Lovée au cœur de hautes falaises de grès rose, la cité nabatéenne de Pétra fascine les visiteurs. Mais ce joyau archéologique n’est pas le seul site intéressant de Jordanie. Le royaume hachémite recèle également de majestueux vestiges gréco-romains. Mireille Gignoux vous convie à cette découverte.




Amman, entre tradition et modernité


Etablie entre la mer Rouge et la mer Morte, recouverte aux trois-quarts par le désert, la Jordanie égrène des monuments anciens qui témoignent d’un passé riche et foisonnant.

Campé au sein d’une région turbulente, ce petit pays, à la fois pacifique et stable, conjugue tradition et modernité, à l’image de sa capitale Amman, la porte d’entrée de notre escapade.

Dans cette bouillonnante cité, étirée sur dix-neuf collines, s’entrechoquent patrimoine historique et société de consommation. D’un côté, le quartier moderne et cosmopolite, où se dressent des immeubles contemporains, dont l’Abdali Mall très prisé par les locaux. De l’autre, les quartiers anciens aux marchés traditionnels et aux pittoresques ruelles, telle Rainbow Street qui aligne commerces, échoppes d’artisans et petits cafés.






La Rome du Moyen-Orient

Au milieu de cette effervescence urbaine, juchée au sommet de la colline Jabal al-Qala, la Citadelle essaime des vestiges de l’occupation romaine, byzantine, islamique. Les restes des piliers du temple romain d'Hercule, construit par Marc-Aurèle, et le palais d'Umayyad du VIIIe siècle, connu pour son grand dôme, sont les deux incontournables de ce site jadis surnommé la Rome du Moyen-Orient (elle fut membre de la Ligue de la Décapole). De là, la vue panoramique s’ouvre en contrebas, sur l’amphithéâtre romain. Accolé à une autre colline, il accueille toujours près de 6 000 spectateurs lors de performances artistiques. 

Le festival de Jerash

A 50 km au nord d’Amman, Jerash, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2004, séduit aussi les amoureux des vieilles pierres. Beaucoup estiment que Jerash est à la Jordanie ce que Baalbek est au Liban, Leptis Magna à la Libye et Volubilis au Maroc. Fondée par Alexandre Le Grand au IVème siècle avant Jésus-Christ, conquise par Pompée en -63 av. J-C, elle fut également l’une des villes romaines de la Décapole. Ensevelie sous le sable pendant des siècles, l’ancienne Gerasa, redécouverte en 1806 par l’explorateur allemand Ulrich Jasper Seetzen, a été partiellement restaurée au cours des soixante-dix dernières années.

On arpente le Cardo maximus, artère de 800 m de long qui porte sur ses pavés d’origine les traces de rigoles creusées par les chariots romains. On s’attarde devant l’arc de Triomphe d’Hadrien, le temple de Zeus, ou le théâtre sud qui accueille en été des représentations. D’autres monuments ont également repris du service : l’Hippodrome, arène de 245 m de long sur 52 m de large, où se tiennent courses de chars et combats de gladiateurs, et la Place ovale, forum de 90 m sur 80, où est allumée en juillet la flamme du Festival des Arts et de la Culture de Jérash (danses folkloriques, ballets, concerts, opéras, chanteurs populaires).
Pétra, le must du voyage

A trois heures de route au sud d’Amman, la mythique Pétra, qui signifie rocher en grec ancien, fait partie des sites que beaucoup d’entre nous rêvent de visiter une fois dans leur vie. Classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 1985, elle fait partie depuis 2007 des Sept Nouvelles Merveilles du Monde. Fondée par les Édomites au VIIIe siècle av. J-C, elle doit son essor quelques siècles plus tard aux Nabatéens. Ce peuple de nomades d’Arabie particulièrement astucieux avait créé un système sophistiqué de canaux et de citernes pour recueillir l’eau de pluie. Profitant de la position stratégique de la ville sur la route de l’encens, des épices, de la myrrhe et de la soie, il proposait aux caravaniers, qui reliaient la mer Rouge au Levant, d’y faire halte pour se ravitailler en eau et être guidés dans le dédale des gorges. La capitale du royaume nabatéen s’étendait alors sur 10 km². 
Redécouverte par un Suisse

En 64 av. J-C, elle devint une province romaine et continua de prospérer. Mais la mort du dernier roi Nabatéen en 106 et l’ouverture de routes maritimes provoqua son déclin. Vidée d’une partie de ses habitants après trois importants tremblements de terre (363, 419, 551), elle fut peu à peu désertée. Utilisée comme escale par les caravanes du XIII au XVème siècle, elle n’abrita par la suite que quelques bédouins.

Mais en 1812, Johann Ludwig Burckhardt, un orientaliste suisse, se faisant passer pour un expert en droit musulman sous le nom d’Ibrahim ibn Abdulah, a redécouvert la sublime façade sculptée. Depuis, les 26,4 ha du site suscitent l’intérêt des archéologues et des touristes.

Une éphémère floraison d’iris noirs

L’emblématique monument, aperçu notamment dans Indiana Jones et la dernière croisade, se cache au bout d’un chemin étroit et sinueux, mais facile, le Siq. Cette gorge naturelle, flanquée de parois de grès de 70 à 80 m de haut, conduit 1200 m plus loin, jusqu’à l’iconique façade. Doré par les rayons du soleil, cet élégant édifice de 43 m de haut serait le tombeau d’un roi nabatéen. Au VIIème siècle, les bédouins croyaient que l’urne, située dans sa partie haute, renfermait d’importantes richesses; d’où le nom de Al-Khazneh qui signifie Trésor du Pharaon en arabe.

Puis le canyon s'élargit dans un décor de collines sculptées. Difficile d’imaginer dans cet environnement désertique que les artères d’antan étaient bordées de jardins verdoyants. Seuls quelques iris noirs, emblèmes de la Jordanie, fleurissent fin mai-début juin.
Le Trésor vu d’en haut

Dans la Rue des Façades se succèdent tombeaux plus ou moins endommagés par l’érosion, façades hellénistiques, amphithéâtre. Plus loin, la Voie Romaine à colonnades est ponctuée par le Grand Temple et le Qasr al-Bint (palais de la fille du Pharaon). Seul monument non creusé dans la roche, il marque le terme du Main Trail (8 km A-R depuis l’entrée du site). Alentour, quelques maisons troglodytes sont encore habitées par des bergers.





Envie de contempler le Trésor d'en haut ? Empruntez les escaliers de l’Al-Khubtha (1,7 km depuis la Rue des Façades, 50 mn). Le sentier, qui dévoile au passage quatre magnifiques tombeaux royaux, est assez difficile (alternance de terre et de marches parfois effacées). A l’arrivée, face à la spectaculaire perspective, on sirote un thé à la cardamome devant l’échoppe d’un bédouin.



Des moines à l’époque byzantine

Cette « cité vermeille, moitié vieille comme le temps » comme la décrivait le poète John William Burgon, compte d’autres vestiges intéressants, tel le Deir (monastère en arabe). A proximité du restaurant le Basin, 850 marches taillées dans le roc (quelques passages un peu raides; 50 à 60 mn) conduisent à cet imposant monument de 47 m de haut, dont la façade rappelle celle du Trésor. Ce temple était lié au rite funéraire d’un monarque nabatéen déifié. A l’époque byzantine, il a accueilli des moines, comme l’attestent les croix dessinées sur le mur du fond de la grande salle. En fin d’après-midi, la vue sur le désert du Wadi Arabah est magique. Mais il faut prévoir du temps pour regagner l'entrée du site avant la fermeture.

Autre option pour prendre de l’altitude, le Haut Lieu du Sacrifice. Également depuis la Rue des Façades, en amont du Théâtre, le High Place of Sacrifice Trail (un peu raide au départ, 700 marches dont certaines érodées, 40 à 50 mn) rejoint une vaste esplanade, où se dresse un autel. Il était destiné aux sacrifices d’animaux, des rites cultuels dédiés au dieu Dushara, le plus important du panthéon nabatéen. Le panorama est également époustouflant sur l’ensemble de la cité.

 
Little Pétra

Également classée au patrimoine de l’Unesco, Petite Pétra était jadis le faubourg de la capitale nabatéenne. Plus petit et moins fréquenté, ce site donne un aperçu de la vie quotidienne au temps de la prospérité. On y accède par un canyon exigu de 400 m, un Siq miniature, où le soleil ne pénètre jamais, d’où son nom Siq al-Barid (canyon froid). Outre des temples sculptés dans le grès rouge, accessibles par des escaliers, on découvre des bâtiments rupestres qui abritaient des habitations à usage résidentiel ou commercial. Tels les quatre tricliniums, édifices à colonnades, à l’intérieur desquels trône une table entourée de trois lits disposés en U, où les convives se restauraient allongés. Sur le même principe, un biclinium, conçu pour deux, baptisé la Painted House, présente au plafond des peintures d’oiseaux, de fleurs et de vignes peintes. Une illustration de l’art pictural de Petra !   


PRATIQUE

La compagnie Royal Jordanian assure désormais un vol direct bi-hebdomadaire Lyon Saint-Exupéry-Amman, en plus du vol quotidien au départ de Paris-CDG.
www.rj.com

. Hôtel Grand Hyatt Amman, 5-étoiles aux chambres contemporaines égayées de touches orientales.
www.hyatt.com/fr-FR/hotel/jordan/grand-hyatt-amman

. Petra Moon Luxury Hôtel, le plus récent des 5 étoiles, face à l’entrée du site. Piscine sur le roof-top.
www.petramoonluxury.com

. Lebanese Um Khalil Restaurant, Debbin street, Jerash. Pour partager mezzes et brochettes dans le patio.
. Restaurant Le Sufra, Al Rainbow Streeet 26, Amman. Cuisine et décor oriental. L’une des meilleures adresses de la ville.
. Restaurant Le Basin, Colonnaded Street. La seule table à l’intérieur du site. 
. Le Jordan Pass combine visa d’entrée obligatoire et accès aux sites touristiques. www.jordanpass.jo
. Office du tourisme de Jordanie : visitjordan.com

. Les indispensables : chapeau, crème solaire, gourde d’eau, chaussures de marche.
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