À l’occasion de la 24ème édition du festival de films francophones Cinémania se tenant à Montréal, la photographe Valérie Nagant présente une exposition de portraits de femmes intimes, aux plus proches de la femme qu’elles sont en dessous du costume de la comédienne. Du 16 octobre au 16 novembre 2018, l’artiste belge présente au Sofitel tout un panorama de regards doux et fragiles de ces femmes que nous croisons sur la toile et que finalement, nous ne connaissons pas.




 

« Femmes de cinéma : la force tranquille du cinéma belge », le titre de votre exposition fait écho aux actualités qui ont récemment chamboulé le monde du cinéma, et le monde de la femme en général. Est-ce aussi un moyen pour vous de rentrer dans cette revendication ?

Valérie Nagant : J’ai commencé le projet avant que toutes ces affaires soient rendues publiques, mais quelque part c’est un sujet que nous avons toutes en nous, nous l’avons toutes vécu et en tant que femmes nous sommes toutes concernées par cette image parfois difficile, mais il n’y avait pas de revendications particulière derrière mon travail. Lorsque j’ai monté ce projet, j’ai fait un plongeon dans le monde du cinéma, en visionnant des films, des documentaires, en lisant… afin d’observer ces femmes avant de les rencontrer. Je me suis alors rendue compte que l’on ne connaissait que très peu de femmes de cinéma, et il y en a tellement ! Comédiennes, réalisatrices, productrices, monteuses de son, maquilleuses... Autant de femmes fascinantes à interpeller et à mettre à l’honneur. J’ai choisis les films de cinéma belge pour ce projet, mais pas uniquement celles qui sont sur le devant de la scène. J’avais envie de faire connaître toutes les autres et de les mettre sur un pied d’égalité, elles se retrouvent toutes derrière mon objectif.

 

Comment arriver à atteindre un moment d’intimité pure avec ces femmes qui sont habituées à être surexposées ?

On me dit souvent ne pas reconnaître la femme qui se trouve sur la photographie, et quelque part je le prends comme un beau compliment : je suis parvenue à atteindre la femme que l’on ne croise pas sur les papiers glacés des magazines. Lors de nos séances, nous ne sommes que deux, et c’est cette proximité qui invite à l’intimité. Nous parlons beaucoup et au cours de cette discussion je vais tourner autour du modèle en prenant des clichés afin qu’elle oublie l’appareil. Je les écoute beaucoup et c’est en se confiant qu’elles baissent la garde, c’est grâce aux mots qu’elles font tomber les barrières de cette mise en image à laquelle elles sont habituées. C’est ainsi que l’on arrive à une autre image, sans frontières, plus intime. Un exercice qu’elles ont souvent trouvé complexe puisque justement, il s’agissait de parler d’elles.

Au départ, cela ne passait que par la photographie et puis après plusieurs mois de travail j’ai eu envie d’y ajouter de l’écrit, afin de retrouver cette bulle que nous avions créée ensemble. L’ensemble donne un résultat très varié car elles n’avaient qu’une seule ligne directrice : parler de leurs envies, leurs espoirs, leurs désespoirs… parler d’elles en somme.


Cadrage, lumière, prise de vue… Comment savoir si c’est la photographie, ce cliché qui se dénote de tous les autres ?

Sur le moment je réfléchis peu finalement, c’est plutôt instinctif. Pour ce projet, j’ai pris énormément de clichés afin de construire cette bulle d’intimité, mais au moment où j’ai fais « la » photographie, je le sais. Le public se pose souvent la question du cadrage ou de la lumière, si il y a une raison à ce qu’elle soit ainsi, moi je sais juste que si elle avait été faite autrement, ce ne serait pas la bonne photo. Ce cadre-là est nécessaire à l’intimité.


Vous avez étudié à New York, travaillé pendant quinze ans au Moyen-Orient et maintenant à Bruxelles… Finalement qu’ont en commun toutes ces femmes rencontrées lors de ce parcours ?

Je crois que les humains en règle générale sont fascinants, j’ai clairement une attirance photographique pour les femmes, même si je travaille aussi avec des hommes, mais je ne pense pas que le genre doive être pointé du doigt. Il y a beaucoup de photographes qui ont travaillé sur les genres marginaux, et finalement peu sur la femme au naturel. À mon sens cette femme là manque, tout ce quelle a de particulier en étant seulement une femme, sans quelle doive plaire, c’est de là qu’est né ce projet.

J’ai besoin de ces femmes actrices, du don anthropologique qu’elles ont de parler de l’intérieur, cette particularité de sortir ce qu’elles ont en dedans ou de jouer une autre de façon assez naturelle. On parle de la femme que vous avez envie d’être, dont vous rêver d’être, celle qui a envie de vivre, de mourir, de parler de l’intérieur. En somme parler de cette femme, de cette vie que l’on ne voit pas.

 

Informations pratiques :

Femmes de cinéma : La force tranquille des femmes du cinéma belge
Jusqu’au 16 novembre 2018
Sofitel Montréal
Le carré doré
1155 Rue Sherbrooke
Montréal, Québec