Plongeant dans ses souvenirs, une dame de compagnie marquée par les ans, amie intime d’une star controversée du XXe siècle, livre dans un long monologue âpre, drôle, leurs secrets les plus intimes, leur vie commune entre amour et haine. Se glissant dans la peau de cette gouailleuse de l’ombre, guidé par la mise en scène sobre, ciselée de Thierry Harcourt, Denis D’Arcangelo expose en pleine lumière toute l’étendue de son talent. Épatant ! 

Des murs sombres entourent une scène plutôt dépouillée. Juste quelques éléments décors - un siège de style moderne, mêlant cuir et acier, un guéridon sur lequel sont posées une coupe et une bouteille de champagne, et un étrange pupitre - suffisent à créer une ambiance un peu froide, impersonnelle. Une silhouette toute de noir vêtue émerge de l’ombre côté jardin. Elle s’avance à pas feutrés. Elle semble ne vouloir rien déranger. Cette femme d’un certain âge, c’est Mylène Janvier, une comédienne de seconde zone qui a toujours vécu dans l’ombre de la grande Stella Marcos. 

Amie intime, secrétaire, dame de compagnie, garde-malade, elle a sacrifié sa jeunesse, sa vie, sa carrière pour celle qui a régné un temps sur le cinéma, un temps sur le théâtre, avant de sombrer dans l’oubli et la sénilité. Humiliée, rabaissée, elle tient peut-être sa revanche. Un éditeur vient de lui proposer plus de 50 000 francs pour écrire ses mémoires. Après une courte hésitation, elle accepte de dire enfin sa vérité, de livrer à une bande magnéto ses souvenirs tour à tour tendres ou douloureux. Si la rancœur est acide, si les mots égratignent, blessent, Mylène n’en est pas moins une gouailleuse au grand cœur qui aime plus qu’elle ne l’avoue, son bourreau, son tyran, sa complice.

De sa plume ciselée, de son sens de la réplique, Pierre Barillet brosse le portrait sans concession de deux femmes dépendantes l’une de l’autre, entre ombres et lumières. Avec forces anecdotes, il nous plonge dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître comme dirait Charles Aznavour, où le cinéma rimait avec glamour, où les stars étaient adulées, vénérées. Il nous entraîne dans le Paris occupé de la Seconde Guerre mondiale où pour vivre, survivre, certains naviguaient dans des eaux plus que troubles. 

La mise en scène épurée de Thierry Harcourt ne s’encombre d’aucune surenchère d’effets afin de souligner le ton aigre doux de cette confession intime et l’incroyable performance d’un comédien hors pair. Maquillé, grimé, Denis D’Arcangelo est une impressionnante Mylène. Il se glisse à merveille dans la peau de cette artiste ratée vouée au rôle de putain vulgaire, de cette femme au franc-parler, aux mots fleuris des titis parisiens. Avec malice et délice, il s’abandonne à ce rôle sur-mesure d’être mal aimé qui n’a pas la langue dans sa poche, qui étrille ses proches avec loyauté et panache. Fascinant, troublant, il nous fait oublier qu’il n’est pas une femme. Grand homme de théâtre, d’un geste, d’un mot, il gomme les quelques faiblesses du texte et les baisses de régime. 

Totalement embarqué par cette plongée tragi-comique dans l’envers du décor de l’âge d’or du théâtre et du cinéma français, le public se laisse totalement séduire par cette confession vibrante et humaine d’une ombre qui se glisse enfin en pleine lumière. Un moment de théâtre nostalgique à découvrir sans tarder. 

Olivier Frégaville-Gratian d'Amore

Informations pratiques :
L’ombre de Stella de Pierre Barillet
Jusqu'au 11 juin 2017
du mardi au samedi 20h30 et le dimanche 15h30
durée 1h15

Générique :
Mise en scène de Thierry Harcourt assisté de Stéphanie Froeliger
Avec Denis D’Arcangelo
Costumes de Michel Dussarrat
Lumière de Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Son de Claudie Martin
Scénographie de Marius Strasser
Perruques et maquillage de Michèle Bernet


Lieu :
Théâtre du Rond-Point – Salle Jean Tardieu
2Bis, Avenue Franklin Delano Roosevelt
75008 Paris

 Comment y aller ? 
Métro : Franklin D. Roosevelt (lignes 1 et 9)
ou Champs-Élysées Clemenceau (lignes 1 et 13)
 Bus : lignes  28, 42, 73, 80, 83, 93
Vélib’ stations les plus proches : n° 8031 > 2 rue Jean Mermoz
n° 8039 > 6 rue du Colisée, n° 8013 > 24 rue de Marignan
n° 8030 > 25 rue Bayard
Autolib’ stations les plus proches : 7 Rue François 1er,  38 Rue François 1er, 2 Avenue Matignon
Parking 18 avenue des Champs-Élysées
ou 17 avenue Matignon

Réserver : 
Sur place
: du mardi au samedi de 12h à  21h (réservation jusqu’à 19h) / le dimanche de 12h à 16h
par téléphone au 01 44 95 98 21 : du lundi au samedi de 11h à 19h / le dimanche de 12h à 16h
par internet sur le site dédié du théâtre du Rond-Point

crédit photos : Dominique Laroche
Crédit illustration  : Stéphane Trapier