Le Musée de la Chasse et de la Nature reçoit Sean Landers, artiste américain, figure de l’art contemporain et de la peinture figurative. Jusqu’au 10 mars 2024, ses portraits animaliers sont disséminés dans l’ensemble du bâtiment, ils se fondent avec malice dans la décoration des différentes pièces du musée et permettent de découvrir l’œuvre d’un grand artiste. Grands et petits y trouveront matière à s'émouvoir ou à rire devant ces portraits finement réalisés qui trouvent leur place au milieu de leurs acolytes.

Un parcours singulier

Sean Landers ©mildred-forman - Série Plankboy (Pygmalio) 2019, Huile sur toile de lin.

Après les expositions d’Eva Jospin, de Carolein Smit et de Vincent Fournier, explorant des médiums aussi différents que le carton, la céramique ou encore la photographie, le Musée de la Chasse et de la Nature revient à la peinture, avec Sean Landers, né en 1962, tout en poursuivant son ambition de faire découvrir des figures singulières de l’art contemporain, avec toujours pour ligne d’engagement le dialogue entre l’Homme et le Vivant. L’exposition présente une trentaine d’œuvres conservées essentiellement dans des collections privées. Des bronzes compléteront le parcours du visiteur, et deux portraits animaliers ont été spécialement réalisés pour le Musée de la Chasse et de la Nature.

L’ostensible fausse naïveté et la fantaisie trompeuse de cette peinture figurative inspirée de la peinture européenne – celle de l’art du portrait de la Renaissance, celle du paysage romantique du XIXe siècle ou celle des Surréalistes – met en lumière une affirmation tant politique qu’esthétique des choix de l’artiste. Formé à Yale University School of Art dans les années 1980, ses œuvres sont aujourd’hui présentes dans de nombreux musées et collections publiques. Sean Landers explique l’adoption de la figuration comme une prise de position alternative, un chemin dangereux mais dès lors fatalement irrésistible : 

« Faire de l’art figuratif quand j’étais en école d’art, c’était le mauvais choix à faire à l’époque, quand on nous enseignait l’art minimal et conceptuel. On pensait que c’était absurde, risible, et donc évidemment, comment pouvais-je bien y résister ? ».

« Plankboy incarne l’innocence, un peu comme un truc fabriqué par un enfant. J’ai essayé de donner à sa charpente un aspect innocent, un peu à la façon dont j’aurais construit un kart quand j’avais huit ans. (...) Quand je l’ai conçu, je pensais surtout à quelqu’un qui ne parvient pas à se conformer au moule. C’est un morceau de bois usiné, au milieu d’une forêt de bois naturel. Un peu comme un Américain qui retournerait sur la terre de ses ancêtres. »


Le monde animal en miroir de soi

Vues de l’exposition Animal Kingdom – Sean Landers © David Giancatarina, Musée de la Chasse et de la Nature.
The Urgent Necessity of Narcissism for the Artistic Mind, 201, huile sur toile de lin.

Artiste conceptuel, Sean Landers utilise son expérience personnelle comme sujet. Entre biographie et fiction, il met en scène sa vie d’artiste dans un mode d’exposition de soi qui résonne aujourd’hui avec l’exposition ouverte à tous de nos vies sur les réseaux sociaux : artifice, truchement, faux-semblant…

Avec humour et peut-être ironie, il met ainsi à mal l’ego de l’artiste dans The Urgent Necessity of Narcissism for the Artistic Mind (Jaguar), où un jaguar au pelage tartan rose et vert devenu Narcisse, s’abreuve littéralement de son reflet dans une mare. Pour arrière-plan, tel un diorama de musée d’histoire naturelle, une forêt de troncs d’arbres se développe en écho narcissique, gravés du prénom de l’artiste répété à l’infini : Sean, Sean, Sean…

Depuis plus de dix ans, Sean Landers développe sa série d’animaux à la fourrure écossaise. Cette utilisation incongrue du tartan, en trompe-l’œil, se pose en double référence à Magritte : à sa période dite « vache » de 1948 où dans un style volontairement grossier il sape la notion de « bonne peinture » ; et aux pantoufles écossaises que le surréaliste belge portait pour peindre.
Un parcours en dialogue avec les collections du Musée

©mildred-forman
Live & Bang!, 2023, huiles sur toile de lin .
La salle d’exposition temporaire du Musée de la Chasse et de la Nature, au rez-de-chaussée, est entièrement consacrée à cette série, avec une trentaine d'oeuvres.

Ensuite, dans les salles du Musée, en dialogue avec les collections permanentes et notamment avec les animaux naturalisés partiellement redéployés pour l’occasion, le visiteur part à la rencontre d’une parade d’animaux tout autant merveilleux que mystérieux : lion et singe au pelage faux-bois, lapin ou coq fixant avec intensité leurs observateurs pour interroger peut-être leur propre humanité.


Vues de l’exposition Animal Kingdom – Sean Landers © David Giancatarina, Musée de la Chasse et de la Nature.
Lion in Winter, 2019, huile sur toile de lin & Maroon Bells (Deer), 2015, Huile sur toile de lin.

 

L’exposition s’ouvrira à d’autres séries qui ponctuent le parcours artistique de Sean Landers montrant notamment l’extrême importance du texte et de l’écrit dans son rapport au Surréalisme : forêt de bouleaux aux troncs couverts d’écritures entaillées dans le bois ou bibliothèque exposant ses titres fantaisistes comme autant de devinettes ou de confessions de l’artiste.

Sean Landers travaille principalement comme peintre, mais il a également réalisé des sculptures, des photographies, des vidéos et des œuvres audio. Le travail de Sean Landers explore la question de ce qu’est être un artiste contemporain et ce que cela signifie de faire quelque chose qui durera au-delà de la vie de l’artiste. En ce sens, sa carrière peut être considérée comme une exploration durable de cette question, transformant ainsi son œuvre en un ensemble dynamique. 

Le tartan comme fourrure

©mildred-forman

L’exposition est l’occasion de découvrir des créations inédites de Sean Landers, spécialement réalisées pour le Musée de la Chasse et de la Nature. Ces animaux qui portent une fourrure tartan inversent la fonction vitale du pelage : camoufler pour assurer la survie des espèces. Dans l’œuvre de Sean Landers, le tartan les transforme en phénomènes monumentaux, ultra-voyants, impossibles à cacher. Sous la virtuosité de son pinceau, se devine une mise en récit du mythe de l’artiste, et de son narcissisme, narration étayée par le choix de la peinture comme médium. Ce parti pris lui permet de se positionner, non sans humour, dans l’histoire de l’art moderne et de s’interroger sur son propre statut.

Le tartan est gage de l’immortalité de l’animal, de l’œuvre et dès lors de l’artiste : « Je les ai revêtus d’une fourrure écossaise pour les protéger de l’indifférence lors de leur voyage à travers le temps. ». Cette transfiguration de l’animal par le motif tartan lui donne une « hyper-présence » qui peut aussi se lire comme une réflexion sur les aspirations et les vanités de notre époque où chaque individu se contemple, se met en scène, à travers les miroirs numériques que sont les réseaux sociaux.

Le tartan est un trompe-l’œil qui ne cache rien et vient frapper de plein fouet l’hyperréalisme de Sean Landers. La précision de son pinceau, qui compose minutieusement poil après poil, le pelage des animaux, conduit le spectateur à valider la représentation qui lui est proposée. Mais… les poils forment un tartan et le font basculer dans un monde irrationnel, du côté des surréalistes, de Picabia et de Magritte. Comme eux, Sean Landers utilise sa peinture pour explorer l’inconscient et défier la réalité. La référence à Magritte est explicitement celle de la période vache de 1948, où dans un style volontairement outrancier l’artiste belge renverse la notion de « bonne peinture », renversement qu’opère également Sean Landers par le choix de la figuration à une époque où dominait l’abstraction.

Informations pratiques
Vues de l’exposition Animal Kingdom – Sean Landers © David Giancatarina, Musée de la Chasse et de la Nature.

Musée de la Chasse et de la Nature
62 rue des Archives 75003 Paris - Tél. : +33(0)1 84 74 06 48

Commissariat : Christine Germain-Donnat, conservateur en chef et directrice du Musée de la Chasse et de la Nature et Rémy ProvendierCommenne, chargé des collections au Musée de la Chasse et de la Nature.

Autour de l’exposition, le Musée organise des ateliers et des visites pour les enfants et les familles en individuel, ainsi que pour les scolaires. Un cycle de conférences et de projections cinéma complète également la programmation de l’exposition.

Accès Métro : Hôtel de Ville (ligne 1), Rambuteau (ligne 11), Arts et Métiers (ligne 3, 11)
Bus : lignes 69, 29 et 75

Le musée est accessible aux personnes à mobilité réduite.
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h (dernier accès 17h30).
Nocturnes le mercredi jusqu’à 21h30 (dernier accès à 21h) sauf juillet et août.
Fermé le lundi et les jours fériés.

Le Musée de la Chasse et de la Nature à Paris (chassenature.org)