Paris est bien souvent glorifiée pour son architecture, les nombreux ponts et monuments jonchant la Seine et ses alentours en sont les dignes témoins. Parmi eux, l’Eglise de la Madeleine brille par époustouflante architecture néo-classique. Visite d’un Parthénon chrétien édifié par Napoléon sans qui la capitale ne serait pas la même…



L'église de la Madeleine, Paris 1890

Au coeur de Paris, à deux pas du Palais Garnier, se dresse une drôle d'église. Portant le même nom que la place sur laquelle elle fut érigée, l'Église de la Madeleine a plus l’air d’un temple à l’antique que d’un lieu de culte chrétien… Une confusion qui n’est pas hasardeuse puisque c’est un temple à la gloire des armées que Napoléon avait commandé en 1806 !


Avant la commande de Monsieur N, les origines du lieu remontent au XVIIIème siècle, tandis que le faubourg de la ville de l’Evêque avait besoin d’un nouveau lieu de culte face au développement de son archevêché. L’emplacement du nouvel édifice est établit dans la perspective de la grande rue Royale et la place Louis XV (actuelle place de la Concorde), mais la construction est interrompue par la Révolution française, période de grand traumatisme patrimonial pour la capitale.

Peu de temps après son sacre, Napoléon Ier revient sur ce chantier en ruines et instaure, par le décret impérial du 2 décembre 1806, un concours pour “l’édification d’un temple à la gloire des Armées françaises sur l’emplacement de la Madeleine”. Au programme du projet : fronton dédicacé à l’Empereur, chef des soldats de la grande armée, tables de marbre aux batailles d’Ulm, Austerlitz et Iéna ou encore bas reliefs, scènes de guerres, drapeaux, étendards et trophées…


Le Monument dont l'Empereur vous appelle aujourd'hui à tracer le projet sera le plus auguste, le plus imposant de tous ceux que sa vaste imagination a conçus et que son activité prodigieuse sait faire exécuter. C'est la récompense que le vainqueur des Rois et des Peuples, le fondateur des empires, décerne à son armée victorieuse sous ses ordres et par son génie. La postérité dira : il fit des héros et sut récompenser l'héroïsme.” Décret Impérial du 2 décembre 1806.


Si l’intérieur du monument actuel aborde une glorification catholique plutôt que guerrière, c’est que la chute de l’Empire en 1815 met un terme aux travaux entrepris, pour être repris sous la Restauration. L’édifice est alors remis entre les mains du culte catholique et officiellement consacré Paroisse du 1er arrondissement par l’archevêque de Paris en 1845. 
Lorsque l’on fait face à l’édifice, rien n’indique qu’il abrite une église. En longeant le monument c’est bien à un temple que toutes ses caractéristiques architecturales se rattachent : temple périptère à colonnes corinthiennes, péristyle et fronton “à l’antique”, un véritable fleuron néo-classique. Mais en se rapprochant c’est bien un vocabulaire religieux qui orne le temple : derrière les 52 colonnes extérieures sont placées 34 statues de Saints (la représentation de Saint-Luc, touchée par un obus allemand en 1918 en perdit sa tête). La vocation du lieu est annoncée par son entrée principale, cette impressionnante porte de bronze sur laquelle le Baron Triqueti fit fondre les Dix Commandements, tandis que le fronton illustrant le Jugement dernier surveille chaque individu y faisant son entrée.

A l’intérieur de l’église, toute la poésie contrastée de l’architecture sacrée se retrouve entre ombre et lumière. Au dessus de la nef, trois coupoles percées d’oculi laissent entrer une lumière diffuse, plongeant les chapelles latérales dans une semi-obscurité romantique. C’est à Jean-Jacques-Marie Huvé (1793-1852), que la décoration intérieure fut confiée, joignant à ce chantier monumental quelques-uns des plus grands artistes de l’époque dont les peintres François Bouchot, Léon Cogniet, Auguste Couder, Paul Delaroche, Emile Signol, Jules-Claude Ziegler, les sculpteurs Pierre-Joseph Lemaire, Carlo Marochetti, James Pradier ; parmi d’autres. Si le programme pictural reprend largement les scènes de l’Ancien et Nouveau Testament, il réside toutefois un petit “je ne sais quoi” du Panthéon de Rome à l’intérieur de la Madeleine et ses marbres polychromes.

Après la longue traversée de près de 100 mètres sous la nef, le visiteur fait face à une nouvelle incohérence décorative nous rappelant la richesse des styles architecturaux religieux. Derrière la blancheur du groupe sculpté par Charles Marochetti le Ravissement de Sainte Marie-Madeleine, une mosaique néo-bizantine cercle l’abside : le Christ de la Résurrection apparaît glorifiant, entouré de ses disciples, eux-mêmes séparés par des palmiers de la Palestine au-dessous desquels est inscrit : “Vivat qui Francos diligit Christus” (Vive le Christ qui aime les Francs). Au dessus des carreaux de verres dorés et colorés de la Manufacture de Sèvres, l’Histoire du Christianisme peint par Ziegler entre 1835 et 1837 nous offre une fresque inédite. Autour du Christ, de Marie Madeleine et des apôtres, se rassemblent les personnalités ayant marqué l’histoire de la religion : Constantin, Clovis, Godefroy de Bouillon, Frédéric Barberousse, Jeanne d'Arc, Dante, Raphaël, Pie VII et… Napoléon, en costume de sacre.


Visiter l'Église de la Madeleine revient à effectuer une véritable procession entre les siècles. Entre la Nouvelle Rome rêvée par “l’Empereur de tous les français” et la Monarchie de Juillet, c’est une véritable glorification de l’Histoire de la Capitale que cette balade culturelle offre au regard, faisant de l’édifice un monument unique en son genre. Une réputation qui est également due à la présence d’un orgue monumental au dessus du tambour de chêne de l’entrée sud. Fabriqué par Cavaillé-Coll et sur lequel les plus grands s'exerceront, à l'image de l'illustre Camille Saint-Säens, l’instrument majestueux fait de l’église un les lieux de concert les plus privilégiés de Paris. 


Informations pratiques :
Place de la Madeleine
14, rue de Surène - 75008 Paris
7h-19h tous les jours
M° Madeleine (ligne 8 et 12) Concorde (ligne 1)