Indissociable de l’identité cannoise, la festive Croisette scintille de paillettes à longueur d’années. Pourtant, à deux pas de cette mythique Promenade, se cache une adresse à la fois intime, chic et décontractée : l’Hôtel Croisette Beach Cannes. Ce cocon, rénové par Jean-Philippe Nuel, constitue un agréable quartier général pour partir à la découverte des îles de Lérins.

Ambiance gypset

A l’écart de l’effervescence cannoise, l’Hôtel Croisette Beach Cannes, qui a rejoint la collection MGallery du groupe Accor, vit une seconde jeunesse depuis mai dernier. Aux commandes de cette métamorphose, l’architecte d’intérieur Jean-Philippe Nuel : « je me suis inspiré de l’esprit du lieu, de la proximité de la mer et du côté glamour de la ville pour faire de cette architecture typée années 70 un havre de paix à l’ambiance gypset (contraction de gypsy et jetset) ». Volumes restructurés, codes hôteliers bousculés, le designer est passé maître dans la reconversion des bâtiments anciens, historiques ou pas, avec une signature contemporaine.
La construction d’origine, très marquée par son époque, a orienté son propos. L’oculus, en façade, revient comme un leit-motiv en plusieurs endroits du lobby, notamment par le biais d’un claustra. Un moyen de passer du minéral au végétal. Un grand patio, autour duquel s’articulent les chambres, offre une respiration arborée et fleurie pour un verre, un en-cas ou un rendez-vous en toute sérénité.
Un lobby scénographié

Comme un cinéaste concevrait le décor des premiers plans de son film, Jean-Philippe a scénographié le lobby. « Le plafond était bas, les vitres fumées, la palette chromatique sombre. Pour le rendre plus clair, plus balnéaire, j’ai créé, à l’entrée, des jeux de miroirs au plafond qui multiplient les reflets et ouvrent l’espace ».
Amoureux des lignes simples, pures et élégantes, il a mêlé formes géométriques, lumière naturelle et pans de murs d’un bleu profond et chaud pour apporter une certaine fluidité.
Sur le sol en terrazzo, les meubles et étagères en chêne clair se font complices du rotin, décliné sur des sièges bas, des paniers muraux, des luminaires. Tapis Moooi, tissus Pierre Frey, coussins Missoni d’inspiration ethnique égayent cet univers intimiste.

Une référence seventies assumée

Assoupies dans des tonalités blanc et gris-tendre, les chambres mixent matériaux naturels et jeux de textures provoquant une iconographie à la fois intemporelle et remplie du charme « seventies ». On retrouve l’œil de bœuf, sorte de repère identitaire, sous forme d’un immense miroir, dont la rondeur rappelle la forme du soleil. « J’ai imaginé une palette globale avec des ponctuations de couleurs comme si je composais un plat autour du Cannes vintage amorcé dès les années 60 ». Témoins de cette époque, une collection de vieilles photographies dans les chambres et les couloirs. 

       

Une plage privée très jetset

Cet établissement, qui cultive le calme dans une rue perpendiculaire à la Croisette, offre à proximité immédiate une belle plage privée avec un vaste ponton. « J’ai suivi le même fil rouge pour aménager cet endroit festif », ajoute-t-il.
Face à la Grande Bleue, c’est un spot incontournable pour farnienter sur un transat, savourer le cocktail Signature à base de liqueur de mandarine des îles de Lérins ou se régaler du poulpe aux condiments niçois et du dos de loup à la plancha.

     




Une forteresse royale au large de la Croisette


A quelques encablures de Cannes, les îles de Lérins se prêtent à des balades.
Sainte-Marguerite, la plus grande île de cet archipel de poche, doit sa renommée au Masque de Fer, emprisonné au Fort Royal. Campé à la proue de l’unique falaise de l’île, cet édifice a été maintes fois remanié au cours des siècles, jusqu’à ce que Vauban lui donne la forme d’un pentagone bastionné. Transformé en prison d’Etat sur ordre de Louis XIV, il gardera sa fonction carcérale jusqu’au XXème siècle.
Dans la partie la plus ancienne, le Musée de la Mer abrite des citernes romaines, des collections d’archéologie sous-marines (épaves romaines et sarrasines, collections d’amphores). A côté, le mémorial Huguenot, témoin de l’enfermement des pasteurs protestants après la révocation de l’Edit de Nantes, voisine la cellule de l’inconnu masqué. Cette geôle fut construite sur mesure dans une spacieuse salle voutée, dotée d’une cheminée, dont le conduit donne sur le vide, et d’une grande fenêtre, protégée de trois grilles aux barreaux décalés, s’ouvrant sur un à-pic de 22m.
Photo: Les Iles de les Lerins et les Alpes eneigée ©SEMEC-DERVAUX
Trois candidats pour un masque

A l’étage, une exposition temporaire, consacrée au mystérieux prisonnier incarcéré de 1687 à 1698, s’appuie sur de récentes découvertes pour faire le point sur les hypothèses actuelles. Au fil de la visite, on suit le cheminement de l’homme au Masque de Fer : son premier lieu de détention au donjon de Pignerol (Piémont italien) ; son transfert en chaise à porteur, couverte d’une toile cirée, à Sainte-Marguerite ; son arrivée « toujours masqué dont le nom ne se dit pas » à la Bastille, où il s’éteint le 20 novembre 1703.
On pénètre aussi dans les appartements de Bénigne Dauvergne de Saint-Mars, le gouverneur de l’île, son geôlier. Cet ancien mousquetaire, qui avait la confiance totale du Roi, est un personnage-clé. Sa mission : « empêcher qu’il soit vu, ni connu de quiconque ».
Qui était cet illustre inconnu, privé de son identité, entretenu aux frais de l’Etat durant de longues années et entouré de précautions extrêmes ? Depuis trois siècles, les spéculations vont bon train et plusieurs thèses s’affrontent.
Selon les historiens, il y aurait trois candidats possibles :
Nicolas Fouquet, l’ancien surintendant des finances accusé de malversations. Certains le disent mort en 1680, d’autres en 1703 à 88 ans. 
Eustache Dauger, un valet occasionnel de Fouquet. Certains accusent Saint-Mars d’avoir usé de ce stratagème pour percevoir de l’argent et alimenter les rumeurs.
Ercole Matthioli, ministre d’un prince italien qui avait trahi les rois de France.
L’exposition aborde également la dimension mythique de l’énigme à travers la littérature et le cinéma. L’homme masqué aurait été le jumeau de Louis XIV. Un thème dont l’origine remonte à la critique de l’absolutisme de Voltaire et qui fut largement romancé par Alexandre Dumas et par le 7eme Art.
Sur un panneau, on peut lire : « le 5 septembre 1638, la Reine a accouché en public du Dauphin et la Cour n’assista officiellement à aucune seconde naissance ».
Sur les sentiers aux effluves d’eucalyptus

Alentour, une magnifique forêt domaniale, qui couvre majoritairement les 210ha de l’île, invite à cheminer parmi les pins d'Alep, pins parasol, chênes verts et eucalyptus. A l’est, on découvre deux anciens « fours à boulets », destinés à chauffer au rouge les boulets de canons qui devaient incendier les navires de l’assaillant. A l’ouest, près de l'Étang du Batéguier, véritable réserve ornithologique, on observe en silence sternes pierregarin et goëlands leucophées, venus nicher en toute quiétude. Sur la côte sud, apparaissent de jolies petites criques, en toile de fond l’île de Saint-Honorat, séparée par l’étroit chenal dit "plateau du Milieu".

L’un des plus anciens monastères de la chrétienté

Au cœur de Saint-Honorat, l’abbaye de Lérins constitue un véritable un joyau architectural, où se concentre la vie monastique. Les bâtiments actuels ont été construits à partir du XIème siècle sur les fondations du premier monastère de la Gaule chrétienne, fondé en 410 par l’ermite Honorat d’Arles. À l'origine clunisienne, l'abbaye accueille désormais une vingtaine de moines cisterciens, qui observent la règle de saint Benoît, Ora et labora (prière et travail).  Seule l’église est ouverte à la visite. Mais la communauté accueille hommes et femmes, croyants ou pas, désireux de se ressourcer quelques jours.

Sur la côte sud, se dresse une imposante tour-monastère du XIème siècle. Jusqu’à la Révolution, elle servit de refuge aux moines face aux attaques répétées de l'île. Mais le lieu ne fut jamais totalement protégé en raison de sa taille. La bâtisse compte quatre-vingt-six pièces dont deux cloitres, quatre chapelles et des salles de garnison réservées aux militaires, qui venaient défendre la côte sur ordre royal. La terrasse de la tour-donjon offre l’un des plus beaux points de vue sur l’abbaye.
Photo : Les Iles de Lerins Saint-Honorat Abbaye ©SEMEC-KELAGOPIAN

Les moines cultivent la spiritualité et la vigne

Envie de musarder sur les sentiers ? Un tour de l’île permet en deux heures de découvrir les vestiges de sept petites chapelles, dont la plus connue, celle de la Trinité à la pointe Est de l’île, est une merveille d’architecture médiévale.
Ici et là, on déambule au milieu des vignes. Déjà connus pour leurs liqueurs à base d’herbes méditerranéennes, les moines ont réhabilité, dans les années 1990, 8ha de vignoble irrigué par une source souterraine. Comme leurs prédécesseurs au Moyen-Age, ils effectuent taille, ébourgeonnage et vendanges à la main. Ils produisent chaque année 40 000 bouteilles de vin de qualité, du rouge et du blanc certifiés bio, et proposent des visites du vignoble avec dégustation.
Ils assurent également en exclusivité les traversées maritimes depuis le port de Cannes. Un autre moyen de subvenir à l’entretien du Domaine.

     
1/ Rivage des Iles de Lerins©H.Lagarde
2/ Les Iles de Lerins Saint-Honorat, Monastère fortifié ©SEMEC-KELAGOPIAN
3/ Les Iles de Lerins Sainte Marguerite-Etang Batéguier©SEMEC-KELAGOPIAN.
 Informations

www.croisettebeach.fr

www.cannes.com/fr/culture/musee-de-la-mer
Exposition « L’homme au Masque de Fer, un secret d’Etat »  jusqu’au 27 octobre.

www.cannes-ilesdelerins.com/fr/nos-bateaux
(liaison vers St-Honorat)