Face à la mort, le cœur palpite. Les battements s’accélèrent. Affranchie de toute contrainte morale, la conscience libère la parole qui coule tel un flot torrentiel, vibrant, livrant une vision inhumaine des tortures psychologiques infligées aux condamnés à mort. En s’emparant du texte manifeste de Victor Hugo, Jean-David Lesné signe une pièce bouleversante, un brûlot puissant que la mise en scène ciselée de François Bourcier et le jeu habité de William Mesguich soulignent impeccablement.

La sentence vient de tomber. L’homme qui se tient devant nous, tout de noir vêtu, regard hagard, vient d’être condamné à mort. Qui est-il ? Ce qu’il a fait ? Nous ne le serons jamais. Là n’est pas l’important. C’est autre chose que Victor Hugo nous propose. Loin d’un thriller, d’une enquête sur les raisons qui ont poussé ce père de famille sans histoire à commettre l’irréparable, le dramaturge préfère s’intéresser à l’état moral, psychologique de ce détenu dont le dernier espoir vient d’être réduit à néant et nous plonge dans les méandres troubles de cette âme aux abois. 

Enfermé entre quatre murs blancs, le prisonnier, tel un fauve en cage, tourne, retourne. Hébété par la sombre nouvelle, il se perd dans ses souvenirs, dans ses idées noires. Rêvant d’une autre vie loin des barreaux de sa triste cellule, il s’imagine libre, heureux. Il revoit les blonds cheveux de sa douce enfant, qu’il ne verra pas grandir. Ses yeux s’embuent de larmes, la morbide réalité le rattrape, il vacille. Libérant sa conscience, il se livre sans retenu, il nous entraîne, nous happe dans le tourbillon mélancolique et houleux de ses pensées.
En s’appropriant le roman plaidoyer de Victor Hugo, Jean-David Lesné et François Bourcier signent un monologue vibrant, poignant. Resserrant le texte au plus prés des derniers instants de vie du condamné, ils libèrent cette parole d’outre-tombe, terriblement vivante. Ponctuant les longues tirades et les envolées lyriques de cet homme perdu, le metteur en scène use et abuse des jeux de lumière et des musiques stridentes. Si l’intention est louable, elle alourdit inutilement le propos. Ce défaut minime, qui n’enlève rien à la terrible et troublante dramaturgie de la pièce, a été atténué par une version plus sobre, plus économe en effet spéciaux, mise en place quelques jours après la représentation à laquelle nous avons assistée. 

Se glissant avec fièvre comme à son habitude dans le rôle qui lui est confié, William Mesguich est bouleversant de réalisme. Magnétique, hypnotique, il nous attache d’un regard, d’un mot aux derniers souffles de ce condamné à mort. Avec son jeu habité, généreux, il dépeint avec virtuosité la tempête qui s’agite sous le crâne de cet homme aux espérances déchues. 

Totalement pris à la gorge par ce manifeste bouleversant contre la peine de mort qui s’inscrit à dessein dans l’actualité brûlante, on se laisse convaincre, si ce n’était déjà le cas, par la barbarie d’une telle sentence. Au-delà de l’acte en lui-même, Victor Hugo, par le biais de William Mesguich, Jean-David Lesné et François Bourcier, dénonce les tortures psychologiques infligées aux prisonniers. Cette version contemporaine du Dernier jour d’un condamné est d’utilité publique… Bouleversant !
Informations pratiques : 
Le dernier jour d’un condamné d’après Victor Hugo
jusqu’au 4 novembre 2017
du mardi au samedi à 19H et le dimanche à 17H
durée 1h10

Lieu :
Studio Hébertot
78bis, Boulevard des Batignolles
75017 Paris

Générique :
adaptation de Jean-David Lesné
mise en scène de François Bourcier
avec William Mesguich

Comment réserver ? 
Par téléphone au 01.42.93.13.04
par internet sur le site dédié du Studio Hébertot

Comment y aller ? 
en métro Ligne 3 Station Villiers, Ligne 2 Station Rome ou Villiers
en bus Ligne 30 Arrêt Rome ou Villiers, Ligne 53 Arrêt Rome Batignolles, Ligne 66 Arrêt Bd des Batignolles
en voiture Parking Villiers /19 avenue Villiers, Parking de l’Europe /Bd des Batignolles

 Crédit photos : © Chantal Depagne