Cet été, et jusqu’au 6 octobre, l’Hôtel de Caumont, à Aix-en-Provence présente une formidable exposition sur Pierre Bonnard (1867-1947), démontrant l’influence de l’art japonais et de son esprit sur le peintre Nabi. L’occasion de découvrir des toiles rarement ou jamais exposées en France, offrant un parcours riche et poétique agrémenté d’œuvres japonaises.

L’avènement du japonisme


Pierre Bonnard assis sur le seuil de sa maison avec Renée, Charles, Jean et Robert, Vers 1899, Musée d’Orsay.

Cette exposition a pour objectif de montrer comment Bonnard – celui que l’on surnommait autrefois le « Nabi très Japonard » – a intégré dans son traitement de l’espace, du temps et du mouvement, l’esthétique de l’art japonais, pour créer des œuvres en rupture avec le naturalisme et l’impressionnisme.

C’est l’exposition d’estampes japonaises, à l’École des Beaux-arts au printemps 1890, agit comme un révélateur sur Bonnard. Dès lors, son style est véritablement empreint de japonisme, terme forgé en 1872 par Philippe Burty pour définir l’impact du Japon sur les arts occidentaux.

Les tableaux du peintre français sont exposés en regard d’estampes japonaises issues de la riche collection de Georges L eskowick que la commissaire d’exposition, Isabelle Cahn a réussi à convaincre de prêter ses plus belles œuvres japonaises. Une formidable façon d’illustrer leurs correspondances et leurs affinités formelles, ainsi que l’importance de cette source d’inspiration pour l’artiste.


Utagawa Hiroshige, Prince et femme dans un verger de pruniers en fleurs (détail central), 1853, Estampe, Collection Georges Leskowicz, © Fundacja Jerzego Leskowicza.

La force de la couleur

Visuel : Pierre Bonnard, Terrasse dans le Midi, vers 1925, collection des Fonds Glénat, Grenoble © akg-images _ Fine Art Images_Heritage Images

Pierre Bonnard développe un rapport esthétique à ce qui l’entoure très fort. L’un de ses sujets favori est la femme, la parisienne, dans un cadre urbain, Il peint souvent sa compagne Marthe. Il adorait également les chiens et les chats, étant très timide, ils les considérait comme ses confidents, dans ses tableaux on ressent toute la tendresse qu’il éprouve pour eux.

S’il peignait très lentement, les œuvres de Bonnard vibrent intensément, ce maitre des couleurs était très ami avec Matisse, la couleur est un sujet qui les aimantait tous les deux. La découverte du midi de la France va aussi lui permettre de développer encore plus fort sa relation à la couleur.

Le temps suspendu

 

Katsushika Hokusai L’Envers de la grande vague de Kanagawa, Série « Trente-Six Vues du Fuji », Vers 1831, Estampe, 26,1 x 38,8 cm, Collection Georges Leskowicz, © photo Thierry Ollivier _ © Fundacja Jerzego Lesk

Dès le début de l’exposition, la commissaire d’exposition, Isabelle Cahn, fait un parallèle entre « La grande vague », peinte par Katsushika Hokusai,  qui symbolise la puissance de la nature et l’affiche France Champagne réalisée par Bonnard dans laquelle on voit qu’il utilise la même technique que les peintres japonais en se servant du blanc du papier en réserve pour représenter la mouse du champagne, de la même manière que Hokusai, pour représenter l’écume et les griffes de la vague. Bonnard travaille en jouant sur les pleins et les vides, qui sont aussi très présents aussi dans la calligraphie.

Dans les tableaux du maître il n’y a pas de narration, il nous place dans un temps suspendu, correspond à l’esprit japonais. Le maître est sensible à la pensée bouddhiste sur l’impermanence du temps et l’impossibilité de l’arrêter ainsi que sur le fait que la réalité soit illusion. En 1936, Pierre Bonnard définit la peinture ainsi : « L’œuvre d’art : un arrêt du temps ».  Et ce, en correspond ce avec son désir d’interpréter les saisons. Dans ses agendas de poche (consultables sur internet) chaque jour il note le temps qu’il fait et y réalise beaucoup de dessins et écrit des réflexions sur sa peinture. Pour lui on ne peut saisir la réalité que dans ses phénomènes éphémères, comme le changement de la lumière ou encore de saison. En 1909, il découvre la côte d’azur, il souhaite sortir des paysages urbains pour saisir ces phénomènes éphémères.il simplifié évocation sa palette évolue très bien illustré par « La terrasse dans le Midi ». Ici la perspective est étagée de bas en haut, comme dans les œuvres japonaises.

Comme dans l’art japonais Bonnard utilise beaucoup le renversement des valeurs afin de déconstruire notre regard sur la vie.

Informations pratiques

Femmes au jardin-1890-1891, Pierre Bonnard-Paris, musée d’Orsay Photo © RMN-Grand Palais

Hôtel de Caumont Centre d’art
(À quelques pas du Cours Mirabeau)
3, rue Joseph Cabassol
13100 Aix-en-Provence

Exposition Bonnard et le Japon, jusqu’au 6 octobre 2024

Tous les jours de 10h à 18h, dernière admission 30 minutes avant la fermeture du musée.

Parking Mignet : 5 avenue Malherbe 13100 Aix-en-Provence

 www.caumont-centredart.com

Visuel de la rubrique : Pierre Bonnard, L’Amandier en fleurs, vers 1930, Huile sur toile, 51,1 x 34,9 cm, Musée Bonnard, Le Cannet, Don de la Fondation Meyer pour le développement culturel et artistique, 2014, © musée Bonnard, Le Cann


1/ Pierre Bonnard, Nu à la lumière, 1908, Huile sur toile, 115,5 x 63,2 cm, MAH Musée d'art et d'histoire, Ville de Genève. Legs Vassily Photiadès, Lausanne, 1977, Photo _ akg-images.
2/ Pierre Bonnard, Nu gris de profil, vers, 1933, Huile sur toile, 114 x 61 cm, Musée Albertina, Vienne, La collection Batliner, Photo _ akg-images.

    

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