Chamberlan, c'est une histoire comme nous les aimons à la rédaction du magazine Attitude Luxe. Une histoire née du hasard, faite de rencontres, de passion, de détermination, dans laquelle des personnes de tous horizons se sont investies pour donner forme à une aventure qui fait sens. Cette jeune entreprise crée de beaux produits, avec la réalisation de chaussures sur-mesure, de celles dans lesquelles nos petits pieds sont heureux !

Sophie Engster et Franck Le Franc ont associé toute leur énergie et leur talent pour mettre à l'honneur des savoir-faire qui font briller notre aura à l’international. Toutefois... il était temps puisque le métier de bottier est proche de disparaître. En effet, il n’existe désormais plus de formation initiale, seule la transmission des anciens vers les plus jeunes peut sauver ce patrimoine, prêt à s'enliser dans l'oubli et l'indifférence générale. 

Portrait
Sophie Engster a travaillé dix ans chez LVMH et a évolué dans les domaines du marketing, du e-commerce et de la CRM.  Quelque temps après, elle est devenue maman. Au début de l'été 2016, à la crèche où elle déposait son enfant, elle a rencontré Franck Le Franc. Dans la discussion, Sophie s'est plainte d'avoir mal aux pieds ; Franck pensa alors qu'à l'ère de l'offre personnalisée et des nouvelles technologies qui entrent dans toutes les sphères de notre vie, il devait exister des moyens pour y remédier...

Jugeant cet état de fait surprenant, alors que chacune à des pieds particuliers et de surcroît un pied gauche et un pied droit qui le sont également, c'est sur le ton de la plaisanterie qu'ils ont continué à en discuter. Pour finir, ils en arrivèrent à se dire qu'ils pourraient développer une application smartphone qui prendrait les mesures des pieds pour faire des chaussures sur-mesure !
Le temps des vacances cette idée continua à trotter dans la tête de Sophie Engster qui rêvait depuis longtemps de "monter sa boîte", mais il lui manquait "la bonne idée" qui pourrait être le déclencheur. Sophie et Franck se sont revus en septembre et ont décidé de se donner quatre mois pour faire leur étude de marché et apprécier s'ils étaient capables de travailler ensemble car, en fait, ils ne se connaissaient pas suffisamment. C'est alors qu'ils ont découverts qu'ils étaient parfaitement complémentaires puisque Franck travaillait dans la finance, il avait l'habitude de côtoyer des dirigeants de PME, et d'analyser les phases de risques financiers. Un beau duo Marketing / Finance !

L'étude de marché a duré ... un jour ! Sans doute la plus courte que Sophie n'ait jamais eu à faire, car il y avait très peu de bottiers à interroger. Un par un, elle a contacté ceux qui restaient pour comprendre comment se passaient la prise de mesure, la personnalisation et la livraison. Les résultats furent effarants : en moyenne, un an de délai de livraison, sachant que pour les bottiers les plus célèbres, il y avait un an d’attente pour avoir un rendez-vous avec l'atelier de fabrication, avec au moins une année d'attente avant que les chaussures commandées ne soient prêtes à être essayées. En termes de tarifs, pour les moins célèbres, et avec un moindre niveau de qualité, les premiers prix avoisinaient 1 500 €. Pour une belle paire d'escarpins classiques, il fallait plutôt compter 2 500 à 4 000 €. 

Ces résultats ont fait penser à Sophie et Franck qu'il devait être possible de faire différemment ; ils ont donc commencé à travailler sur un projet d'application smartphone de prise de mesures pour atteindre une clientèle très large, sans être obligé d'avoir une boutique où les clientes devraient se déplacer. Ils ont travaillé avec un grand institut de recherche français et leur application est aujourd'hui à un niveau de précision d'un demi-millimètre. Du coup, cette prise de mesure est plus précise que celle d'un bottier et tout le monde peut s'en servir facilement. Au départ, ils se sont mis en quête d'un sous-traitant en France pour fabriquer les chaussures, mais ils n'ont pas trouvé. Car, en fait, pour fabriquer des souliers uniques, il faut être équipé un peu différemment car le sur-mesure perturbe les chaînes de production. Décision alors a été prise de monter leur propre atelier.
Sophie et Franck ont sillonné la France afin de trouver le meilleur endroit pour l'installer et une région où il y avait encore du savoir-faire. A Roman sur Isère, site historique pour la fabrication de chaussures, aucune entreprise ne s'est manifestée alors qu'à Cholet, du côté de Limoges, et en Dordogne, ils ont rencontré des personnes très réactives. Et notamment en Dordogne où ils ont pu échanger avec les représentants d'un organisme appelé Périgord Développement, qui accompagne les jeunes créateurs en leur apportant toutes les solutions pour s'implanter et faire naître leur projet. Tout de suite tous les partenaires leur ont été présentés : Pôle Emplois, Opcalia pour la formation, le Responsable régional de la Fédération de la Chaussure, tous ces intervenants leur ont fait visiter des locaux, fait rencontrer le Maire, le sous-Préfet, les députés de la Dordogne !

Toute cette bienveillance et cette énergie, associées à la ville de Montrond, qui accueille déjà trois ateliers Hermès et la sellerie CWD -qui fait des selles sur mesure- ont contribué à leur prise de décision d'installer leur atelier de fabrication à Montrond. Alain Rousset, le  Président de la région Nouvelle-Aquitaine a à cœur d'accueillir sur sa région des entreprises qui allient innovation, tradition, savoir-faire, luxe et il a créé un Pôle d'excellence des savoir-faire dans la petite ville de Thiviers pour former les employés de CWD et de Repetto, qui n'est pas très loin. Sophie et Franck ont recruté une équipe de six personnes qu'ils ont formé au standard de l'excellence et ensuite ils ont travaillé sur l'industrialisation du savoir-faire bottier. Grâce à tout ce travail Chamberlan peut proposer aujourd'hui des souliers haut de gamme, sur mesure, mais à un prix situé entre 500 et 800 €. Bien sûr, pour tenir ce tarif, il a fallu trouver des gains de productivité dans le processus de fabrication.  
Franck nous parle avec énergie de leurs ateliers : 

"Nous sommes équipés avec des tables de découpe numérique. Par ailleurs, quand nous récupérons les données des clientes, nous avons mis en place une application qui nous permet de modéliser et de s'adapter aux mesures de la cliente. Tout ce travail se fait en 3D, ce qui nous permet, là aussi, de gagner en temps mais également en précision. Pour ensuite travailler les formes traditionnelles en bois, nous avons des fraiseuses numériques pour usiner toutes les formes, qui sont en bois de charme ; elles sont dégrossies à la scie à rubans et ensuite finies et vérifiées à la main. Ainsi, nous mixons un travail d'innovation et de tradition."

Pour finir, chaque cliente a sa propre paire de formes, mais elle doit être refaite pour chaque hauteur de talon afin d'avoir une cambrure adaptée. Ensuite, le travail du coupeur intervient. Celui de Chamberlan a trente-cinq ans d'expérience, il sélectionne les peaux, les valorise en les examinant pour repérer les éventuels défauts, et il les découpe en contournant les veines. Le piquage est traditionnel, puis vient le temps du montage pour lequel l'atelier est équipé de machines identiques à celles utilisées par Weston ou Repetto. Alors qu'un monteur réalise trois à quatre paires de chaussures par jour, cette machine procure un gain de temps pour une qualité identique. 


















Le temps des questions 

 
Quand une cliente passe commande sur votre site, en combien de temps est-elle livrée ?
Nous avons établi un délai de sept semaines. Comme nous proposons beaucoup de matières et de couleurs différentes, nous avons besoin d'un certain temps afin d’être livrés par nos différents fournisseurs des matières sélectionnées par la cliente. Nous devons aussi retravailler à la main les semelles de chaque paire commandée car nous avons des quarts de pointures et nous proposons neuf largeurs. Ces prestations sont très appréciées par nos clientes car certaines ont un hallux valgus. Cette déformation du gros orteil s'est beaucoup développé avec le port de chaussures à bouts pointus et de chaussures sans tenue, avec de très hauts talons. Cette pathologie peut être extrêmement douloureuse à l'appui, aussi le sur-mesure apporte-t-il une solution très efficace à nos clientes qui peuvent à nouveau marcher avec des talons sans souffrir. 

Au niveau des peaux, comment vous sourcez-vous ?

A l'origine, nous souhaitions travailler avec des tanneries françaises, mais nous nous sommes rendu compte qu'il en restait très peu et que, de surcroît, elles étaient plutôt spécialisées dans la maroquinerie, activité qui nécessite des cuirs beaucoup plus épais. En chaussure, nous avons besoin de peaux plus fines. Nous travaillons la chèvre, pour tout ce qui est cuir lisse, et le veau. Nous avons fini par trouver des entreprises italiennes. Ce sont des tanneries de grandes qualités qui fournissent des noms comme Jimmy Choo, Louboutin, Hermès, Gucci... De plus, ces fournisseurs acceptent de nous fournir les peaux en fonction de nos commandes ! Ce qui est parfaitement adapté à notre modèle et à son économie. 
Tout le reste est produit en France : les talons, les semelles, les boîtes à chaussures… Dans notre atelier, nous réalisons toutes les étapes de fabrication, notre application a été développée par un Institut français. Le travail sur les mesures est fait à Paris puis l'atelier prend la relève pour toutes les autres étapes. 

Avez-vous rencontré des investisseurs pour vous soutenir dans cette aventure ?

Au début, nous avons travaillé sur nos fonds propres, puis nous avons été accompagnés par le département de Dordogne et la Région Nouvelle Aquitaine pour nous aider essentiellement sur la formation du personnel et nous venons de lever des fonds avec un business angel. Au-delà de l'aspect financier, il nous apporte beaucoup de conseil et d’aide pour la mise en place de notre stratégie.  
Aujourd'hui, nous avons déjà un taux de rachat de plus de 30% et les avis des clientes sont très positifs. 
Il y a deux ans, nous avons rencontré Fred Omolan qui a été le maître bottier de Louboutin, dont il a dirigé l'atelier de commandes spéciales pendant dix ans. Ses clientes étaient les princesses et stars du monde entier ! En fait, avec Franck, nous nous étions dit que c'est une personne comme lui dont nous aurions besoin pour faire avancer l'aventure. Comme j'avais vu une vidéo sur les métiers d'arts dans laquelle il parlait de son métier, je le connaissais physiquement et, un soir à Paris, nous l'avons croisé ! Du coup, j'ai tenté ma chance et l’ai interpelé. C'est quelqu'un de très sympathique et nous avons pu parler un bon moment avec lui. D'entrée de jeu, il a trouvé notre projet formidable et d'autant, nous a-t-il dit, que le métier de bottier est en train de disparaître. Il est important de le valoriser et surtout de transmettre son savoir-faire. À la fin de notre entretien, je lui dis que j'imaginais qu'il était toujours chez Louboutin et c'est alors, qu'à mon plus grand étonnement, il me répondit que, justement, il en était parti hier !
Il est venu la semaine suivante au bureau et nous avons pu échanger avec lui sur les difficultés que nous rencontrions et il a accepté d'être notre conseil.
Désormais, il vient toutes les deux semaines et il a formé les personnes de l'atelier. 

Comment avez-vous choisi votre logo ? 

Notre logo est en adéquation avec notre concept. Ce double huit, nous l'avons dessiné avec Franck, il symbolise l'infinité de personnalisations que nous offrons à notre clientèle. Pour le nom, nous cherchions quelque chose en lien avec la chaussure, aussi avons-nous fait des recherches dans de vieux dictionnaires et nous avons trouvé un métier qui a disparu, le métier de chamberlan ou de Chamberlain, qui qualifiait des artisans d'art qui étaient en chambré pour le compte de bottiers et qui travaillaient à la main. De nos jours, les écoles qui proposent de la formation sont principalement axées sur le stylisme mais pas sur le métier de bottier : les jeunes font un BTS Chaussures, mais ils ne savent pas patronner. Par conséquent, il est compliqué de recruter des personnes qui ont une formation complète.Malgré tout, aujourd'hui, à la fabrication nous employons huit personnes. 


Combien de modèles proposez-vous sur votre site et qui sont vos clientes ?

Deux types de modèles sont présentés sur notre site, avec des déclinaisons à choix multiples. Nous avons également de nouveaux modèles en collaboration avec Elise Hamo qui crée des robes de mariées. Nous avons un modèle de bottines en veau blanc avec un talon à paillettes et un autre avec un talon doré, qui rencontrent beaucoup de succès. Avec quatre tailles de strass et deux couleurs, nous comptons de multiples possibilités de modèles. 
Par ailleurs, les passe poils sont fait à la main, ce qui permet aux clientes de choisir exactement les couleurs, soit assorties à celles du cuir sélectionné, soit en total contraste, tout est possible, même le fluo ! Nous pouvons aussi intégrer un message secret sur la semelle, comme le "I do" pour personnaliser la chaussure de la mariée. 
Le modèle Montmartre se décline en Ballerine et en trois autres propositions avec des talons de 5, 7 et 9 cm. Et nous avons deux nouveaux modèles de sandales en cours de développement. Nous travaillons aussi sur la cambrure pour offrir un vrai confort du chaussant.
La moitié de nos clientes sont de futures mariées, accompagnées de leur maman ou de la maman du marié, aussi avons-nous un stand mariage éphémère au magasin du Printemps. Nous avons un large panel : de la jeune femme jusqu'à des femmes de plus de 83 ans ! 

Ces passe-poils semelle sont très élégants, mais n'est-ce pas fragile ? 

Afin de les protéger, ainsi que les lisérés, nous recommandons à nos clientes de faire poser une demie-semelle en patin gomme. C'est une prestation que nous proposons sur notre site, car il est devenu difficile aujourd'hui de trouver un cordonnier qui puisse coordonner les couleurs de nos passe-poils aux demie-semelles, avec un travail de qualité. 

Quels sont les trois mots qui caractérise le plus Chamberlan ?

Personnalisation, made in France et sur-mesure. 
     

www.chamberlan.fr