Trois voix de femme s’élèvent dans le fracas de la guerre, dans le bruit assourdissant des explosions. Chacune, riche de sa culture, de son héritage, de sa religion, évoque le conflit israélo-palestinien, ses positions, son regard sur ce conflit sans fin. Sans jugement, Stefano Massini conte, par le truchement de la lumineuse Marie-Cécile Ouakil, le destin tragique de trois êtres pris à leur corps défendant dans une tourmente mortifère. Bouleversant !

Portant tee-shirt noir, pantalon de treillis couleur kaki et rangers aux pieds, une silhouette de femme (éblouissante Marie-Cécile Oaukil) apparaît entre deux structures métalliques qui se transformeront au gré des scènes – check-point, vestiaires de bar chic ou coiffeuse - pour définir espace et lieu. Elle tient à la main un Foulard rouge, sur lequel des motifs de fleurs sont imprimés, qui selon la façon dont elle le porte laisse entrevoir son identité : palestinienne, israélienne ou américaine. 

Tout semble calme, la voix de la jeune femme paraît posée. Mais ne nous trompons pas, nous sommes au cœur d’un pays en guerre, en plein milieu du conflit israélo-palestinien. Elle, écharpe sur les épaules, c’est Eden Golan, une professeure d’université israélienne. Ouverte, tolérante, elle rêve d’un pays en paix. Elle aimerait comprendre ce qui anime les Palestiniens, pourtant au plus profond de son âme, un grain de sable l’en empêche. Etole couvrant ses cheveux, c’est Shirin Akhras, une étudiante Gazaouie, qui ne supporte plus l’oppression subie par son peuple, la domination israélienne. Acculée, dans ses convictions, ne voyant pas d’autre issue pour se faire entendre, elle se décide à offrir sa vie en sacrifice. Enfin, tenant le châle comme une mitraillette, c’est Mina Wilkinson, une militaire américaine en mission pour maintenir la paix, éviter au mieux les risques d’attentats. Etrangère au conflit, elle a une vision très manichéenne des choses. Elle ne se pose pas de question et agit contre le terrorisme quelle qu’en soit l’origine. Chacune de ces trois femmes livre ses pensées, racontent son histoire. Un incident dramatique va unir leur destinée. 
De sa plume ciselée, précise, vive, Stefano Massini se fait le porte-parole de trois points de vue. Sans parti-pris, sans prendre position, il nous plonge dans un monde en guerre. Il donne les clés pour appréhender un même évènement sous trois angles divergents. Ce choix assumé d’immersion totale dans la tête d’une Palestinienne, d’une Israélienne et d’une Américaine, permet de dépasser les clivages, de voir au-delà d’une pensée unique. S’il évite ainsi d’embourber son récit dans les circonvolutions d’un conflit trop complexe pour le résumer en une pièce. 

En prenant le parti d’un seul-en-scène, Kheireddine Lardjam esquisse le portrait d’un pays à feu et à sang, d’une société divisée qui n’est plus capable de se comprendre. Sa mise en scène dynamique, précise, fluide, souligne avec virtuosité les voix fragiles, humaines et vibrantes de ces trois femmes enfermées dans des convictions séculaires que leur culture à forger. Il fallait tout le talent, toute la fougue, la verve de Marie-Cécile Ouakil pour se glisser avec une facilité déconcertante dans la peau ces trois être si différents, si opposés. Tour à tour guerrière, victime, féminine ou vengeresse, elle donne à chacune de ces figures féminines une profondeur, une identité propre… Chapeau !

Loin des clichés, des préjugés, O-Dieux est une pièce intelligente qui ouvre nos consciences, nous force à voir au-delà des apparences et à tenter de comprendre l’intolérable, l’indicible. C’est une claque salutaire, un seul en scène nécessaire qui ébranle nos convictions… Un spectacle poignant, éducatif, instructif à voir et revoir !

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore
Informations pratiques : 
O-Dieux de Stefano Massini
Festival d’Avignon le Off
Jusqu’au 28 juillet 2017
Tous les jours à 13h40 relâches les 11, 18, 25 juillet 2017
Durée 1h05

Générique : 
Metteur en scène avec Kheireddine Lardjam
avec Marie-Cécile Ouakil 

Création son : Pascal Brenot
Création Lumière : Manu Cottin
Scènographie d’Estelle Gautier

Lieu: 
11-Gilgamesh Belleville
11, boulevard Raspail
84000 Avignon

Réserver : 
sur le site dédié

 Crédit photos : © Estelle Gautier