La Tour Eiffel, la pyraùide du Louvrel, le centre Pompidou, Châtelet-les-halles, les colonnes de Buren… Tous les plus grands classiques du paysage parisien ont suscité, au moment de leur création, de vifs scandales. Parmi elles, les colonnes de Buren sur la place du Palais Royal fêtent aujourd’hui leur trente ans ! Retour sur un incontournable du parcours culturel de la capitale.

Hier détestées, aujourd’hui adulées, les colonnes de Buren - comme de nombreux classiques de la capitale - font partie des lieux les plus visités de Paris. Qui l’eût cru ? Ce n’est pas leur créateur, Daniel Buren, qui l’aurait parié : “Il y a trente ans, je ne m’imaginais pas assis ici, aux deux plateaux” (Télématin, France 2, interview diffusée le 29 juillet 2016). Tout part de la volonté du gouvernement de Francois Mitterand, en 1982. Décidemment, le tandem que l’ancien Président de la République formait avec son Ministre de la Culture Jack Lang, aura engendré beaucoup de haut-le-coeur…



Les deux plateaux, cour d'honneur du Palais Royal, Daniel Buren ©ros k getfunky_paris

Le Palais-Royal, pointe ses toits de zinc pile en face du Musée du Louvre, c'est un des grands hauts lieux d’histoire de Paris. De sa façade à l’architecture classique, le palais résume la grandeur du Royaume de France. Construit sous les directives de Richelieu en 1628, il abrite le jeune Roi Louis XIV pendant la Guerre des Lorrains (1648-1653) et prend le nom, indélébile, de “Palais-Royal”. Lorsque l’on encadre ses jardins de galeries classiques, tout le petit Paris s’y presse. L’on va au Palais pour se montrer. Aujourd’hui, le bâtiment abrite le Conseil d'État, le Conseil Constitutionnel et bien sûr, le Ministère de la Culture. Désormais, l’on va au Palais pour voir.

Sous Mitterrand, la place du palais abritaient les voitures des fonctionnaires publics. Un déshonneur à ce monument d’architecture que le Président veut réparer; et il faudra faire vite. Sous les conseils de son ministre culturel, il confie l’installation d’une oeuvre contemporaine à Daniel Buren, au mois de juin 1985, pas moins de douze mois plus tard, les colonnes sont installées, et avant même qu'elles soient mises à jour, le temps est à l’orage…


Vue des Deux Plateaux, cour d'honneur du Palais Royal © Guilhem Vellut

L’installation de Buren est pourtant très simple : sur près de 3 000 mètres carrés dans la cour d’honneur du palais royal, l’artiste crée deux espaces à niveaux. Du sous-sol à la surface, il fait pousser plus de 260 polygones de marbre de tailles différents, striés de blanc et de noir. Entre ses colonnes, il fait couler une des plus grande fontaine souterraine de la capitale, le tout éclairé par un jeu de lumières lorsque vient la nuit.  

“Mon travail consistait à montrer quelque chose reprenant des éléments très courant dans tout le parcours du Palais Royal : les colonnes”.

Daniel Buren est le maître célébré de l’installation in situ, et pour le Palais Royal, il y applique toutes les règles : il intègre une création contemporaine à son environnement en réutilisant une de ses caractéristiques principales. Les deux plateaux, est une oeuvre du XXème siècle : sa sculpture est à la fois unique et multiple, Buren fait un pied de nez au schéma classique fontaine/statue au centre d’une cour carrée. À cela il ajoute un trait d’humour, même les stores des fenêtres donnant sur la cour se parent de ses rayures si reconnaissables. Au lieu de la verrue contemporaine que beaucoup craignaient, l’oeuvre de Buren rend un vif hommage au lieu qui l’abrite. Même un jounaliste du Figaro alors le premier à dénigrer le projet à l’époque, est conquis par la réalisation…


Vue des Deux Plateaux, cour d'honneur du Palais Royal © Guilhem Vellut

Arrivé au Palais-Royal, j'éprouvai tout de suite une sorte d'émotion en apercevant cet essai de « ruines antiques » qui réchauffaient un froid décor et remplaçaient avantageusement les voitures des conseillers d'Etat. Ces colonnes, ou tronçons de colonnes, m'évoquaient les restes du portique, sur l'acropole de Pergame”. Roger Peyrefitte, Le Figaro, parution le 15 mai 1986

En 2016, c’est indéniable, les colonnes de Buren font partie d’une étape essentielle à toute visite de Paris. Petits, grands, tout le monde y trouve son compte et les fûts rayés à l’antique deviennent le socle d’un monde du vivant : escaladées, enlacées, porte-bonheur (certains jettent des pièces sur le dessus des colonnes souterraines), les colonnes font partie du paysage et nous rappellent à merveille ce qui fait l’exception culturelle française. Devenu le décor idéal de nombreuses photos de mariages, tout le monde y va de son plus beau selfie, on trouve même des profils Instagram qui y sont consacrés, avec par exemple Anonyme-Paris Stripes qui s’amuse à photographier toutes les rayures portées sur la cour royale !

Avec les années, l’oeuvre de Buren prend plus de sens encore. Au passé, au présent, au futur, l’artiste nous rappelle que Paris est bel et bien encore une fête … Happy birthday to you !


Compte Instagram Anonyme Stripes Paris

“L’idée principale d’un travail de ce genre est bien évidemment le questionnement de l’objet en tant que sculpture, dans un espace public. Ce n’est pas un objet qui est posé là mais un objet dans son ensemble, devenue indissociable de ce qui ne lui appartenait pas”.
Daniel Buren (Télématin, interview du 29 juillet 2016)

Informations pratiques :
Les deux plateaux
Palais Royal - 75001 Paris
Entrée libre
M° Palais Royal - Musée du Louvre (ligne 1)