“Sous les pavés, la plage”, le moi de mai 1968 a vu naître de nombreux slogans mythiques de cette période de révolution sociale qui a chamboulé la société française. Si la presse et les médias semblaient suffoquer sous la pression de pouvoir en place, les étudiants et les ouvriers surent répondre avec poésie au moyen d’affiches. Nombreuses de ces créations seront dispersées aux enchères le 13 mars 2018 chez Artcurial.

La beauté est dans la rue, estimation 3000-6000 euros / Presse ne pas avaler, 13 juin 1968, estimation 400-800 euros / Sois jeune et tais-toi, 12 juin 1968, estimation 600-1200 euros

Laurent Storch débutait sa collection en 1988. Le jeune homme alors seulement âgé de 26 ans, est touché par la force sociale et la beauté esthétique de ces affiches que connurent ses pères affectés comme tant d’autres jeunes alors, par le bouleversement sociétal que représente le printemps 1968 en France. Mai 68 constituait alors le plus important mouvement de contestation que connut l’histoire du pays de tout le XXème siècle, dirigé contre le capitalisme, le consumérisme et plus immédiatement, contre le pouvoir gaulliste en place. Face à une presse considérée comme muselée, la jeunesse étudiante parisienne cherche alors à s’exprimer par elle-même et à diffuser ses propres revendications directement dans la rue. À l’Ecole des Beaux Arts de Paris, puis aux Arts décoratifs, ces jeunes habités par leur révolte, construisent de bric et de broc des ateliers d’impressions d’affiches. De là naîtra un véritable vocabulaire légendaire français, qui gagnera ensuite le monde ouvrier et la plupart des catégories de classes sociales sur l’ensemble de l’hexagone. Un message, un dessin, l’affiche au printemps 1968 devient un véritable symbole de liberté d’expression.


« Parenthèse artistique au sein d’une parenthèse politique, les affiches de Mai 68 se reconnaissent au premier coup d’œil et c’est pour cela qu’elles me fascinent. Collectives et anonymes, politiques et poétiques, éphémères et immortelles, elles me touchent par leur simplicité contrainte et leur force primitive.»
Laurent Storch

Derrière leur fragilité de papier, les affiches que le jeune collectionneur découvre à l’occasion du vingtième anniversaire de Mai 68, le séduisent par la force de leur slogan et l’attention particulière donnée à leur composition poétique. Entre ces affiches et Laurent Storch naît alors une véritable histoire d’amour, faite de recherches patientes, de rencontres inoubliables et grands moments d’exaltation. Trente années après, il décide de céder sa collection à d’autres passionnés, offrant au marché de l’art l’histoire de deux mois inoubliables en 500 petites oeuvres d’arts sérigraphiques.


Nous sommes tous "indésirables", 22 mai 1968, estimation 600-1200 euros / Nous sommes tous des juifs et des allemands, 22 mai 1968, estimation 2500-5000 euros

La collection, aujourd’hui dispersée sous le marteau aux enchères, a cette particularité de représenter un ensemble totalement authentique, scruté par l’oeil expert de Laurent Storch s’attachant à l’histoire des ateliers, les papiers et encres employées, les tampons et les signatures. Trois catégories construisent ainsi un riche ensemble. La première est celle de l’affiche comme réponse directe aux actions gouvernementales, la plus célèbre étant celle de l’expulsion de Daniel Cohn Bendit en Allemagne. Le visage de “Dany le rouge”, souriant, narguant les forces policières est accompagné du texte “nous sommes tous indésirables”, en réalité la première version, sous-titrée “nous sommes tous des juifs et des allemands”, refusée après une assemblée générale constitue un témoin historique d’une grande rareté (estimée entre 2500 et 5000 euros).


« Sous leur fragilité de papier, une opportune complicité avec la pierre assure leur postérité : la pierre lithographique de leur naissance, la pierre des murs auxquels elles donnèrent la parole et la pierre héroïque des pavés qui les protégèrent.»
Laurent Storch

Les affiches philosophiques et sociales forment la deuxième typologie de la collection. Ici, les symboles et les métaphores deviennent autant d’armes que les pavés où les matraques. Le papier devient le refuge d’une jeunesse étouffée par De Gaulle qui l’empêche de voter, la presse une fiole de poison à ne pas avaler, le peuple une marionnette de guignols… Comme Marianne, la femme fait aussi présence, cette fois elle est dans la rue et jette elle aussi des pavés au dessus des blocus. “La beauté est dans la rue”... un slogan d’autant plus fort qu’il fait étrangement écho aux crises actuelles que connaissent les femmes dans la société contemporaine. Enfin, la dernière typologie d’affiche révèle la force générale de Mai 68 : un mouvement social qui envahit toutes les classes et l’ensemble du pays, comme une poudre qui prendrait feu vers une société plus égalitaire. Au-delà des étudiants et des artistes, les travailleurs se mettent aussi à l’affiche : mineurs, médecins, conducteurs de taxis, bateleurs, infirmières… Le printemps 1968 fait exploser les frontières !

La collection de Laurent Storch a cette valeur de représenter, du premier au dernier jour, un témoin historique, d’affiche en affiche, d’un évènement majeur dans l’histoire de notre pays. Elles furent les acteurs silencieux, placardées au murs dans les rues de Paris et ailleurs, d’une révolution qui a transformé notre société. Une preuve vivante en soi, que les mots, le dessin et le papier ont parfois bien plus de poids qu’une arme. Le pouvoir de l’art en somme.

La police s'affiche aux Beaux-Arts, 27 juin 1968, estimation 400-800 euros 



Informations pratiques :
Mai 68 en 500 affiches
Collection Laurent Storch
Artcurial
7, rond-point des Champs-Elysées – 75008 Paris
Accès M°

Expositions publiques :
Samedi 10 Mars 2018, de 11h à 18h
Dimanche 11 Mars, de 14h à 18h
Lundi 12 Mars 2018, de 11h à 18h
Vente publique :
Mardi 13 Mars 2018 à 14h30