Certes, nos voisins rouvrent leurs frontières ; mais les destinations lointaines ne seront probablement pas au programme des prochaines vacances estivales. Pourquoi alors ne pas en profiter pour explorer l’hexagone, qui regorge de grands espaces parfois teintés d’exotisme ? ATTITUDE Luxe a sélectionné huit sites français emblématiques qui présentent d’étonnantes similitudes avec des paysages connus à l’étranger. Suivez Mireille Gignoux dans ces décors qui offrent le dépaysement à portée de voiture.

Les ocres de Rustrel, un décor de Far West  

Une palette de peintre oscillant du jaune vif au rouge sang, en passant par des orangés teintés de vert ou de blanc, sur un ciel d’un bleu intense. Surnommé le Colorado provençal, ce décor en technicolor, qui rappelle le Grand Ouest Américain, est situé à Rustrel, à 10km d’Apt, entre la montagne du Luberon et les monts du Vaucluse.

Une légende raconte que Sermonde, l’épouse du seigneur du village voisin de Roussillon aimait un troubadour. Le mari jaloux tua l’amant et en cuisina le cœur pour le faire déguster à son épouse. Apprenant la vérité sur ce mets qu’elle avait trouvé délicieux, l’infidèle se jeta dans le vide. Aussitôt la terre prit une couleur rouge sang. 

La réalité est plus prosaïque. Pendant des siècles, la Doa, torrent coulant de Gignac à Rustrel, a charrié, lors de violents orages, boues ocreuses et limon argileux, entaillant les couches géologiques, mettant à nu le calcaire blanc et les argiles vertes.
Outre l’érosion qui a sculpté formations rocheuses, cheminées de fées et canyons, la main de l’homme a aussi modelé la paysage. De 1871 à 1929, des ocriers ont exploité le gisement de la carrière de Rustrel pour fabriquer des pigments à foison.

Aujourd’hui, deux sentiers balisés sinuent entre les collines aux reflets d’or, piquetées de pins, ponctuées de sculptures fantasmagoriques et de dunes pétrifiées. La balade est encore plus spectaculaire tôt le matin ou en fin de journée lorsque le soleil enflamme la roche argileuse. Certes, on est loin du gigantisme en grès rouge du Colorado américain, mais ici la richesse chromatique est bluffante.

A l’ouest, le village de Roussillon scintille sous une lumière ocrée, parant les façades de ses maisons de tonalités flamboyantes. A proximité l’écomusée de l’ocre perpétue dans l’ancienne usine Mathieu la mémoire et la découverte des pigments. 

www.luberon-apt.fr

Où dormir ?

La Forge à Rustrel, une ancienne fonderie métamorphosée en une insolite et élégante maison d’hôtes, dotée de trois chambres, d’une suite et d’une piscine.

www.chambre-dhote-luberon.fr


Le méandre de Queuille, on dirait l’Amazonie

Des courbes sinueuses bleu-vert enlaçant un dense massif forestier. On dirait la jungle brésilienne, sanctuaire à la biodiversité unique, traversé par l’impétueux fleuve Amazone. Mais on est dans le pays des Combrailles, en Puy-de-Dôme, à une heure au nord-ouest de Clermont-Ferrand.

Du lac Servières à sa confluence avec l’Allier, la rivière Sioule entaille le plateau cristallin des Combrailles. Sous le regard placide de vieilles forteresses médiévales, elle dessine plusieurs boucles, dont la plus étonnante est le méandre de Queuille. Sur près de 2km, le cours d’eau enserre la presqu’île de Murat, que les plus imaginatifs comparent à une tête de tortue.

Ce panorama n’a pas toujours été aussi époustouflant. Au XIXème siècle, la Sioule, alors moins large, était bordée par un damier de cultures. Dès 1865 pour pallier au pastoralisme et à la surexploitation du bois, l’Etat a tapissé de chênes et de hêtres sur 517 ha les abords de la Sioule. En 1904, un barrage, destiné à alimenter en électricité l’agglomération clermontoise, a modifié la physionomie des lieux, élargissant la rivière et noyant quelques hameaux.

Derrière le chevet de l'église de Queuille, un sentier en sous-bois conduit au promontoire qui s’ouvre sur la majestueuse rivière arrondie en fer à cheval.

Des itinéraires pédestres et cyclistes permettent de s’immerger, de grands espaces boisés en hauts plateaux, dans le pays des Combrailles. Les plus sportifs peuvent s’aventurer en canoë-kayak au fil des gorges. Une autre façon d’apprécier ce décor quasi-amazonien.

www.tourisme-combrailles.fr

Où dormir ? 

Les « Suites de Campagne » aux Eydieux, deux confortables suites au charme intimiste, avec hammam ou baignoire à bulles, aménagées dans les dépendances d’une ferme.

www.leseydieux.com


 
La Tourbière des Saisies, une petite Laponie savoyarde  

Une mosaïque de milieux naturels (tourbières, landes et forêts), digne des forêts boréales lapones. A cheval entre le massif du Beaufortain et le val d’Arly, la Tourbière des Saisies, s’étire entre 1550 et 1718m d’altitude sur 300 ha (c’est la plus grande de l’arc alpin).

Véritable relique de la glaciation de Würm il y a environ 11 000 ans, elle doit son origine au passage d'une langue glaciaire sur le col des Saisies. Une particularité rare en France, mais fréquente en Laponie.

Par définition, une tourbière est une zone perpétuellement humide, où se forme la tourbe. Cette roche végétale fossile est constituée de débris végétaux mal décomposés, en raison d’une part de l’absence d’oxygène due à l’eau stagnante, d’autre part de l’acidité des sphaignes (mousses capables de stocker trente fois leur poids en eau, qui appauvrissent le milieu).

Pourtant cet écosystème, pauvre en éléments nutritifs, mérite d’être préservé. En effet les tourbières jouent à la fois le rôle d’éponge, de filtre et de puits à carbone. D’ailleurs beaucoup les considèrent comme les reins de la Terre, par opposition aux forêts qui en sont les poumons.

Classée Réserve Naturelle Régionale depuis 2013 pour mieux préserver sa biodiversité, la tourbière des Saisies abrite de nombreuses espèces protégées ou menacées. Citons côte faune les cordulies (libellules), le nacré de la canneberge (papillons) ou le tétras-lyre, et côté flore, des plantes carnivores comme le droséra et la grassette. A découvrir en suivant les sentiers pédagogiques en accès libre.
Celui des Arpelières, au départ du télésiège de Covetan, met en lumière les aspects géographiques et climatiques qui lui ont valu le surnom de “petite Laponie”. Des pavés en rondin de bois permettent aisément de parcourir ce site, rythmé de mares, de bancs et d’une cabane d’observation. Ambiance scandinave garantie !

www.lessaisies.com

Où dormir ? 

La Ferme du Chozal, un hôtel spa 4 étoiles à Hauteluce-Les Saisies. 10 chambres, une suite et un mazot très cosy qui mêlent bois, pierres d’origine et décoration épurée.

www.lafermeduchozal.com

 
La Camargue, un parfum de Kenya

Des étangs teintés de multiples points roses qui évoquent les lacs Nakuru et Bogoria du Kenya. Au sud d’Arles, dans le delta du Rhône, la Camargue, succession de marais, champs, roselières et rizières, accueille de nombreuses colonies d’oiseaux d’eau nicheurs et migrateurs, dont les flamants qui en sont devenus l’emblème.

Sur les six espèces présentes dans le monde, seul le phoenicopterus roseus vit en France. Ce grand échassier, d’une envergure de 1,50m - 1,80 m, pèse entre 2 et 4,5 kg selon le sexe. Chaque année dès décembre, les flamants cherchent un nouveau partenaire lors de spectaculaires parades nuptiales et collectives.

Au printemps sur un ilot à l’abri des prédateurs, le couple construit un nid où la femelle pondra son unique œuf annuel. Après 29 jours d’incubation, une petite boule grise perce la coquille. La coloration rose du plumage à l’âge adulte est due à la petite crevette Artemia salina, leur pêché mignon. Ces omnivores se nourrissent aussi de larves d’insectes et de graines aquatiques.  

Les lagunes et les étangs, dont celui du Fangassier avec un guide naturaliste, se prêtent à l’observation des seigneurs camarguais, qui partagent la vedette avec les hérons, cigognes, aigrettes, sarcelles, rapaces, passereaux.

En famille, le parc ornithologique de Pont de Gau, à 4 km des Saintes-Maries de la Mer, promet de belles prises de vues, d’autant que les flamants ont profité de l’absence des visiteurs pendant le confinement pour en investir massivement les 60ha. 2500 individus y ont été recensés contre 1500 en temps normal ; ce qui pourrait générer un véritable baby-boom.

www.arlestourisme.com

Où dormir ? 

Le Mas de la Fouque, un hôtel 4 étoiles avec spa et piscine, au cœur de la Camargue, face à un immense plan d’eau. Les 26 chambres et suites dégagent un esprit gipsy chic.

www.masdelafouque.com

Crédit photos  

Ocres de Rustrel : Nadine Tardieu, A Hocquel

Méandre de Queuille : Sandrine Boutonnet, Elyas Saens

Tourbière des Saisies : Patrick Somelet

Camargue : Provence Tourisme