auberge populaire, comme il l’appelle, offre une cuisine savoyarde traditionnelle qui ne manque pas de goût.




Sévérine profite de ces instants conviviaux pour décrire leur nouveau projet. En plus des deux appartements Léo et Paco, ils ont acheté dans le bas de Tralenta une maison de plus de 240m2 sur deux étages. Le « Camp de base », ce sera son nom, ouvrira fin 2021 et pourra accueillir jusqu’à quinze personnes. Décoré avec le même soin que le chalet, et offrant les mêmes facilités, il disposera en plus d’une terrasse de vingt-sept m2 orientée plein sud. Une seconde adresse à Bonneval sur Arc pour profiter des plaisirs de la montagne.



 


Sur les traces de Belle et Sébastien


Voici une histoire qui a bercé nos jeunes années et dont les paysages sont encore gravés dans notre mémoire. C’est cette balade à laquelle nous invite la guide Karine Routin. Trois heures de marche depuis Bonneval (quatre petits kilomètres…) pour rejoindre le village de L’Ecot. Chaussés de raquettes et équipés d’un DVA, nous longeons d’abord la rivière L’Arc bordée de rochers sur lesquels s’accrochent des rhododendrons et des sorbiers. Le ciel est bleu à perte de vue et l’air légèrement frais. De temps en temps, des morceaux de glace se détachent des sommets et roulent jusqu’à nous. Nous dépassons bientôt un chalet d’alpage et c’est l’heure d’une pause : Karine a préparé une boisson énergisante et ayurvédique à base de cannelle, cardamome, clous de girofle, gingembre, poivre et miel. Un vrai délice accompagné d’un carré de chocolat au quinoa. Requinqués, nous poursuivons notre montée à deux mille mètres d’altitude quand je commence à distinguer les toits en lauze de L’Ecot. Dans ce hameau aux jolies maisons serrées les unes contre les autres, tout a été préservé et restauré dans les règles de l’art. Même la Chapelle Sainte Marguerite qui veille sur le village est unique avec ses très belles fresques. Il règne ici une paix et une sérénité rares !

 

Une seule famille vit à L’Ecot à l’année. Depuis dix ans, Murielle Anselmet y tient un restaurant « Chez Mumu » dont la cuisine est une promesse en soi. Tout est fait maison, comme la tarte aux poireaux-Beaufort-pommes de terre, ou la tarte myrtilles-rhubarbe. Le lieu est charmant avec ses tables en bois et ses rideaux à carreaux rouges et blancs. Murielle y a également installé une poterie où elle crée de jolis bols, plats ou cruches. Prenez le temps de regarder.




A l’assaut des Forts de l’Esseillon

Autre temps fort, autre page d’histoire… Pour rejoindre Aussois et les forts, on redescend dans la vallée et on emprunte la Route Panoramique des Alpes. Les Forts de l’Esseillon (scallio en latin signifie échelle) sont au nombre de cinq, cinq forteresses royales édifiées entre 1820 et 1833 pour garder le Mont-Cenis, porte du Piémont. Construits par les rois de Piémont-Sardaigne pour se prémunir des invasions françaises, situés entre 1200 et 1500 mètres d'altitude, ils s’appellent : Redoute Marie-Thérèse, Fort Victor-Emmanuel, Fort Charles-Félix, Fort Marie-Christine, Fort Charles-Albert.
Du Fort Marie-Christine terminé vers 1830, la vue est impressionnante sur la vallée, Modane et le village d’Avrieux qui abrite l’ONERA (centre français de recherche aérospaciale). De forme hexagonale, il est le plus haut perché avec le Fort Charles-Albert. Il défendait les Forts Charles-Félix et Victor-Emmanuel et le plateau d’Aussois.
Le Fort Victor-Emmanuel est pour moi le plus impressionnant et le plus intimidant. Huit bâtiments se succèdent sur un éperon rocheux de huit kilomètres : lieux de vie et de combat, ils pouvaient accueillir une garnison de mille cinq cents hommes. N’hésitez pas à déambuler et à vous perdre pour découvrir la place d'armes, la chapelle, les fours à pain ou le pénitencier.
Face à nous maintenant, relié par le Pont du Diable, la Redoute Marie-Thérèse et sa forme en fer à cheval, avait pour mission de barrer la route qui menait de Chambéry à Turin en passant par le Mont-Cenis. Dans les salles qui abritaient des magasins pour la nourriture et l’artillerie, a été installé un musée qui raconte les Alpes fortifiées. Si le cœur vous en dit, vous pouvez aussi vous y marier de mai à septembre ! Sauvés de la ruine dans les années 1970, ils sont aujourd’hui protégés grâce à l’Association des Forts de l’Esseillon et par les collectivités locales et territoriales. Retrouvez les forts en BD « Sur la piste du carnet dérobé » pour en apprendre davantage.

 

Deux tables sinon rien à Bonneval sur Arc

Pour se redonner des forces, rien de tel qu’un bon repas, non ? Direction La Cabane à Bonneval où deux sœurs, Emeline et Magali, vont nous étonner et nous régaler. En 2014, elles joignent leurs efforts pour ouvrir ce restaurant installé dans un cadre authentique, ancien bâtiment agricole qui appartenait à leurs grands-parents. Elles imaginent des recettes originales telles que la Chevrotine au chèvre frais de Lanslebourg, miel, noix et pommes de terre cuits dans une petite marmite en fonte, la gaufre aux morilles et au Beaufort, ou un tiramisu à la crème de châtaignes. Voici une table et un service comme on les aime.

 

Aux Délices de La Bergeronnette, c’est le Chef Marine Blanc qui nous accueille. Ici, tout annonce le printemps et le sourire de Marine en témoigne. Elle ouvre son restaurant et son épicerie en 2020 après avoir suivi une formation chez Bocuse à Lyon. Tout est fait maison ou presque, et elle sélectionne avant tout des produits Bio et locaux. Il faut goûter son colin en croûte de noisettes et sa sauce au Beaufort, son burger revisité aux diots de Savoie et frites maison, ou son navarin d’agneau-granité de crozets. Pour le dessert, elle mise sur un biscuit de Savoie vanille-framboise. Marine a de nombreux projets en tête comme celui de cultiver ses légumes et se lancer dans le maraîchage Bio de la terre au bocal. Décidément, les terres de Savoie portent des femmes fortes, courageuses et imaginatives.

 


La Carte du Tendre d’un poète sculpteur

Pour notre dernière journée en Haute Maurienne Vanoise, je suis impatiente de rencontrer un homme discret, un artiste aussonnais qui a imaginé le Sentier des Sculptures. Serge Couvert commence à sculpter à 16 ans, devient ébéniste et travaille indifféremment le bois et le bronze. Il aime les formes simples à la manière de Brancusi. Mais, lui qui a un atelier dans Aussois, préfère travailler en forêt. Elle l’inspire : Il passe son temps à observer les troncs des arbres et à imaginer des statues. En 2014, Serge arpente la forêt du Monolithe à côté de chez lui avec ses outils. Il a repéré dans l’affouage familial un sapin de belle taille, et crée ainsi « Le Rêveur », un homme accroupi, les bras croisés. Vont suivre seize autres statues qu’il inscrit dans sa Carte du Tendre « la vie, l’amour et tout ce qui s’ensuit ». Dans le cœur de cette forêt de grands sapins, vous attendent ainsi des nœuds, des chaînes, des amoureux, des enfants et leurs parents, des baisers, des danses qui forment une famille tendre et protectrice. Que d’émotions !

C’est ici que s’achève notre voyage en Haute Maurienne Vanoise, une itinérance pour celles et ceux qui aiment contempler, s’activer, s’immerger et partager. Vive les Alpes !

    

www.haute-maurienne-vanoise.com

www.altitude1900.com

www.auberge-oul.com

www.artmajeur.com/serge-couvert

www.lesdelicesdelabergeronnette.fr

www.fondation-facim.fr