Il n’y a pas qu’au Louvre que l’on peut trouver des oeuvres de Raphaël, Botticelli, Titien, Ingres et Delacroix sur les mêmes murs… il y a aussi au domaine De Chantilly, deuxième plus riche collection de tableaux anciens sur le sol francais. Découverte d’un domaine princier : son château, son mobilier exceptionnel, sa collection d’art et de manuscrits spectaculaire, son architecture raffinée, son histoire singulière.


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Vue du château de Chantilly 

Le domaine de Chantilly, situé à une trentaine de kilomètres de Paris, constitue un joyau du patrimoine francais. Sa richesse culturelle, architecturale et artistique est due à un homme qui voua sa vie entière à rebâtir le château de Chantilly et à rendre hommage à ces ancêtres les princes de Condé, qui veillent sur l’édifice à partir de 1643. Toutefois, l’établissement ouvert aujourd’hui au public n’est pas le château d’origine, une forteresse médiévale qui fut rasée à la révolution française. Le Duc d’Aumale, cinquième fils du dernier roi de France Louis-Philippe, n’a que huit ans lorsqu’il hérite du domaine, il a pourtant conscience de l’importance majeure de cet héritage. Quelques années plus tard, il entreprend de relever le bâtiment sur ses anciennes fondations dans un style néo-renaissant aux perspectives majestueuses et aux pierres rythmées de marbre profonds.

Cerné par les trois forêts de Chantilly, Halatte et Ermenonville, le château trône au coeur d’un parc de 115 hectares pensé par Le Nôtre comprenant un canal plus grand que celui de Versailles, l’architecture se reflétant dans l’eau de l’ancien pays de Valois. Le site est somptueux, épaulé par la majestuosité des écuries (actuel Musée du Cheval), et la ville construite aux abords après la révolution. Avant de disparaître, le Duc d’Aumale alors sans descendance, qui a bâti un écrin spectaculaire à ses riches collections, met un point d’honneur à ce que son oeuvre soit conservée telle quelle : en créant la Fondation des Princes de Condé en 1886, il lègue l’intégralité de ce patrimoine à l’Institut de France qui doit l’ouvrir au public, et l’interdire à toute sortie des lieux (hormis pour restauration).


« Cette maison que j'ai bâtie, où j'ai vécu, je veux qu'elle disparaisse avec moi. Non qu'elle soit démolie ni transformée radicalement (...). Aspect extérieur, silhouette, disposition générale, rien ne sera changé, mais ce ne sera plus une maison. Nul n'y habitera, hors le personnel de service dans les logements prévus par moi et aménagés selon mon désir. Ne subsisteront que la chambre de ma femme et la mienne (...). Le château ne sera plus qu'un musée et un lieu de travail. Je veux qu'y aient accès tous ceux qu'attirent des collections, des archives, une bibliothèque dont je ne crois pas qu'elles soient médiocres ».
Henri d'Orléans, Duc d’Aumale (1822-1897)

Vue de la grande galerie / Les trois grâces, Raphaël 1504-1505 / Vue de la tribune


Plus d’un siècle plus tard, le château de Chantilly attire amateurs d’art, bibliophiles, passionnés de culture et férus d’architecture de tout horizon. A l’intérieur, l’enfilade de salons, galeries et appartements rivalisent de mobiliers exceptionnels, de riches parures et tapisseries et d’une collection d’art et de manuscrits inestimable. C’est avec la plus grande salle du château que le Duc d’Aumale rayonne par ses chefs d’oeuvres. La galerie des peintures, dans des proportions que jalousent les plus beaux musées, déroule une histoire de l’art singulière sur des murs d’un rouge pompéien. Sur la gauche, les oeuvres italiennes rendent hommages aux origines familiales maternelles du Duc, de Véronèse à l’école des Carrache. Sur la droite, ce sont les chefs d’oeuvres français qui saluent les racines nationales paternelles du collectionneur. Cadres contre cadres, les toiles se marient dans une narration éclairée par une lumière zénithale naturelle provenant de la grande verrière couvrant le plafond de la galerie. Enfin, dans le fond, une rotonde de marbre cache de véritables trésors de l’art de la Renaissance italienne. La star de cette perle d’architecture : La Madone de Lorette peinte par Raphaël en 1509-1510, que l’on croyait être une copie jusqu’en 1979. Avec ces 85 peintures, dont l’accrochage est resté d’origine, le Duc d’Aumale dévoile son expertise artistique et sa richesse culturelle à ses visiteurs, des nobles hôtes du XIXème siècle aux curieux d’aujourd’hui.


De tous les lieux que le soleil éclaire,
il n’y en a point de pareil à celui-là.”

Madame de la Fayette

Plus loin, la galerie de Psyché ouvre la voie aux visiteurs dans un panorama couvert par 44 vitraux en grisaille et à rehauts de jaune d’argent sur verre blanc narrant l’histoire d’amour de Psyché. Ici, même les ouvertures deviennent l’écrin d’oeuvres d’art. Et ce sont aussi les plus petites oeuvres qui représente la plus grande richesse : à quelques pas de la galerie, entre les murs feutrés du Santuario, rencontre avec Les trois grâces, la toile peinte par Raphaël la plus petite de la collection et sans nul doute la plus précieuse. Une pièce exceptionnelle rejointe par la suite de la riche sélection du duc d’Aumale conservée dans le petit musée de la tribune. Cette salle octogonale, nommée ainsi en référence à la tribune des offices de Florence, reprend chronologiquement les plus belles réalisations de l’histoire de l’art : en partant de la Renaissance avec Fra Angelico, Botticelli et Titien ; le regard rebondit sur les XVII et XVIIIème siècle français et flamands à coups de Poussin, Van Dyck et Watteau ; pour enfin se concentrer sur le XIXème siècle néoclassique d’Ingres et le romantisme signé Delacroix. Jamais le regard d’un amoureux de l’art ne saurait se concentrer sur autant de trésors à la fois… Et il en est de même pour les bibliophiles ! Seconde passion du duc d’Aumale, qui n’a de cesse de multiplier l’acquisition de rares manuscrits et livres précieux dans toutes l’Europe, la bibliothèque du château de Chantilly rassemble une connaissance universelle de plus de 60 000 ouvrages. Et parmi ces trésors, rendez-vous Les très riches heures du Duc de Berry, considéré comme le plus beau manuscrit au monde. (XVème siècle)



Fauteuils Louis XVI, bureau Charles Boulle, marqueterie, soieries, bronzes dorés, porcelaine de Sèvres… Tandis que les grands appartements rivalisent de qualité avec toute collection d’arts décoratifs, la chapelle du château conserve peut-être un des plus beaux ensembles sculptural sauvé des destructions révolutionnaires par Alexandre Lenoir (Fondateur du Musée des Monuments français). Une recomposition opérée par le Duc d’Aumale en 1855, ce groupe de six figures sculptées par Jacques Sarrazin dans un broze d’ébène, représente des anges et allégories. En son centre, le duc y place une urne renfermant les coeurs des princes de Condé, cachés depuis la révolution. Un reliquaire exceptionnel résumant à lui seul la passion avec laquelle de dernier prince de Condé se dévoua corps et âmes à l’édification d’un château princier, aux trésors fabuleux.



Informations pratiques :


Domaine de Chantilly

7 rue du Connétable
60500 Chantilly

Ouvert Tous les jours sauf le mardi

10h30-17h / 18h pour le parc
Accès M°Chantilly-Gouvieux, RER D

Visuels ©Aurélie M.Caillard