Un regard rieur, cajoleur, une voix envoûtante, singulière, Judith Magre conte une vie hors norme, celle d’une divine comédienne, d’une femme qui cache derrière des pirouettes, des non-dits, ses fêlures, ses blessures secrètes. Prenant possession du texte de Philippe Minyana, que la mise en scène enveloppante de Thierry Harcourt souligne avec élégance, elle est l’Actrice sublime et ensorcelante.

Des coulisses émerge une silhouette frêle, gracile. À pas lents, elle se dirige vers le centre de la scène, s’assoit et jette un regard rapide sur le public. Elle esquisse un sourire, prend sa respiration et conte une histoire amoureuse, passionnelle. Celle de Marie-Laure, une jeune femme qui est charmée, séduite par un dos, celui d’André. Les sens s’enflamment, le cœur bat la chamade. Les deux êtres s’unissent, mais très vite le quotidien de la vie de couple use les sentiments, le feu s’éteint lentement, imperceptiblement. Les coups du sort font le reste. 
 
Cabotine, espiègle, Judith Magre, l’unique, réinvente cette idylle, lui donne force et couleurs. Est-ce un jeu ? Est-ce un peu de son histoire qu’elle livre derrière cet émouvant récit ? Clap de fin, elle se redresse, regarde côté jardin et demande à l’homme de l’ombre, le metteur en scène (Thierry Harcourt) ce qu’il pense de sa prestation. En un clin d’œil, on a basculé dans un autre monde, une autre réalité. Regard émerveillé, le fringant cinquantenaire rassure sa comédienne. Totalement charmé par cette personnalité hors-norme, ce petit bout de bonne femme, il la questionne habilement, cherche à en savoir plus sur ce monstre sacré, sur ce qu’elle ne dit pas. 
 
Devenu intervieweur, il puise dans les souvenirs de la dame aux yeux de velours et tente d’en dresser un portrait fidèle en lisant entre les lignes. Il faut dire qu’elle est retorse. Elle le crie haut et forme, sa vie n’a aucun intérêt et ne comprend pas l’engouement des autres pour ce qu’elle a vécu. Par bribes, par des silences éloquents, des clins d’œil complices, la gouailleuse Demoiselle, comme on dit dans le monde du spectacle, se livre pourtant sur ses amours, sa famille. 
S’appuyant sur le très beau et pudique texte de Philippe Minyana, véritable portrait en ombre chinoise de Judith Magre, Thierry Harcourt enveloppe d’une tendresse infinie la grande dame du théâtre. Avec beaucoup de douceur, il s’amuse de leur complicité pour mieux mettre en lumière cette comédienne immense à la voix singulière, terriblement envoûtante. 
 
Gentleman, le comédien-metteur en scène se glisse parfaitement dans la peau de l’homme de lettres, double de Philippe Minyana évidemment, amoureux fou d’une Actrice exceptionnelle et rêvant de lui rendre un hommage vibrant. Disons-le tout net, c’est chose faite. Une nouvelle fois à plus de 90 ans et bien qu’un peu fatiguée, la reine Judith étincelle, irradie et écrit son nom en lettres incandescentes au Panthéon du théâtre. Bravo !
 
Informations pratiques :
Une actrice de Philippe Minyana
Jusqu’au 15 juillet 2018
Du mercredi au samedi 19h et le dimanche 15h

Générique :
Mise en scène Thierry Harcourt assisté de Claudia Bacos
avec Judith Magre, Thierry Harcourt en alternance avec Christophe Barbier (les 30; 31 mai; 3; 4; 5 et 8 juillet)

Lieux :
Théâtre Poche- Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Comment y aller ?
Métro lignes 4, 6, 12, 13 (Montparnasse-Bienvenüe), sortie n°5 Boulevard du Montparnasse
Bus 96, 95, 94, 92, 91, 89, 82, 58
Parking sous la tour Montparnasse, parking FNAC rue de Rennes
Taxi station place du 18 juin

Réserver :
Par téléphone : 01 45 44 50 21 - Tous les jours de 14h à 18h
Par internet : sur le site dédié du théâtre du Poche-Montparnasse
 
Crédit photo : © Pascal Victor