En 2017, la banlieue Clichy-Montfermeil a changé de visage. Noyau fort des violences populaires qui ont ébranlé la france il y dix ans, la zone est devenue un nouveau spot culturel, depuis le passage du célèbre photographe JR, un artiste qui veut rendre hommage aux locaux en exposant leurs vrais visages aux yeux du monde, sur une fresque de 150m2.


Chroniques de Montfermeil ©Instagram Fatma

JR est un photographe un peu fou. Actif depuis le début des années 2000, le jeune français aux origines multiples, colle frénétiquement des portraits photographiques immenses dans les rues du monde entier. Favelas de Rio, frontière entre la Palestine et Israël, Patnhéon de Paris, rues de Shangaï… Le street artist expose le vrai visage des hommes sur les pierres qui l’entourent. Après de nombreuses actions internationales, JR rentre enfin chez lui, la où tout a commencé : à Clichy-Montfermeil.

Car c’est dans cette banlieue de Seine Saint Denis que le jeune Jean René effectue les premiers portraits qui feront sa renommée, des habitants de la cité des Bosquets dans leur quotidien, exposés sur les murs de la ville. Sans le vouloir, ces Portraits d’une génération devinrent le symbole d’une lutte populaire. Tandis que le 27 octobre 2005, le décès des jeunes Zyed Benna et Bouna Traoré ébranle les cités françaises, les portraits de JR deviennent la bannière d’une classe sociale qui se révolte. Douze années plus tard, le photographe retourne à ses origines et inaugure un projet majestueux, rendant enfin honneur aux habitants de Clichy Montfermeil, sans filtres, sans retouches. Un diamant brut à ne surtout pas tailler.

“ Cette fresque dresse une image de Clichy-Montfermeil composé des portraits des différentes générations qui ont vu l’utopie de ce quartier se délabrer, la misère et les tensions sociales s’exacerber au point d’avoir été, suite à la mort des adolescents Zyed et Bouna en 2005, le point d’embrasement des émeutes les plus importantes de l’Histoire de France. Un portrait de ceux qui s’efforcent de remettre de la poésie dans le ciment.” JR

Chroniques de Montfermeil ©Instagram JR 

Il faut dire que pour JR, la photographie est une arme. En exposant ses oeuvres en dehors des institutions culturelles, l’artiste français fait venir l’art à ceux qui ne rentrent pas dans les musées, que ce soit par peur ou par manque de moyen. Mais au-delà de ce rêve de démocratisation culturelle, l’homme au chapeau et aux lunettes noires brandit son objectif face aux inégalités sociales, à la manipulation médiatique et au déséquilibre mondial. Sur les murs, sur les marches, sur des véhicules, JR collent des regards profonds qui ne transmettent que la vérité, rien que la vérité. Comme ses yeux dernièrement placardés sur la citerne d’un camion remplit d’eau destiné à la distribution en Somalie.

A Clichy-Montfermeil, c’est une autre vérité que JR veut soulever. Celle d’un peuple qui souffre d’injustice, d’amalgames et de violences. En plein coeur de la cité des Bosquets où il fit ses premiers pas d’artistes, un mur lui est offert, c’est même le maire de la ville qui le lui confie, celui-là même qui il y a dix ans le poursuivait pour son affichage sauvage.

36 mètres de long, 750 visages, 150m2. Le projet de JR mené en collaboration avec le réalisateur Ladj Ly du collectif Kourtrajmé, tient en quelques mots : des habitants, une vie, une fresque. Depuis décembre 2016, les deux amis de toujours, photographient près de 800 habitants du quartier où ils firent leurs jeunesses. Femmes au foyers, chômeurs, artisans, commerçants, retraités, dealers, délinquants, enfants, adolescents, pompiers, travailleurs sociaux… Personne n’échappe aux filets et face à l’objectif, les sujets sont tous les mêmes. La séance photographique a pour seule condition que ses modèles rejouent une scène de leur vie quotidienne. C’est ainsi que les deux artistes donnent vie à une fresque monumentale, patchwork complètement délirant de tous les joueurs du coin. A la différence qu’ici, ce ne sont pas des acteurs mais le reflet d’une réalité qu’il faut assumer et recomposer à l’image du monde contemporain et ses épreuves.

Chroniques de Montfermeil ©Instagram JR 


JR ne dresse pas ici un constat alarmant sur la nature de cette banlieue, il en révèle ses trésors avec leurs bosses et leurs fêlures, enfin tous réunis sur un même monument, célébrant l’esprit d’un quartier, l’affection d’une famille, les mutations d’une société, la mémoire des hommes. Pour célébrer l’évènement, le 19 avril 2019, JR lève le voile sur une émotion célébrée par tous, aux côtés de François Hollande. Un cadeau offert à ces inconnus qui écrivent l’histoire, ce tourbillon de la vie enfin célébré, à sa juste valeur.

“ Je reviens régulièrement à Clichy-Montfermeil depuis plus de quinze ans, avec mon ami et réalisateur Ladj Ly. à chaque fois je pense connaître la cité par cœur mais tout se transforme, tout est toujours bouillonnant de vie.” JR


Aurélie M.Caillard 

Informations pratiques :

Chroniques de Montfermeil
Cité des Bosquets
93370 Montfermeil