Dans la collection « Le verre et l’assiette », les éditions Glénat nous propose une réédition gourmande et érudite de « La Cuisine Romaine Antique » par deux docteurs en archéologie – Nicole Blanc et Anne Nercessian –,  qui sont également passionnées de cuisine. L’édition de cet ouvrage paru en 1992 est enrichie d’une introduction qui profite des dernières recherches des auteurs et des nouveaux apports de l’archéologie, pour notre plus grand régal.

Un plongeon dans la vie quotidienne romaine, gastronomie, sociologie, agronomie, poésie. L’antiquité gourmande émerge, avec ses plaisirs bucoliques, ses dégoûts, ses snobismes, ses régimes, ses modes exotiques et ses manières de table. A la table de César ou d’Auguste, les auteurs explorent le seul traité culinaire connu à ce jour le De re coquinaria attribué à Apicius, contemporain de Tibère.

Des saveurs inédites, retrouvées, découverte des cuisines, des modes de consommation, des modes de conservation.

Personnel, batterie de cuisine, vaisselle, savoir-vivre, conseils d’hygiène, cet ouvrage met en scène des recettes originales, surprenantes ou « actuelles », retrace le voyage des produits, dessine les circuits d’approvisionnement. Entre raffinement et sophistication des mets, cadre de vie, banquets, dégustation, excès et démesure, les auteurs partagent avec le lecteur leurs recherches qui permettent d’appréhender la vie quotidienne des Romains, au-delà de la cuisine.

A conseiller à tous ceux qui ont envie de tenter l’expérience d’un voyage culinaire où la modernité le dispute à l’antiquité. Ouvrage historique basé sur les textes antiques avec une iconographie riche qui illustre agréablement le propos.


LE SOMMAIRE

   


Détail de l'enseigne de la boutique d'un marchand de vin (?)
Herculanum, VI 14.
Sous une inscription "ad cucumas", quatre blocs d'une contenance probable d'un sextarius sous lequels sont mentionnés les prix en as.

Cliché N. Montex - Ecole Française de Rome, réalisé sur concession du Ministero per i Beni e le Attività Culturali e per il turismo - Perco Archeologico di Ercolano.


Le canard, volatile recherché dans les régions méditerrannéennes, pauvre en eau. Mosaïque de Sousse.
"Fais-toi servir le canard tout entier ; mais il n'y a que la poitrine et le cou qui soient savoureux ; retourne le reste au cuisinier."
Martial XIII 52

La basse-cour tenait une place importante dans la cuisine romaine, voici la recette de canard aux raves (Anetem ex rapis) dont vous pourrez lire la version originale et le détail de la préparation à la page 136.


Lavez, parez et faites boullir dans une marmite avec de l'eau, du sel et de l'aneth jusqu'à mi-cuisson. Faites cuire les raves pour leur oter leur âcreté. Retirez le canard de la marmite, lavez-le à nouveau et mettez-le dans une cocotte avec de l'huile, du garum et un bouquet de poireau et de coriande.
Jetez par dessus une rave bien lavée et finement émincée et faites cuire. Après un petit moment de cuisson, versez du défritum pour colorer. Préparez la sauce suivante : poivre, cumin, coriandre, racine de laser ; mouillez avec du vinaigre et du jus de cuisson. Versez cette sauce sur le canard et faites bouillir.
Quand cela aura bouilli, liez avec de la fécule et versez sur les raves. Saupoudrez de poivre et servez.



Le dernier chapitre XIII : ENTRE MYTHE ET REALITE nous dévoile le repas le plus célèbre de l'antiquité, celui de Cléopâtre qui engloutirait à lui seul 10 millions de sersterces.


Le festin de Cléopâtre

"Il y avait deux perles, les plus grosses qui eussent jamais existé. L'une et l'autre, propriété de Cléopâtre, dernière reine d'Egypte ; elle les avait héritées des rois de l'Orient. Au temps où Antoine se gavait journellement de mets choisis, Cléopâtre, avec le dédain à la fois hautain et provocant d'une courtisane couronnée, dénigrait toute la somptuosité de ces apprêts. Il lui demanda ce qui pouvait être ajouté à la magnificence de la table ; elle répondit qu'en un seul dîner, elle engloutirait dix millions de sesterces.

Antoine était désireux d'apprendre comment, sans croire la chose possible. Ils firent donc un pari. Le lendemain, jour de la décision, elle fit servir à Antoine un dîner, d'ailleurs somptueux -il ne fallait pas que ce jour fût perdu- mais ordinaire.

Antoine se moquait et demandait le compte des dépenses. Ce n'était, assure-t-elle qu'un à-côté ; le dinêr coûterait le prix fixé et seule, elle mangerait les dix millions de sesterces. Elle ordonna d'apporter le second service. Suivant ses instructions, les serveurs ne placèrent devant elle qu'un vase rempli d'un vinaigre dont la violente acidité dissout les perles.

Elle portait à ses oreilles des bijoux extraordinaires, un chef-d'oeuvre de la nature vraiment unique.

Alors qu'Antoine se demandait ce qu'elle allait faire, elle détacha l'une des perles, la plongea dans le liquide et lorsqu'elle fut dissoute, l'avala".

Pline IX 119-121
    



Cléopâtre jetant la perle dans le vinaigre ;
un thème qui a hanté toutes les époques.

Peinture de Carlo Maratta (1625-1713).


Découverte à prolonger via les expositions « Pompéi »  au Grand Palais (Lire notre article) et « Dernier repas à Pompéi » au Musée de l’Homme.

Les auteurs :

Nicole Blanc est agrégée de lettres classiques, docteur en archéologie, chercheur au CNRS

Anne Nercessian est docteur en archéologie, ingénieur au CNRS, spécialiste d’iconographie antique.


Photo de couverture :
Mosaïque provenant de la maison dite Faune àPompéi (VI 12,2)
Naples, Musée archéologique national
© Pedicine Fortigrafi

Editions Glénat
Collection "Le verre et l'assiette
Juin 2020
Prix : 39 euros