Berlin est une pièce qui se déguste en plusieurs actes. À la fois tragédie et vaudeville, elle arbore les beautés architecturales d'une capitale tout en portant les stigmates de son histoire. Entre prestigieux musées, majestueux monuments et rendez-vous indépendants, Berlin est une cité où il règne une atmosphère singulièrement fascinante, à consommer sans modération. Offrez vous un weekend riche en émotions, à seulement une heure et des poussières de Paris.
Vue de la cathédrale de Berlin ©Vlog expedition 

Au milieu de la ville, une ligne au sol, sur les trottoirs et l'asphalte, entre les bâtiments. Aujourd'hui il ne suffit que d'un pas pour la franchir, il y a 28 ans il fallait beaucoup de courage et d'ingéniosité pour échapper au Mur de Berlin, qui vit périr des centaines de civils tentant de rejoindre le bon côté de cette entrave à la liberté. Seuls deux kilomètres du mur tiennent encore debout de nos jours, sur les 5,7 kilomètres de tracé originel. Le site le plus fréquenté de Berlin est paradoxalement un monument qui n'existe plus. Voilà toute l'ironie qui plâne sur la capitale allemande, dont l'atmosphère plie encore sous le poids de son histoire. Ici et là, des panneaux guident le visiteur à travers une cité dont les cicatrices semblent encore entrouvertes : au-delà de la guerre froide, Berlin incarne une des plus grandes blessures de l'histoire européenne. C'est à l'est que se situe ce concentré d'histoire du XXème siècle, à quelques mètres de Checkpoint Charlie, principal point de passage entre Berlin-Ouest et Berlin-Ouest, le Musée de la Topographie de la terreur retrace la tragique histoire de la mise en place du pouvoir nazi. Le bâtiment volontairement austère, situé à l'endroit même où siégeaient autrefois le quartier général de la Gestapo, déploie un parcours retraçant au moyens de nombreux documents, chaque étape du développement du régime totalitaire et de la large persécution des juifs, tziganes, homosexuels et prisonniers de guerre. La Topographie de la terreur, dont les jardins cachent des restes de geôles où se tenaient d'accablantes séances de tortures, est une visite incontournable pour comprendre l'âme de Berlin, avec ses aspérités et ses traumatismes.



Mémorial de l'holocaust, Berlin ©Aurélie M.Caillard

"Ici à Berlin, on ne peut pas s'empêcher d'être conscient que vous êtes le centre autour duquel tourne la roue de l'histoire... S'il y a jamais un peuple qui devrait être constamment sensible à son destin, ce devrait être le peuple de Berlin, Est et Ouest".  
Martin Luther King
Plus loin, le Mémorial de l'holocauste, construit en 2005 après 17 ans de discussions, étend au sol un champ de stèles rectangulaires de béton, sur une surface de la taille d'un terrain de football. Chacun de ces 2711 sarcophages anonymes possède une taille différente, si bien que lorsque l'on pénètre à l'intérieur de ce labyrinthe silencieux, les ombres portées que projettent les étroits passages emprisonnent l'âme comme le furent celles des victimes du génocide perpétré par le IIIème Reich. Ce n'est d'ailleurs pas une coïncidence si le mémorial se trouve seulement à quelques mètres du bâtiment du Reichstag, ses quatre tours angulaires et son imposante façade néoclassique. Il se dresse face à la porte de Brandebourg, superbe arc de Triomphe construit en 1791, couronné d'un quadrige de bronze patiné dont la déesse ailée de la Victoire fut prise en otage à Paris par Napoléon après avoir vaincu la Prusse. Durant la guerre froide, ce trésor patrimonial fut le symbole de la division entre l'est et l'ouest, aujourd'hui les visiteurs du monde entier se pressent pour admirer la beauté de la symétrie du monument incarnant une Allemagne, et un monde, enfin réunifiés.

Porte de Branderbourg, Berlin ©Aurélie M.Caillard 


East side Gallery, mur de Berlin ©Aurélie M.Caillard 

Car Berlin est aussi le symbole de l'espoir et d'un grand rayonnement culturel. La Pinacothèque, ou Gemäldegalerie, est sans aucun doute un des témoins les plus bouleversants de sa richesse artistique. Entre les murs du musée, un parcours de plusieurs kilomètres réunit une des plus belles collection de peintures européennes des XIII au XVIIIème siècles. Après une première rencontre avec les peintures religieuses médiévales sur fond d'or et leur aura mystique unique au monde, admiration devant Giotto, Holbein, Van der Weyden, Cranach, Dürer, Rembrandt, Titien, Goya, Canaletto, Rubens, Vermeer, et tant d'autres maîtres de la peinture ancienne. De salles en salles la Vierge de Jean Fouquet (1452-1458) qui inspira les futurs peintres de l'abstraction, les délicates figures du Printemps de Botticelli et de son si repentant Saint-Sébastien, Les proverbes flamands et les dérives de l'homme selon Bruegel l'ancien (1559), la sensuelle Léda et le cygne peinte par Le Corrège en (1532) et décapitée au couteau par Louis d'Orléans, autant de chefs d'oeuvres qui ont marqué l'histoire de l'art. L’art à Berlin se célèbre sans modération, peu importe qu’il soit ancien ou contemporain, tant que c’est de l’art. Et quoi de plus symbolique que la plus vaste partie conservée du mur pour accueillir de l’art ? L’East Side Gallery  dresse sur 1,3km plus de 100 fresques réalisées par 129 artistes de 20 pays différents, ce qui en fait la plus grande galerie d’art extérieure au monde. Chaque portion du mur est ainsi couverte de peintures colorées aux messages frappants d’espoir, ou comment transformer l’horreur en beauté. Au milieu de ce melting pot de street art, le baiser de l’amitié signée Dimitri Vrubel est devenue, à juste titre, l’oeuvre la plus emblématique de la galerie : Brejnev et Honecher s’embrassant sur la bouche, lors d’une visite du dirigeant soviétique à Berlin en 1979.

Quartier de Kreuzberg, Berlin ©Aurélie M.Caillard 

À Berlin, l’art vit dans toutes les rues, il se niche sur les anciennes façades des immeubles du quartier de Kreuzberg, épicentre du Berlin libre, multiculturel et populaire. Et c’est en poussant les portes que les plus noctambules découvriront la richesse de la scène musicale alternative berlinoise, la saveur d’une jeunesse optimiste et plus que jamais vivante.

Après avoir flâné le long des quais de la Spree, dernière frontière symbolique entre l’est et l’ouest de la ville, il suffit de gravir les 267 marches menant à la galerie extérieure du dôme de la cathédrâle de Berlin - ancienne église de la famille royale prussienne - pour admirer un panorama à 360 degrès de cette cité une et singulière.
"
J'ai encore une valise à Berlin", disait Marlène Dietrich, nous avons tous une valise qui nous attend à Berlin, dans le sein d'une Europe vivante et libre à jamais. 

Ich bin ein Berliner.