Pendant trente ans, Richter a peint des marines dans différents formats, couleurs et styles : d’un marine abstraite dans laquelle la ligne d’horizon est à peinte perceptible, à celles dans lesquelles le réalisme photographique du ciel n’est nuancé que par une lumière ambiguë. Il poursuit l’image parfaite en abordant le ciel et la mer à des moments différents. Dans ses compositions, la perspective et la lumière créent une illusion qui captive le regard.

Le Musée Guggenheim Bilbao présente Gerhard Richter. Marines, une occasion unique pour contempler le plus grand ensemble des célèbres paysages marins de l‘artiste allemand jamais réuni auparavant. Les marines de Richter ne sont pas de simples représentations de la nature. D‘un côté, elles défient la perception du spectateur en rapprochant la peinture de la photographie : il obtient une surface très lisse en appliquant le pigment très dilué et floute l‘image comme peuvent le faire certaines instantanées. De l‘autre, il embellit le paysage en cherchant à atteindre la perfection ; dans certaines oeuvres, le ciel et la mer proviennent de deux images distinctes et se fondent, devenant ainsi interchangeables et laissant au spectateur le soin d‘identifier chacun d‘eux.

Gerhard Richter est né peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale à Dresde, ville qui à la fin de la guerre est incorporée à l’Allemagne de l‘Est. L’artiste s’intéresse très tôt à l’art informel et à l‘expressionnisme qui se développent de l’autre côté du Rideau de fer et qui le poussent à quitter sa ville natale. En 1961, il s’installe à Düsseldorf, où il entre en contact, entre autres, avec Sigmar Polke, Blinky Palermo et Konrad Fischer. Même s’il avait déjà réalisé auparavant quelques peintures à partir de photographies, Richter considère que les œuvres qu’il réalise à partir de 1962 sont ses premières photopeintures. En quête d‘ un “nouveau commencement”, ces travaux marquent un tournant dans sa carrière.

La mer a d’abord servi de support pour ses portraits, à partir de clichés tirés d’un album de famille. Puis,un peu plus tard, le modèle s’estompe et n’est plus identifiable comme dans les toiles précédentes, et en 1965 il réalise un petit paysage dans lequel la figuration et l’abstraction se fondent dans des tons gris, et que nous pourrions considérer, de façon quelque peu hasardeuse, comme sa première marine, Paysage ( Landschaft , 1965).

De 1969 cette toile, dans un format carré, la Marine ( gris - vert , nu ageux ) [ Seestück ( grüngrau, bewölkt )], ce paysage provient d’une collection particulière.

Photo : Gerhard Richter

Marine (gris-vert, nuageux) [Seestück (grüngrau, bewölkt)], 1969
Huile sur toile
140 x 140 cm
Collection particulière
© Gerhard Richter, Bilbao, 2019
Parcours de l’exposition
Les gris si caractéristiques de l’œuvre de Richter, présents tout le long de sa carrière et qu’il définit comme “vides d’opinion”, sont déjà là dans sa première toile intitulée Marine ( Seestück ) de 1968, visible dans cette exposition. Il s’agit d’une huile sur toile de petites dimensions et d’un format très horizontal, comme passé par les lentilles anamorphiques du cinémascope. Nous pouvons y voir un horizon infini et de petits tourbillons de ce qui pourrait être une écume blanche, dans lesquels la matérialité de la peinture s’épaissit, révélant la main de l’artiste. Une œuvre qui peut représenter un paysage désertique, mais dont le titre nous situe face à l’océan, enveloppé d’une lumière diffuse et d’une atmosphère cendreuse. Trois décennies et 22 huiles sur toile séparent cette marine sans aucune figure de la dernière, peinte en 1998, et qui fait partie de la collection du Musée Guggenheim Bilbao. Au cours de ces années, Richter présente des paysages dans différentes tailles et formats, couleurs et styles. Ainsi, une marine abstraite dans laquelle la ligne d’horizon est à peine visible est suivie et précédée d’autres dans lesquelles le réalisme photographique du ciel n’est nuancé que par une lumière ambiguë. Envahi de nuages ou d’un calme absolu, le ciel occupe une grande partie de la toile dans les marines et n’est qu’en deux occasions supplanté par la mer.

Dans Marine ( v ague ) [ Seestück (Welle) , (1969], appartenant à la collection du Modern Art Museum de Fort Worth, au Texas, les deux tiers de la toile sont occupés par un ciel orageux dans divers tons de gris parmi lesquels la lumière jaillit entre les nuages comme une sorte de manifestation divine. Cet effet, probablement dû au fait que la lumière du ciel ne correspond pas à sa projection sur la mer, n’est pas intentionnel pour l’artiste, qui considère la lumière comme un élément de plus de la nature. “La lumière ne m’a jamais intéressé. La lumière est là et tu l’allumes ou tu l’éteins, avec du soleil ou sans lui. Je ne sais pas quelle est la problématique de la lumière” (MoMA, entretien avec Robert Storr, 2002).

Dans certaines marines, Richter part d’un collage provenant de deux photos différentes, une du ciel et une autre de la mer, comme le faisait au XIXe siècle le chercheur et photographe français Gustave Le Grey. Recherchant l’image parfaite, Richter a recours à un ciel et une mer pris à des moments différents. Dans sa composition, la perspective et la lumière créent une illusion qui captive le spectateur. Ces photomontages sont enregistrés dans Atlas , le grand répertoire encyclopédique d’images que l’artiste entreprend au début des années soixante et qu’il continue à enrichir depuis. Dans Marine ( Ambiance du matin ) [ Seestück (Morgenstimmung) , 1969], la lumière qui émane de la ligne d’horizon empêche l’obscurité absolue de l’océan. Cette œuvre, appartenant à la collection du Musée départemental d'art contemporain de Rochechouart, a le même format et a été peinte la même année que Marine ( avec nuage s oliv âtres ) [ Seestück ( oliv bewölkt )].

Photo : Gerhard Richter

Marine (avec nuages olivâtres) [Seestück (oliv bewölkt)], 1969
Huile sur toile
80 x 100 cm
Collection particulière, Italie
© Gerhard Richter, Bilbao, 2019

Enfin, Marine ( Seestück ) de 1998, le dernier des paysages marins peint par Gerhard Richter dans sa carrière et appartenant à la Collection du Musée Guggenheim Bilbao, ferme le parcours consacré à cette thématique. Des paysages qui servent à Richter, selon ses propres termes, pour transférer son désir. “Bien que ces images soient motivées par le rêve d’un ordre classique et d’un monde pur – autrement dit par la nostalgie –, l’anachronisme acquiert en elles une qualité subversive et contemporaine".
Gerhard Richter

Photo :  Marine (Seestück), 1998
Huile sur toile
290 x 290 cm
Guggenheim Bilbao Museoa
© Gerhard Richter, Bilbao, 2019
Commissaire : Lucía Agirre, Curatrice, Musée Guggenheim Bilbao

Salle 304 (troisième niveau)


Guggenheim Bilbao Museoa
Avenida Abandoibarra, 2
48009 Bilbao

Informations pratiques :
Ouvert du mardi au dimanche
De 10h à 20h

Fermé tous les lundis sauf :
Tous les lundis de juillet et août, le 2 et le 9 septembre et le 23 et le 30 décembre 2019

www.guggenheim-bilbao.eus/fr