Le saviez-vous ? A l’ombre du Centre Pompidou et ses couleurs éclatantes, se trouve un petit bâtiment bas renfermant la reproduction de l’atelier parisien de Constantin Brancusi. Des sculptures aux plâtres en passant par les outils, tout l’esprit d’un des plus grands sculpteurs du XXème siècle se retrouve figé dans le temps pour une visite loin des foules…

Paris est une découverte infinie pour celui qui veut bien chercher : à chaque coin de rue, sous chaque pont et derrière chaque porte, la capitale cache les trésors d’un autre temps. La Piazza Beaubourg n’accueille pas seulement le centre Pompidou et ses grands maîtres, la fontaine Stravinsky, les jeunes et les pigeons… Sur ses abords, une petite bâtisse héberge l’atelier de Constantin Brancusi. Après la descente d’une volée de marches nous menant en sous-sol, l’entrée dans les espaces annexes à Beaubourg réserve une grande surprise à tout visiteur dont la curiosité lui fait pousser la porte. A l’extérieur en effet, rien n’indique la lumière se renfermant à l’intérieur. Les murs blancs de l’espace et la lumière diffuse, produite par son agencement, couve une cage de verre en son centre : nous voici dans l’atelier de Brancusi. C’est une véritable capsule temporelle que nous offre ici la pièce tandis que le visiteur déambule tout autour de l’atelier, figé dans le temps.



Vues de l'atelier Brancusi reconstitué par Renzo Piano © CaitlinFlemming © Urzon 

Colonnes infinies, formes chromées, visages de femmes effilés, bois gravés, plâtres et outils par centaines… Tout ce que l’histoire à retenu de Brancusi se retrouve en son atelier. Pourtant, celui-ci n’est, en réalité, qu’une reconstitution. Le lieu de création originel se trouvait au 8 impasse Ronsin, dans le XVème arrondissement de Paris. Le sculpteur roumain s’y installe en 1916, douze années après son arrivée sur Paris pendant lesquelles notamment il fut élève de Rodin. Il occupera cet atelier jusqu’à sa mort, colonisant les espaces voisins au fil de sa création hyperactive. D’un atelier il passe à trois, dont il percera les murs afin de former deux vastes espaces d’expositions et deux autres, plus petits, pour y disposer son établi et ses outils.



Constantin Brancusi Autoportrait dans l'atelier, vers 1933-34 © Adagp Paris 2007 /  Vue d’atelier - Léda, Colonnes sans fin I à III, Chimère, vers 1929 Photographie de l’artiste © Adagp, Paris  

Entre ces murs, se développe une œuvre dont la disposition spatiale est tout aussi cruciale que sa mise en forme. Chaque sculpture, chaque socle est pensé dans son espace environnemental si bien que l’atelier devient lui-même une œuvre à part entière. Une pièce maternelle dont le ventre nourricier abrite plusieurs ensembles de chefs-d'œuvres tous reliés par le même cordon ombilical.

Craignant sa dispersion, le sculpteur lègue l’ensemble à l’État français par testament, à la seule condition que celui-ci soit reconstitué à l’identique au sein d’un musée, comme une oeuvre à part entière. A son décès en 1957, la France devient donc l’héritière légale de 137 sculptures, 87 socles originaux, 41 dessins, 2 peintures et plus de 1600 plaques photographiques de verre et tirages originaux.
En 1962, c’est le Palais de Tokyo qui est choisi pour l’exposer aux yeux du public, pour ensuite déménager sur la Piazza en 1977, pendant la construction du centre. Quinze ans plus tard, l’atelier doit être reconstruit suite à des risques d’innondations : l’architecte Renzo Piano - à qui nous devons le Centre Pompidou - déplace le pavillon aux abords de la Piazza et décide de lui attribuer un écrin fait de grandes baies vitrées.



Vue de l'intérieur de l'Atelier Brancusi reconstitué par Renzo Piano ©Michael Bath © Pearl Gemma

Tous les témoignages, ainsi que les photos, montrent que cet atelier était dans un endroit petit, très privé et intime. Il serait donc ridicule d'essayer de reproduire les conditions de l'impasse Ronsin, car l'endroit où nous nous trouvons est justement l'opposé de ce qu'était cette impasse. Nous avons alors gardé l'idée d'entrer dans un "autre territoire". Ainsi, depuis l'entrée, on descendra dans une placette en contrebas de plus petite échelle, protégée, qui donne accès à une enceinte couverte. Cette enceinte, c'est celle du musée à l'intérieur duquel on va découvrir, encastré dedans, l'atelier lui-même. La configuration intérieure permet de tourner autour de l'atelier, un peu comme si on était à l'intérieur d'une ruelle. Nous n'avons donc pas cherché à copier une situation qu'il était impossible de reproduire, mais nous avons voulu restituer fidèlement une atmosphère, quelque chose de caché, de privé, d'intériorisé, tout ce qui faisait l'identité de l'atelier.” Renzo Piano, 1995



Vue de l’atelier Brancusi, reconstitué par Renzo Piano, 1997 © Adagp, Paris / Léda, 1926 Bronze poli, Legs Constantin Brancusi 1957 © Adagp, Paris  

On pourrait reprocher cette mise à distance décidée par l’architecte, mais celle-ci ne fait que pousser l’admiration de l’univers du sculpteur ; figé par les parois d'un aquarium, le visiteur observe l’ensemble de la forêt de sculptures et d’outils comme une seule et même pièce. Un chef d'œuvre de l’installation nous rappelant la frontière, souvent particulièrement fine, entre l’art et la vie. Voici la relique de l’œuvre d'une vie, celle de Constantin Brancusi, un siècle après ses débuts parisiens. La coursive faisant déambuler le spectateur autour de l’atelier, baignant dans une lumière zénithale, révèle à chaque pas une nouvelle facette du récit qu’il renferme secrètement. Une mer de formes sculptées dont l’aspect évolue au fil des saisons et des journées, dont la découverte revient à une procession religieuse ; le sacre de la sculpture contemporaine, bénissant un langage sculptural plus que jamais intemporel. 


Informations pratiques :
Atelier Brancusi
Place Georges Pompidou - 75004 Paris
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 14h à 18h.
L’entrée est gratuite
Accès sur la Piazza Pompidou