Après plus de deux années de rénovation, le Musée National Jean-Jacques Henner a ré-ouvert ses portes. Rencontre avec la collection d’un peintre officiel abritée par un hôtel particulier voisin des demeures d’Isadora Duncan, Claude Debussy, Edouard Vuillard, Edmond Rostand… Plongeon au cœur du charme incontesté du décor parisien, XIXème siècle.

En plein cœur de la plaine Monceau, ce quartier de la capitale ou résidèrent parmi les plus brillantes figures culturelles, un hôtel particulier encore trop secret, abrite l’oeuvre d’un grand maître français de la peinture au XIXème siècle. Ecole des Beaux-Arts de Paris, grand prix de Rome, carrière officielle, l’œuvre de Jean-Jacques Henner nous rappelle ce que fut un grand peintre à l’orée de la modernité du siècle. Surplombant la grande Avenue de Villiers, une façade néo-Louis XIII aux briques rouges faisant écho à celle de la Place des Vosges, nous donne le ton : ci-gît toute la poésie de l’architecture polychrome du XIXème siècle.  



Vue de la scène du jardin d'hiver ©Hartl-Meyer / Salon néo-renaissance ouvrant sur le jardin d'hiver ©Hartl-Meyer  

A l’entrée dans la demeure, le regard plonge directement dans un jardin d’hiver ouvert par un petit salon aux colonnes, surplombé par une verrière illuminant la pièce d’une lumière diffuse et blanchâtre.  Cet espace, qui vient d’être restauré à la perfection, résume à lui seul tout l’esprit de l’époque : divin mariage entre mosaïques orientalistes, vases japonisants, mobilier italien et cadres de bois dorés. Nul ne saurait aisément imaginer la convivialité d’un tel lieu, et la rencontre de ces grandes figures aux redingotes, débattant politique et philosophie. La nouvelle muséographie nous expose tout un panorama de photographies d’archives, mise en abîme de ces âmes qui l’habitèrent dont notamment le peintre Guillaume Dubufe, son précédent propriétaire.

L’hôtel de Nana se trouvait avenue de Villiers, à l’encoignure de la rue Cardinet, dans ce quartier de luxe, en train de pousser au milieu des terrains vagues de l’ancienne plaine Monceau. Bâti par un jeune peintre, grisé d’un premier succès et qui avait dû le revendre, à peine les plâtres essuyés, il était de style Renaissance, avec un air de palais, une fantaisie de distribution intérieure, des commodités modernes dans un cadre d’une originalité un peu voulue. (...)  Mais, comme l’atelier, qui occupait le centre de la maison, ne pouvait lui servir, elle avait bouleversé les étages, laissant au rez-de-chaussée une serre, un grand salon et la salle à manger.”  Emile Zola, Nana, 1880


Vue du salon rouge ©Musée Henner 

Après la montée d’escaliers de bois Hitchcockiens, les trois étages de l’hôtel particulier mettent en lumière une collection de près de 300 oeuvres, objets et documents, témoins de la vie et de la carrière de Jean-Jacques Henner (1829-1905). Jamais pareil journal autobiographique n’aurait été possible sans la donation en 1923 de Marie Henner, veuve du neveu du peintre.

Dans chaque pièce, à chaque étage de la demeure, le nouvel accrochage du fonds nous fait découvrir une période précise de l’évolution d’une œuvre : des croquis et essais d’Alsace, aux commandes officielles. C’est ainsi que l’on découvre les tâtonnements d’un peintre de paysage, croquant ses proches dans son Alsace natale, pour ensuite expérimenter son trait et ses couleurs en copiant les grands maîtres de la Renaissance italienne. Au premier étage, l’espace le plus authentique du lieu serait celui du salon rouge : d’une hauteur sous plafond vertigineuse, des moucharabiehs orientaux dominent les toiles de l’artiste. L’Alsace, elle attend, Le sommeil, Saint Sébastien… A cet étage commence la rencontre avec une œuvre. Après la découverte d’un cabinet de dessins caché à l’intérieur de cette loggia arabisante, une volée de marches nous mène à l’espace le plus fascinant du lieu : l’atelier Gris. L’antichambre dans laquelle Guillaume Dubufe établit son atelier, abritant désormais les études de Jean-Jacques Henner, représente tout ce que l’on attend d’un atelier d’artiste parisien ; sous les toits, les hauts plafonds laissent entrer une lumière claire et diffuse provenant d’une verrière ouverte sur la droite. De-ci de-là, une kyrielle de petits formats, tout autant de croquis de femmes à la chevelure rousse, de Christ au tombeau, études de pommes… Sur le bureau, pastels, palette et tubes de gouaches laissés pour compte, depuis deux siècles…



Vue de l'atelier gris ©Aurélie M.Caillard 

Les maisons d’artistes sont particulièrement prisées par le public pour y faire un incomparable voyage dans le temps, nostalgique de ce que Marcel Proust appelait "l’indestructible regret du passé.” Audrey Azoulay, Ministre de la Culture et de la communication.

Les travaux, décidés par le ministère de la Culture et de la Communication, réalisés sous la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) et la maîtrise d’œuvre de l’architecte Sylvie Jodar, ont su remettre à jour et rendre hommage à un lieu dont la grande famille des musées monographiques parisiens ne demande qu’à se faire connaître plus encore du public. Voyage à travers le temps, au coeur de la plaine Monceau, considéré en ces siècles comme le plus artistique des quartiers d’artistes. Une distinction que l’institution compte bien perpétuer en ce XXIème siècle, en invitant à chaque nouvelle saison un jeune artiste diplômé des Beaux-arts.

Informations pratiques :
Musée National Jean-Jacques Henner
43, Avenue de Villiers - 75017 Paris
Ouvert du mercredi au lundi de 11h à 18h
M° Malesherbes (ligne 3), Monceau (ligne 2), Wagram (ligne 3)