Le musée du quai Branly - Jacques Chirac rend pour la première fois hommage à Félix Fénéon, figure centrale du monde intellectuel et artistique au tournant du XXe siècle. Critique d'art, éditeur, directeur de galerie, collectionneur de peintures et d'arts "lointains", il œuvra pour la reconnaissance des arts non-occidentaux. Au travers d'une sélection d’œuvres majeures qu'il a aimées, défendues et collectionnées tout au long de sa vie, l'exposition révèle l'importante de sa collection et rend compte de son regard visionnaire.

Fénéon est une personnalité hors du commun, qui a une vision décloisonnée de l'art. 

Le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, avec l'exposition Félix Fénéon (1861 - 1944) Les Arts lointains, s'intéresse au "collectionneur" et à son rapport à sa collection d’art africain. 

Le Quai Branly ouvre le premier chapitre à l'hommage - enfin - rendu à cette figure centrale du monde intellectuel et artistique au tournant du XXème siècle et sera suivi par les musées d'Orsay, et de l'Orangerie, qui retracera le parcours de la première partie de sa vie. The Museum of Modern Art, New York, présentera en 2020 une synthèse de ces deux expositions. 

Cet homme, qui a joué un rôle très important dans l’art moderne, est un paradoxe. Anarchiste, directeur de revues, découvreur de talents, marchand d'art, journaliste, collectionneur, Fénéon est aussi très libéral, progressiste et ouvert au monde. Toute sa vie, il joue un rôle de découvreur et se lie au mouvement d’Avant-garde. 

Malheureusement, il n’a pas écrit sur sa collection africaine qui comporte plus de 70 tableaux. Après sa disparition, au terme d'une vie foisonnante et longue, toute sa collection sera alors dispersée par sa femme, et plus de 450 pièces seront ainsi vendues en juin 1947, à l’Hôtel Drouot.
La collection Fénéon est devenue un mythe.

Une vie multiple

Employé au ministère de la Guerre en tant que rédacteur, le soir, il retrouve ses amis des revues anarchistes. C'est une époque de basculement, le néo-impressionniste prend forme. Dans les années 1890, éditeur à la Revue Blanche - revue liées aux Avant-gardes- il fait paraître les écrits de Malharmé, Rimbaud, Apollinaire...

En 1894, à la suite d'une perquisition qui a lieu chez lui et à son bureau, il est arrêté, mis en prison et jugé. Dans le prolongement de cet épisode, il perd son poste et son engagement vers les Arts devient plus important, il commence sa collection, dans un contexte économique favorable au commerce de l'art. 

La quête de Fénéon est esthétique et tourne autour d'un dialogue de l’art moderne avec le Japon et l’Afrique. Au même moment, la réflexion et la vision des musées convergent vers plus d'unité, même si l'Art Nègre n'y a pas encore sa place. 

Fénéon qui a quitté la Revue Blanche entre, en tant que directeur, chez Bernheim-Jeune, grand marchand d'art, où il est en charge de la modernité et met en place le département "Art contemporain". Personnage généreux, il a beaucoup aidé les jeunes artistes de son époque. Il commence à collectionner et écrit dans le Bulletin de la Vie Artistique, qu'il a créé en 1919. Les articles qu’il a publiés permettent de mieux connaître sa pensée. Il a été aussi journaliste au Figaro, et critique d’art et il écrit ainsi dans de nombreuses revues pendant treize ans. Dans ses textes, que souvent il ne signa pas, il n'a pas émis de critique, mais a fait des descriptions extraordinaires, sans jamais donner son opinion, avec souvent beaucoup d’humour, il sut aussi être incisif et faire preuve de dérision. 

Photo : Gouro, Côte d'Ivoire -19ème - début du 20ème siècle. Bois
Trustees of the British Museum, London
Don de Mrs. Webster Plass en 1956 

Fénéon, le découvreur

Fénéon nourri une grande défiance à l'égard des institutions. C’est lui qui a imaginé le Prix Fénéon pour récompenser de jeunes artistes car il est convaincu que les œuvres d'art ont besoin qu’on les aime et qu'elles nous aident à vivre, Ieur accordant le statut de "valeurs vivantes". C'est d'ailleurs un formidable découvreur, de Degas à Max Ernst, en passant par Seurat - il s'est battu pour sa reconnaissance - Matisse, Modigliano, Bonnard, et Signac qui a d'ailleurs réalisé un portrait de Félix Fénéon . Et dans les années 20, il découvre les arts mineurs africains.

En 1917, Paul Guillaume, important marchand de tableaux et promoteur de l'art africain, et son mentor, Guillaume Appolinaire, publient le premier livre sur la sculpture nègre. En 1920, Lucie Cousturier, ancienne élève de Signac, et amie de Fénéon, part en Afrique pour étudier le statut des femmes. Démarche audacieuse pour l'époque, Fénéon s'en fait l'écho dans sa revue. Dans le même temps, l'Art se teinte d'érotisme et trouve une expression populaire avec la revue nègre et Joséphine Becker. 

Photo : Statuette de femme en bois
Guinée(ou Congo français, d'après catalogue de la vebte F.F.de 1947)
19ème - début du 20ème siècle. Bois. Collection Bokanowski, Paris

La Fin des années 20 : l'enquête

Fénéon mène une enquête dans Le Bulletin, afin de savoir si les Arts Lointains iront au Louvre, ce seront les derniers numéros de sa revue. C’est un moment stratégique car le Louvre réorganise ses collections. Fénéon ne prend pas position mais interroge des personnalités, dont les réponses sont partagées. 

Lucie Cousturier, y est favorable et répond que cela sera possible le jour où le principe même de l’Art entrera au Louvre ! Pour Guillaume Appolinaire, il est difficile de déterminer les œuvres les plus importantes. Quant au conservateur du musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye, Salomon Reinach, il est violemment contre. 

Malgré tout, à Paris, de grandes collections privées, dont les noms ont été oubliés aujourd’hui, prennent forme. Fénéon commence sa collection, a priori, dès 1904, avant Matisse et Picasso. Et lors de la grande exposition des « Arts indigènes », en 1923, aux Arts Décoratifs, il prête près de 70 pièces dont 31 poulies de métier à tisser originaires en majorité de Côté d'Ivoire. 

Bien que Félix Fénéon ne soit jamais allé en Afrique, il est sensible à la force spirituelle et à la magie qui émanent de cet art et à la nouvelle manière de l'envisager. Il a aussi collectionné l’art d’Océanie et au court de sa vie, il a acquis près de 500 sculptures africaines et océaniennes. Le rapprochement avec l’art africain opéré par des artistes comme Seurat commence à se mettre en place. Et déjà, en 1935, l'Africain Negro Art est présenté à New York, au Museum of Modern Art, New York. 

Dans sa vie personnelle, Fénéon a une activité amoureuse particulièrement nourrie, et voue aux femmes une grande passion. En particulier pour Noura, "La femme nue", avec laquelle il a entretenu une correspondance très sensuelle. 

Photo : Bété, Côte d'Ivoire, 19ème - début du 20ème siècle. Bois
Collection James J.Ross, Nex York

L'exposition du Quai Branly-Jacques Chirac

À la fin de sa vie, à 83 ans, il passe le relai à la jeune génération, il choisit de s’effacer. Il n’y a pas d’amertume chez Fénéon, bien que le cancer qui signe la fin de sa vie le fasse beaucoup souffrir. Il repose désormais au Père Lachaise. 

Fénéon fut un être insaisissable, il a souhaité ne laisser ni traces, ni archives. Néanmoins, tous les objets de sa collection d’art africain sont numérotés, et il en a fait un inventaire, sans doute dans les années 30, sous la forme de trois cahiers mais qui n’ont malheureusement pas été retrouvés. 

Les catalogues des ventes de sa collection ont été l’outil qui a permis de construire les manifestations actuelles et à venir. 

L'exposition du Quai Branly, qui comprend 76 pièces de la Collection africaine de Fénéon, se termine avec "Les trois poseuses" de Seurat, prêtées par le musée d’Orsay, qui sont entourées de deux statues africaines anthropomorphes et féminines. La proximité de ces œuvres permet de tisser un lien tênu entre deux techniques, époque et origines différentes. 

L'exposition rend ainsi compte du regard visionnaire de Félix Fénéon, de sa capacité à embrasser la création dans sa fourmillante diversité.

     

Photos : Georges Seurat - Poseuse de profil, Poseurse de face et poseuse de dos.
1887, Huile sur bois, Paris, musée d'Orsay

Commissaires de l’exposition 

Isabelle Cahn, conservateur général des peintures, musée d’Orsay
Philippe Peltier, ancien responsable de l’Unité patrimoniale Océanie – Insulinde au musée du quai Branly – Jacques Chirac

Information

Musée du Quai Branly-Jacques Chirac
Félix Fénéon (1861- 11944) Les arts lointains
Jusqu’au 29 septembre 2019

Accès : 218 rue de l’Université / 37 quai Branly Paris 75007

Réservations : 00 33 (0) 1 56 61 71 72

www.quaibranly.fr

Horaires d’ouverture :

Mardi, mercredi, dimanche, de 11 h à 19 h
Jeudi, vendredi, samedi, de 11 h à 21 h
Fermeture hebdomadaire le lundi

Entrée gratuite le 1er dimanche de chaque mois.

Musée de l'Orangerie

Exposition "Félix Fénéon, (1861-1944). Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse"
Du 16 octobre 2019 au 27 janvier 2020 

Accès : par le Jardin des Tuileries, côté Seine

Réservations : 00 33 (0) 1 44 50 43 01

https://musee-orangerie.fnactickets.com/index.do

Horaires d’ouverture :

Tous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 18 h

©Mildred Forman