Les voyages dans les territoires ultramarins sont actuellement impossibles. Mais on peut s’évader en images et peut-être même anticiper une future escapade polynésienne à la découverte des îles Marquises. La croisière sur l’Aranui 5 permet d’en contempler les somptueux paysages et de s’immerger dans la culture ancestrale locale. Mave Mai ! (bienvenue).

Des îles mythiques

Si Tahiti, Moorea et Bora Bora arrivent en tête des îles visitées lors d’un premier voyage en Polynésie, l’archipel des Marquises, plus isolé et mieux préservé, est parfois également au programme. Peintes par Paul Gauguin, chantées par Jacques Brel, ces îles d’origine volcanique, dépourvues de lagon, émergent du Pacifique sud à 1500km de Tahiti. Elles offrent de vertigineux à-pics tapissés d’une luxuriante végétation et des côtes déchiquetées surplombées de falaises. Une nature brute ponctuée de sites archéologiques et de rares villages, où les habitants ont à cœur de faire découvrir leurs traditions.

On pourrait se contenter de visiter les trois îles de l’archipel disposant d’un aérodrome. Mais la façon la plus intime d’appréhender la vie marquisienne et d’être au premier rang pour contempler ses époustouflants paysages est d’embarquer à bord de l’Aranui 5.




Un confortable cargot mixte


On est loin des paquebots-villages avec discothèque et casino. Côté poupe, s’égrènent une centaine de confortables cabines, dont 32 suites de 22m2 avec balcon jusqu’à 12m2, un restaurant, quatre bars, des ponts soleil, une petite piscine, une boutique et un spa. Des prestations haut de gamme distillées dans un esprit d’authenticité.

Côté proue, deux énormes grues dominent les 3000 tonnes de marchandises (denrées alimentaires, boissons, machines à coudre, téléviseurs, camionnettes et gas-oil destinés aux Marquisiens. Sacs de coprah (chair séchée de noix de coco), agrumes, fûts de jus de noni (fruit reconnu pour ses vertus médicinales), produits artisanaux... seront chargés en retour.
Un lien vital

Les contraintes du fret rythment les escales de trois-quatre heures, comme à l’époque où l’Aranui 1 transportait dans ses soutes ciment et autres matériaux pour la construction des routes, des dispensaires, des écoles.

Ce cargot mixte constitue depuis 40 ans le lien vital entre ces confettis au cœur du Pacifique et le monde extérieur. Grâce à son faible tirant d’eau (5,2m), le navire de 126m de long peut se glisser dans de petites baies inaccessibles aux paquebots de croisière. Outre le ravitaillement des six îles habitées, il permet aux amoureux de terres lointaines de vivre une aventure de 4500km au départ de Papeete, via les Tuamotu et les îles de la Société.



Une exceptionnelle navigation 


Vers midi, l’Aranui (grand chemin en Maori) largue les amarres, laissant à tribord la baie de Matavai, où débarquèrent Wallis, Bougainville et Cook. Les verdoyants sommets, qui dominent Papeete, s’estompent peu à peu tandis que les passagers commencent à s’approprier le navire.

Le lendemain, au petit matin, des cocotiers, ébouriffés par les alizés, dessinent l’atoll de Farakava dans l’archipel des Tuamotu, classé réserve de biosphère par l’Unesco. La petite localité de Rotoava n’a pas de quai (c’est fréquent en Polynésie). Les passagers débarquent en baleinière sur ce rivage, encadré de maisons basses ombragées de bougainvilliers et d’hibiscus. Difficile de résister au snorkeling dans ce lagon aux infinies nuances de bleu, où des poissons multicolores évoluent parmi les coraux. Chaussures de mer recommandées.

 
Cap sur les Marquises du sud

30 heures de navigation sans croiser le moindre bateau, sans apercevoir le moindre îlot à l’horizon. Rien que le bleu des mers du sud que l’on scrute en songeant à ces hommes venus vers 900 en pirogue depuis les Tonga.

Au programme : farniente sur les decks, conférence sur l’histoire de l’archipel (également appelé Fenua Enata, qui signifie Terre des Hommes) ou rencontre avec les membres d’équipage majoritairement marquisiens. Tel Mahalo, tatoué de la tête aux pieds, qui n’a jamais quitté le bord depuis l’Aranui 1. Il est intarissable sur la légende de la création des Marquises par le dieu Oatea.


Dernier refuge de Gauguin et Brel


Le quatrième jour, au petit matin, le navire se positionne face à la côte est de l’île d’Hiva Oa dans la baie de Puamau, colorée d’un rose-orangé propre aux aubes du Pacifique. La ronde des chalands aux imposantes cargaisons commence avant même que les passagers ne débarquent en baleinière pour rejoindre en 4x4 le site de Mea’e Lipona. Un sanctuaire religieux, entouré d’arbres à pain, où se dressent cinq tikis monumentaux, sculptés dans du tuf. Mi-homme, mi-Dieu, ces statues ont échappé aux destructions lors de l’évangélisation des îles en 1838.

Le lendemain, l’Aranui 5 s’amarre sur la côte sud d’Hiva Oa au quai d’Atuona, paisible bourgade aux jardins croulant sous les frangipaniers. La quiétude ambiante a séduit Paul Gauguin et Jacques Brel, qui reposent au petit cimetière accessible depuis le port.

En contrebas, le centre culturel Paul Gauguin réunit une réplique vide de la Maison du Jouir, où le peintre peignait la vie qui lui échappait, et un petit musée affichant des reproductions de ses toiles.

A côté dans un modeste hangar, l’Espace Brel évoque celui que l’on surnommait ici l’homme à l’avion. Chansons diffusées en boucle, affiches de spectacle et au plafond, Jojo, le Beechcraft avec lequel il jouait au flying doctor.

   
Des épisodes historiques

A quelques encablures, se cache la discrète Tahuata, la plus petite île habitée (61km2).

La baie de Vaitahu fut le théâtre d’épisodes importants dans le destin de l’archipel.

En 1595 l’explorateur espagnol Álvaro de Mendaña y jeta l’ancre et baptisa l’ensemble Las Marquesas de Mendoza, du nom de son mécène, le vice-roi du Pérou.

Puis le village devint le point d’ancrage de l’évangélisation, comme l’évoque l’église moderne au style mi-européen, mi-marquisien.

Autre date charnière : son rattachement à la France en 1842 par un traité signé entre l’amiral Dupetit-Thouars et le chef  Iotete.

L’artisanat constitue pour les 200 habitants un complément de revenus : sculpture de motifs traditionnels sur du bois de rose et des os de bœuf, élaboration de monoï à base d’huile de coco et fleurs de tiare.


L’île du bout du monde

A Fatu Hiva, la plus méridionale, les femmes perpétuent l’art séculaire du tapa. Ces étoffes végétales sont fabriquées à partir d’écorces de banians, longuement battues pour être aplaties et peintes de motifs inspirés des anciens tatouages.

Pour les plus sportifs, une randonnée de 17km avec 650m de dénivelé au départ d’Omoa, permet de traverser l’île jusqu’à Hanavave, où l’Aranui jettera l’ancre quelques heures plus tard, les non-marcheurs à son bord.

La descente pentue soumet les genoux à rude épreuve, mais offre des vues spectaculaires sur les pitons aux formes phalliques de la baie des Vierges. Une appellation donnée par les missionnaires qui la jugeaient moins imagée que la baie des Verges, son nom initial.


Les Marquises du nord


Au couchant, laissant derrière lui le spectacle féérique des pitons mordorés, l’Aranui file vers Nuku Hiva, la plus grande et la plus peuplée (3000 habitants) aux montagnes campées en amphithéâtre autour de la rade de Taiohae. La cathédrale Notre-Dame, renommée pour ses sculptures en bois, renferme un Jésus priant sous un arbre à pain (l’artiste n’avait jamais vu d’olivier).

L’excursion en 4x4 conduit à Tohua Kamuihei, le plus ancien site archéologique de l’archipel. Dans la moiteur d’une exubérante végétation, cet amas de blocs basaltiques, ornés d’énigmatiques pétroglyphes, dégage une atmosphère étrange. Une impression accentuée par des danseurs vêtus de pagnes végétaux qui interprètent le fameux haka au pied d’un gigantesque banian.

Une manœuvre au centimètre près
Au petit matin, devant Ua Huka, seule île aux paysages désertiques, chacun retient son souffle. Face à l’entrée d’une étroite échancrure, nommée Invisible Bay, l’Aranui doit faire, dans un mouchoir de poche, un demi-tour sur lui-même avant d’être amarré aux parois rocheuses par des aussières. Objectif : être en position de départ lorsque la houle sera plus forte. Une impressionnante manœuvre qui confirme la dextérité des marins et révèle leur connaissance ancestrale des caprices de l’océan.

Depuis le village de Vaipaee, des 4x4 conduisent les passagers à l’arboretum. Contrastant avec l’aridité de l’île, ce sanctuaire d’agrumes et de plantes tropicales permet de partager quelques fruits cueillis au cours de la visite. 

Dernière escale marquisienne Ua Pou, dont le bucolique village d’Hakahau s’épanouit au milieu d’une profusion d’arbres à pain, de pamplemoussiers, de manguiers. Il est dominé par douze pics effilés de 1000m de haut que Stevenson comparait à des clochers d’église.
 
Les perles de Polynésie

L’Aranui 5 fend à nouveau les eaux du Pacifique vers les Tuamotu, les cales chargées de fruits. Encore 30h de navigation avant une balade en bateau à fond de verre dans le lagon de Rangiroa, accompagné par quelques dauphins à l’entrée de la passe.

Au programme également la visite de la ferme Gauguin’s Pearl. On y découvre tout le processus de fabrication de l’huître perlière de Tahiti. Des naissains à la récolte, en passant par une démonstration de greffes par un perliculteur, un travail de longue haleine pour obtenir les précieuses petites sphères aux reflets irisés.




 
Retour à la civilisation

Ultime escale, Bora Bora dans les îles de la Société. Au pied du mont Otemanu, le lagon scintille du turquoise clair à l’intense indigo, tel un gigantesque aquarium. Une invitation au snorkeling ou à un tour de l’atoll en pirogue pour assouvir ses dernières envies de grand bleu et fuir le village de Vaitape, aux boutiques alignées, comme à la parade, dans la rue principale.

Après une dernière nuit de navigation, on débarque à Papeete, la tête remplie d’images de ces terres secrètes, sauvages et authentiques, approchées comme un privilégié. 

PRATIQUE

Tahiti Tourisme
Le site permet de se familiariser avec les îles avant la croisière. tahititourisme.fr

Air Tahiti Nui
La compagnie polynésienne relie Papeete au départ de Paris CDG en 22 heures de vol, via Vancouver. Le Tahitian Dreamliner, un Boeing 787-900, est configuré en trois classes équipées de fonctionnalités dernières générations. La Moana Premium Economy offre plus d’espace pour les jambes et une meilleure inclinaison du siège. La Poerava Business Class est équipée de sièges transformables en lit plat de 198cm de long avec sur-matelas et duvet.
Le site de la compagnie met à jour en permanence les mesures sanitaires et les conditions d’entrée en Polynésie, ainsi que le lien pour se procurer en ligne l’AVE (Autorisation de Voyage Electronique) indispensable pour le transit à Vancouver. www.airtahitinui.com

L’Aranui 5
20 rotations annuelles de 12 nuits/13 jours au départ de Papeete. Le sens des escales peut varier selon les impératifs du fret. www.aranui.com

         

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