A Rodez, toutes les routes mènent au Musée Soulages. Perché sur les hauts de la cité, à quelques pas des pierres rouges de la Cathédrale, le temple éponyme règne sur le paysage ruthénois. Son architecture aux lignes graphiques et aux tons bruts contemple le panorama des Causses et son histoire romane. Ici l’art se fait avec force et caractère et Soulages, l’enfant du pays, y répond dans une myriade de nuances de noir. Bienvenue chez le prince de l’ombre et de la lumière.





“J’ai deux lieux de naissance : Rodez et la peinture contemporaine.” Pierre Soulages


C’est le premier musée entièrement consacré à l'oeuvre d’un peintre francais, de son vivant. Inauguré en 2014, il aura pourtant fallu quelques années à l’agglomération pour convaincre Pierre Soulages d’installer un musée monographique dans la ville de son enfance. L’artiste, maintenant nonagénaire, ne voulait pas que l’on glorifie son oeuvre dans un mausolée sacré. C’est selon ses souhaits que le musée de Rodez devint une institution conservant du Soulages oui mais pas que : parmis les 6 600 m2 du complexe, 500 sont consacrés à des espaces d'expositions temporaires invitant régulièrement autant d’artistes reconnus que de talents de la jeune création. Et, parmis les conditions sinequanone de l’artiste, le musée s’ouvrant à tous les artistes devait également s’ouvrir sur la ville. C’est ainsi qu’en se dirigeant vers le bâtiment installé sur l’ancien foirail de la cité, le visiteur découvre un par garnis de sculptures dont la pelouse accueille flâneurs et lecteurs, discutant sous le même kiosque où Soulages jouait enfant.

“Ce musée sera à l’image de Pierre Soulages : ouvert à la création sous toutes ses formes, ouvert aux autres artistes pour mettre l’art et la culture à la portée de toutes les curiosités, petites ou grandes, des gens d'ici ou d’ailleurs .” Christian Teyssèdre (Président de la communauté d'agglomération du grand Rodez)


Dans cet ensemble singulièrement harmonieux, le musée semble avoir naturellement poussé au bord d’une falaise avec vue sur le paysage des Causses. Composé de cinq volumes majestueux, le bâtiment répond avec finesse aux peintures de Soulages : ses façades aux lignes graphiques font écho à ses coups de brosse, sa couverture d’acier corteno rappelle le brou de noix de ses dessins, et à l’intérieur de profondes salles recouvertes d’acier, aussi profonde que ses outrenoirs. Pas de doutes, le musée Soulages a été pensé comme une balade chez l'artiste où l’on s’y sent chez soi. Sa collection, la plus grande de l’artiste au monde, a pris source avec une généreuse donation du peintre et son épouse Colette dénombrant 500 oeuvres, de 1947 à nos jours. Un panorama soufflant.



Salle après salle, le public découvre chaque médium utilisé par l’artiste peintre comme un pas de plus vers l’évolution de son oeuvre, aujourd’hui internationalement reconnue et saluée. L’initiation se fait avant tout par les peintures sur papier, au nombre de 117 dans les salles. Car l’art de Soulages s’apprend par la vibrance du brou de noix - un médium utilisé pour la première fois sur un autre support que le bois - en contraste avec la blancheur de la feuille de papier. Dès les prémices des années 1950, Soulages se reconnaît à la force de ses traits, la régularité de ses formes graphiques. Et, lorsque la feuille ne suffit plus, l’aveyronnais expériment l’eau-forte dans l’atelier du graveur Lavourière. Le résultat est présenté dans les salles en regard avec les plaques de cuivres ayant servi de matrice. Entre les deux laquelle est l’oeuvre d’art ? Soulages nous rappelle ici l’essentialité de l’expérimentation technique, du développement des savoirs, du tâtonnement de la forme. Ses plaques de gravure deviennent un coup de pinceau qui se serait solidifié pour devenir sculpture. D’ailleurs, elles donneront naissance à trois magnifiques bronzes.



“C’est un artefact. C’est un homme qui l’a fait, c’est un homme qui le regarde.” Pierre Soulages


Après la découverte de cartons préparatoires des vitraux que Soulages réalisa pour l’abbaye de Conques, le visiteur fait son entrée au coeur de son oeuvre : sa peinture. Tandis que les salles d’exposition prennent de plus en plus d’ampleur, les toiles du peintres envahissent l’espace de leurs grands formats. Cimaise après cimaise, le noir épouse d’autres couleurs puis les chasse pour finir par envahir les lieux. Trente cinq peintures sur toiles sont ici présentes, cheminant par couches successives de 1947 aux récents outrenoirs. Suspendues par des câbles, les pièces d’outrenoir se dressent dans toute leur puissance : le noir s’y étale, les lignes s’y contredisent, et les aplats prennent de la hauteur pour que la lumière se célèbre dans la pénombre.


“J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité. Son puissant pouvoir de contraste donne une présence intense à toutes les couleurs et lorsqu’il illumine les plus obscures, il leur confère une grandeur sombre. Le noir a des possibilités insoupçonnées et attentif à ce que j’ignore, je vais à leur rencontre.”



Dense, épaisse, sombre, graphique… l’oeuvre de Soulages trouve à Rodez un écrin à son image, aux mille et un reflets. À l’intérieur du musée éponyme, jeunes et vplus âgés se précipitent vers la découverte de l’oeuvre d’une vie, celle de l’enfant du pays, dont le nom de famille en Aveyronnais se traduit poétiquement par “soleil agissant”...

“Je ne dépeins pas, je peins. Je ne représente pas, je présente.”

Aurélie M.Caillard


Informations pratiques:
Musée Soulages
Ouvert du Mardi au dimanche, de 11h à 19h
Jardin du Foirail, Avenue Victor Hugo
12000 Rodez  

Visuels ©Aurélie M.Caillard