L’homme arbore un large sourire lorsqu’il m’accueille dans ses bureaux de la société SALPA (Société alsacienne de participations agroalimentaires) situés à Geispolsheim près de Strasbourg, sur la route alsacienne du chocolat. Jean-Paul Burrus me raconte son histoire, celle d’une famille garante d’une tradition d’exigence et d’excellence, et qui a su développer un empire où la gourmandise est saluée sous toutes ses formes. Ensemble, nous allons voyager entre la France, la Suisse et l’Equateur et déguster chocolat, thé, café et noisettes, entre autres. Ecoutons-le raconter à Hélène Feltin un véritable savoir-faire au service de l’art de vivre alsacien.

         


Comment l’aventure SALPA a-t-elle commencé ?

C’est avant tout une histoire de famille. Lorsque je suis né en 1954 à Saint-Dié-des-Vosges, la chocolaterie Omnia était presque à la maison. Nous allions manger du chocolat à l’usine. C’était un jeu délicieux. La vie à la maison était liée et vivait au rythme du chocolat. J’ai fait mes études à Mulhouse, puis à HEC Lausanne où j’ai occupé un poste d’assistant marketing. En 1968, mon père Paul Burrus rachète la Chocolaterie Schaal située dans le quartier de La Petite France à Strasbourg. En 1977, je rejoins l’entreprise familiale à la demande de mon père et occupe de nombreuses fonctions « afin de savoir faire fonctionner toutes les machines ». Successivement Directeur Commercial, Directeur Technique et Directeur Général en 1990, l’homme a déjà en tête des ambitions de développement et d’innovation. L’entreprise est dynamique : « Nous faisions trois cents tonnes de chocolat et nous employions deux cents personnes, avec une distribution entre pâtissiers, chocolatiers et confiseurs ». En 1997, il donne un coup d’accélérateur en créant la société SALPA, une holding qui coiffe les marques Chocolaterie Schaal, La Marquise de Sévigné et le Chocolat Salavin dont un certain nombre de magasins rejoindront l’enseigne Yves Thuriès. En 2000, il élargit l'offre en achetant la chocolaterie Pfister en Suisse. Belco voit le jour en 2007 à Mérignac : SALPA y rentre comme actionnaire minoritaire en 2009 et en rachète le solde en 2014; l'entreprise a pour vocation la sélection, l'importation et la distribution de cafés verts. En 2008, il ouvre la branche Thés avec Michel Ducros de Fauchon : « C'était assez logique car Schaal, après la première guerre mondiale, avait une usine de thés en Angleterre qui s'appelait La Compagnie Française des chocolats et thés Lucien Schaal ».

        

Soucieux d’apporter le meilleur du terroir, il achète en 2001 une plantation de noisetiers en Guyenne (Nouvelle Aquitaine) et en 2014, une première plantation de cacaoyers voit le jour en Equateur qui en compte aujourd’hui quatre. Comme le dit Jean-Paul Burrus, la politique de SALPA s’appuie sur trois piliers qui nous rendent différents des autres :  « Nous sommes 100% autonomes de nos matières premières. Nous contrôlons ainsi les sources de nos matières premières pour satisfaire aux exigences de qualité en matière d’environnement. Nos équipes sont passionnées et mettent tous leurs talents au service de la société. Enfin, l’innovation au service du client nous accompagne tous les jours ».
En 2020, SALPA poursuit ses investissements en rachetant en novembre la prestigieuse confiserie Cruzilles, une référence en matière de création de pâtes de fruits et de fruits confits.
Depuis son bureau de Geispolsheim, Jean-Paul Burrus contribue à promouvoir le meilleur du goût et de la gourmandise à travers le monde avec plus de mille collaborateurs en France et Equateur.

      


Famille Burrus : des générations animées par l’innovation et le savoir-faire

Une légende raconte qu’un chevalier romain Sextus Afranius Burrus occupait un poste de préfet du prétoire à Rome. On retrouve aussi les Burrus à Milan au Moyen Age avant qu’ils ne s’installe en Alsace à Dambach-la-Ville au XVème siècle. Bâtisseurs et industriels importants, une branche se lance dans les manufactures de tabac tandis que l’autre se développe dans le secteur de la chocolaterie. Déplacés, expulsés et dépossédés pendant les guerres entre la France et l’Allemagne, les Burrus sont accueillis par leurs cousins à Lausanne. C’est là que l’on rencontre Fernand Burrus par qui va débuter la saga du chocolat. En 1912, il rentre en France, installe sa famille au Château de Blâmont (ancien palais de Christine du Danemark en Meurthe et Moselle) et y construit une chocolaterie qui propose les marques Omnia, Montbla et Fiat. On peut d’ailleurs lire dans l’Est Républicain : « Cette usine, pourvue des meilleures machines spéciales à la fabrication du chocolat et cacao, peut satisfaire dans le plus bref délai les commandes de ses clients ». Obligé de quitter Blâmont occupé par les allemands en 1914, Fernand Burrus ne recréa jamais la chocolaterie de Blâmont, il s'installa cependant à Saint-Dié sous l'appellation « Chocolats Omnia - F. Burrus ».
C’est son fils Paul Burrus qui reprend le flambeau en rachetant la Chocolaterie Schaal et en fondant en 1967 la Compagnie Française de Chocolaterie et de Confiserie (CFCC) et la Compagnie Chocolat et Confiserie de Luxe (CCL). Trente ans plus tard, son fils Jean-Paul fonde SALPA. Aujourd’hui encore, l’histoire se répète et s’enrichit puisqu’aux côtés de Jean-Paul Burrus, son fils, Jean-Philippe est à la tête de SALPA restauration. Pionnière dans le chocolat, la famille Burrus transmet donc depuis des générations innovation et savoir-faire.

 

      
        
Hacienda San Fernando

 

SALPA, quatre métiers autour du chocolat, du thé, du café, de la noisette

Garante d’une tradition d’exigence et d’excellence, la famille Burrus a développé un véritable savoir-faire au service de l’art de vivre alsacien : « La diversification est une histoire de famille », m’explique Jean-Paul Burrus. « Mon grand oncle avait une entreprise agricole, le château de Hombourg, cinq cents hectares de terres agricoles avec une production principale de céréales telles que le maïs et le blé, mais aussi du colza, du soja et du blé dur. En 2020, ce sera le début de la production de céréales en agriculture biologique sur ces terres du bord du Rhin ».
Dans la branche Thé, Le Comptoir Français du Thé s’engage dans une nouvelle relation avec le consommateur en introduisant la notion de terroir et de thés biologiques. Pour HERBAPAC, SALPA met en place des techniques de production les plus avancées et des méthodes de contrôle rigoureuses comme le nettoyage aux rayons X.
Il me raconte aussi qu’il va démarrer dans quelques semaines du chocolat Bio dont les fèves proviennent de son hacienda San Fernando en Equateur. Le rachat de Cruzilles lui donne l’idée de se lancer dans la création de vergers et la production de fruits : « Etant donné que nous travaillons dans les fruits, je veux faire la même chose qu’avec le chocolat et le cacao. Je veux pouvoir dire que les pâtes de fruits et les fruits confits sont issus de nos vergers et garantir ainsi leur traçabilité. Je réfléchis donc pour planter des mirabelles ou des quetsches en Alsace, mais aussi des amandiers, des abricots, des cerises. En Equateur, je vais produire des fruits de la passion. Cela me permettra aussi de livrer nos restaurants en fruits goûteux ».
Pour ses pépinière et noisetiers de Guyenne, il poursuit les mêmes ambitions : en octobre dernier, SALPA a mis en place une nouvelle activité de cassage qui lui permet ainsi de devenir l’un des acteurs français majeurs de la culture et de la transformation de la noisette en France. Comme Jean-Paul Burrus le dit lui-même « Je suis en perpétuel mouvement ».


     


Parlez-moi du pôle Tourisme

Naturellement, le chocolat occupe une place de choix lorsque Jean-Paul Burrus ouvre en 2003 le Musée du Chocolat : « Près de quarante mille visiteurs par an. Nous venons de le refaire entièrement autour de la fabrication du chocolat. Et, tout à côté, nous avons ouvert le restaurant Les Secrets des Grands Express. Il y a également quelques années, j’avais imaginé le TGV du chocolat ».
En Guyenne, c’est presque par hasard qu’il acquiert Le Château La Grave Béchade pour agrandir son exploitation agricole. Il veut planter plus de noisetiers mais l’ancien propriétaire veut tout vendre ou rien. Jean-Paul Burrus l’achète et garde vingt hectares de vignes pour le cachet du château. Puis, il plante des noisetiers, 1,5 hectares de chênes truffiers. En 2021, il veut planter un jardin fruitier : « pas pour produire, non, pour faire découvrir aux visiteurs et à nos amis, les noix, les pistaches, les amandes, les abricots, dans une démarche de protection environnementale et pédagogique ». Le Château La Grave Béchade se loue aussi pour des événements oenotouristiques ou « pour recevoir nos clients, nos collaborateurs, comme à la maison, pour vivre des moments de partage, de convivialité ». Des moments exclusifs où l’on peut aussi déguster le vin du château, un Côte de Duras, que l’on retrouve aussi dans sa propriété en Equateur.
Au Domaine de Hombourg, dans cette propriété agricole où Jean-Paul Burrus allait jouer avec ses cousins, il a développé un golf et son club house. En 2007, en partenariat avec un exploitant allemand, il trace deux parcours de 18 trous dans un magnifique écrin forestier. Avec ses cent-vingt hectares, le golf devient l’un des plus grands de l’est de la France. Enfin, dès 2015, il se lance dans la restauration et reprend plusieurs restaurants qui sont aujourd’hui sous la direction de son fils Jean-Philippe. Il ajoute en souriant « il y en aura d’autres, pourvu qu’ils se trouvent en Alsace ». Jean-Paul Burrus aime décidément les challenges, le contact, les relations humaines et faire plaisir.

     

Domaine de Hombourg                                                                                     Château La Grave Béchade


Votre fils Jean -Philippe est à vos côtés. Quel est son rôle dans la société ?

Comme Jean-Paul Burrus ne cesse de le répéter, SALPA est une histoire de famille et de passions : « Je suis un épicurien, j’aime les bonnes tables, je passe beaucoup de temps derrière les fourneaux, j’aime les voyages culinaires et las voyages tout court. Alors, quand mon fils Jean-Philippe m’a parlé de créer un pôle restauration, j’ai dit oui ».
Tout droit sorti de l’école hôtelière Glion, Jean-Philippe s’investit dans la transformation du Musée du Chocolat et de sa table Les Secrets des Grands Express installée dans une voiture-restaurant datant de 1928. Il accompagne la Maison Artzner, véritable ambassade du foie gras en plein cœur de Strasbourg. Sans oublier les prestigieux restaurants que sont Le Relais de la Poste, Au Crocodile (1* Michelin) ou encore Chez Yvonne qu’il vient de reprendre et qui attend impatiemment de rouvrir ses portes. Voilà donc des projets gourmands à découvrir dans nos prochains articles.

         

Au Crocodile                                                                                                          Maison Artzner

 

Quelle est votre définition du luxe ?

Quand je pose cette question à Jean-Paul Burrus, je vois ses yeux pétiller. « Pour moi, le luxe est épicurien : la Table, les voyages, le confort » Et il ajoute « J’ai visité plus de quatre-vingt pays, ils sont tous beaux, mais l’Alsace est une région que j’aime, tout particulièrement, ainsi que la Suisse. Ce sont nos origines ».

www.salpa.fr