Pour fêter son quarantième anniversaire, Ibrahim Maalouf présente son douzième album studio. Ainsi ces « 40 mélodies » nous permettent de découvrir un duo intime avec François Delporte, guitariste belge, avec lequel il collabore depuis plus de dix ans. Ensemble, ils revisitent les mélodies de l’artiste sur lesquelles ont été également conviés des amis et artistes de renom, comme Sting ou Mathieu Chedid, mais aussi sa fille Lily, qui lui prête sa voix sur Levantine Symphony.

Un album très propice à la rêverie, sur lequel, pendant deux heures et demie, Ibrahim Maalouf nous donne l’impression d’être allé chercher dans ses souvenirs les pièces du puzzle que constituent les morceaux de ces deux CD-Rom, réalisés à l’occasion ses 40 ans.

Le confinement s'est bien sûr immiscé dans ce projet et Ibrahim Maalouf nous a raconté comment cet album était né, lors d’un entretien.

ATTITUDE Luxe - Comment le concept de cet album est-il né ?

Ibrahim Maalouf - Le concept de cet album est né très naturellement. En fait, quand je joue avec mon groupe, désormais nous sommes nombreux sur scène, souvent entre quinze et trente musiciens et les orchestrations sont chargées. Mais à chaque fois, que je suis en coulisse, en voyage ou en tournée, je retrouve François Delporte, mon guitariste depuis plus de dix ans, et nous jouons les morceaux juste tous les deux ; alors il se passe quelque chose. Nous avons le sentiment de revenir à l’origine de la composition et ce sont ces moments partagés, en tête à tête, qui nous ont donné envie depuis longtemps de réaliser un album « entre amis », dans un feeling serein et apaisant qui contrebalance le stress ambiant.

Le résultat prend place sur deux cd-rom dont les morceaux sélectionnés sont proposés dans une version pure. Alors qu’un disque demande cinq à six mois de travail, et bien que nous ayons réalisé cet album des 40 ans pendant le premier confinement, paradoxalement tout s’est mis en place beaucoup plus rapidement.


AL - La construction en deux disques et les invitations à vos amis musiciens ont-ils été dès le début envisagés ?

IM - Chaque bougie se devait d’être sincère, j’ai écouté mes envies d’un point de vue musicale mais aussi sur le plan humain, en invitant des personnes que j’admire, que j’aime. Certains, je les connaissais très bien et j’avais déjà eu l’occasion de jouer avec eux, ce qui n’est pas le cas pour tous. Les morceaux ont été choisis en fonction des invités qui, avec la crise sanitaire, étaient tous disponibles « à la maison » !

AL - Quels morceaux, avec quel ami ?

IM - ous les choix ont été fait avec beaucoup d’amitié, mais aussi de précision. Les morceaux ont été sélectionnés en fonction des invités qui ont tous accepté participer à cet album.

AL - Avez-vous enregistré en studio ? 

IM - François et moi nous sommes retrouvés en studio, car même avec les contraintes sanitaires, à deux cela était possible. Cependant, pour les invités, si certains nous ont pu nous rejoindre, cela n’a pas été possible pour ceux qui étaient à l’étranger.  Aussi avons-nous enregistré les morceaux en imaginant très précisément comment les invités allaient interpréter leur partition ; comme j’ai déjà eu l’occasion de faire de la musique avec eux, je sais de quelle manière ils jouent. Une version du morceau leur a été envoyée, sur laquelle nous leur avons laissé la place pour qu’ils puissent s’inscrire dedans, ce qui s’est fait avec beaucoup de naturel. C’est un exercice de style mais que nous avons l’habitude de pratiquer en studio.
 
AL - Et la participation de votre fille Lily, comment s’est telle décidée ?

IM - Á presque chaque concert, ma fille était présente et quand nous jouions « Levantine », symphonie N°1, qui est un album que j’ai réalisé en hommage à la région du Levant, elle était présente. Avant que nous commencions à jouer, Lily montait sur scène pour chanter le thème, et je l’accompagnais au piano. Cette symphonie est composée sur un seul thème que nous jouons de plusieurs manières. Je trouvais symbolique que ma fille s’inscrive dans cet album car il est rempli des beaux souvenirs de toutes les rencontres que j’ai pu faire et la plus belle rencontre est indéniablement celle avec ma fille, car elle m’inspire, elle participe aussi à mon travail.

AL - Diriez-vous que la trompette est un héritage reçu de votre père ?

(Ibrahim Maalouf a la particularité de jouer sur une trompette à quatre piston / quart de ton), inventée par son père dans les années 1960.)

IM - Certainement, mais si pour tout mon entourage le fait que je joue de la trompette était une évidence, de mon côté, j’ai beaucoup hésité car ans ma jeunesse j’étais passionné d’architecture, même si j’ai baigné toute mon enfance dans la musique classique occidentale et arable. Dès 7 ans, j’ai commencé à la jouer cette musique et à composer à travers la trompette.
Je savais lorsque je préparais mon BAC qu’il y avait une limite d’âge pour participer au concours du conservatoire de Paris, ce qui n’est pas le cas pour les études universitaires, aussi ai-je choisi de passer le concours lors de mes 17 ans, avant que je ne puisse plus le faire. Je suis entré premier au conservatoire et ce fut alors une sorte de révélation pour moi, car même si tout le monde me disait que je jouais bien et que mon père me répétait que j’étais fait pour cet instrument, je ne savais pas vraiment ce que je valais. Le fait de gagner ce premier examen m’a apporté la motivation nécessaire pour me lancer dans les différents concours internationaux et c’est en gagnant le plus grand d’entre-deux - le concours Maurice André -, à 22 ans que j’ai décidé de continuer dans la musique. Avant, jouer de la musique pour moi était une façon d’honorer l’héritage que j’avais reçu de mon père. J’ai commencé à comprendre ce que je pouvais faire de ma vie et de la musique, une fois que j’ai eu fini ce cycle des concours vers 22- 23 ans et j’ai aussi fait des rencontres intéressantes. J’ai alors réalisé la chance que j’avais d’avoir la possibilité d’exprimer mes envies et mes espérances pour le monde demain, mais aussi le monde que j’imaginais, d’une manière unique, grâce à cet instrument. L’art et la musique en particulier, offrent la possibilité de construire l’environnement dans lequel on évolue, même s’il ne s’agit que de l’environnement sonore. De cette manière, grâce à la trompette je peux retranscrire un mélange entre mes deux cultures, classique occidentale et classique arable, comme une sorte d’amalgame qui peut s’épanouir dans mes compositions.
 
AL - Au début de notre échange, je vous ai dis que j’avais ressenti un peu de nostalgie dans votre musique, mêlée à de la joie et vous souhaitiez revenir sur ce sentiment.

IM - En effet, car dès qu’une musique est un peu clame, posée, cela donne une sensation de nostalgie, mais pour moi la sérénité et la poésie ne sont pas forcément mélancoliques, ni nostalgiques. Cette singularité consiste à présenter les musiques dans leur version la plus épurée possible, 100% authentique et je dirais même transparente car tout s’entend ; la trompette est totalement mise en avant et rien ne peut être caché, la moindre erreur se discerne clairement.

La mode, la technologie et le rythme imposé pour être dans la tendance ne m’inspirent pas, j’ai envie d’être dans un mouvement plus humain qui est celui de la mélodie. Les mélodies voyagent à travers le temps depuis toujours, il s’agit alors d’un autre espace-temps que le rythme d’aujourd’hui ; alors oui, on peut considérer cette musique comme « mélancolique » mais ce n’est pas le cas pour moi. Je me situe à l’opposé de la technologie Auto-Tune qui consiste à corriger l’enregistrement jusqu’à avoir une voix synthétique pour que les erreurs n’existent pas. Je ne suis pas contre a priori ces nouvelles technologique mais dans cet album, j’ai fait un choix artistique diffèrent pour célébrer mes quarante ans, avec la sérénité que je ressens. 

Les concerts

Des concerts sont prévus au premier trimestre 2021 au Théâtre de l’œuvre à Paris (13, 14, les 15, 16 18 sont complets, 25 janvier ; puis le 1er, 8, 15 & 22 février et 1er, 8, 15 & 22 mars.)

Au Duc des Lombards les 2, 3, 4 févier 2021.

Une grande tournée est prévue pour la fin du printemps, partout dans le monde, dont Montreux et Jazz à Vienne.

Et un énorme concert à l’ACCOR Aréna, le 20 décembre 2021, pour enfin faire une grosse fête !

Toutes les dates sur : www.ibrahimmaalouf.com