Un an après, que reste-t-il ? Un photographe a portraituré les objets laissés par tous les français au lendemain du 13 novembre dans les rues de la capitale. Fleurs, dessins, citations, bougies, drapeaux… Les tristes témoins dégoulinant sous le crachin parisien retournent dans les rues, survivants d’une humanité, objets de musée pour les générations à venir.



La nuit du 13 novembre 2015, Yves Samuel n’était pas en France. Comme beaucoup de français, il partageait sans comprendre, une peine et un désarroi qu’il ne pouvait matérialiser. A son retour à Paris, il fut saisi par l’amoncellement d’objets laissés dans les rues pavés, aux points clés de la nuit des attentats. Au pied du Bataclan, appuyés contre les grilles placées par les forces de police, noués sur les grilles du square attenant, sur les marches entourant la statue de la place de la république, jonchant le trottoir du Carillon et des nombreux autres points des attaques… ce sont des milliers de témoins de l’affection, du soutien et de la peine incommensurable ressentie par tous, qui peuplent alors pendant plusieurs mois, le paysage urbain de la capitale.

“ Le soir de mon retour à Paris, devant le Bataclan, j’ai été frappé par l’amoncellement d’objets déposés, dessins, petits mots griffonnés érodés par la pluie, bouteilles de vin, fleurs, photos de disparus. Témoignages éphémères de l’émotion de chacun. Cette puissance évocatrice était bouleversante.”  Yves Samuel

Le photographe, frappé par ces témoignages, décide alors de les photographier, sortis de leur contexte, pour garder en mémoire tout simplement. S’associant avec Pierre-Yves Duval, photographe d’objet d’art, les deux professionnels mettent leur talent au service de la commémoration. Chaque objet figé par le temps, sur un fond blanc, devient dès lors monument d’un traumatisme, trace d’un temps, résurgence d’une cicatrice sur laquelle chacun se reconstruit. Un après, les portraits de ces mêmes objets retournent dans les rues de Paris, affichés sur les murs, in memoriam.

 

“J’ai souhaité mettre en lumière quelques objets empruntés, les photographier sur fond blanc avec l’aide d’un ami de longue date Pierre-Yves Duval, photographe d’objet d’art, et ainsi stopper l’inéluctable détérioration de ces témoignages. Pris à part, chaque objet acquiert un statut unique d’œuvre d’art et perpétue les histoires personnelles. Par ces photos, j’exprime ma volonté de maintenir cette émotion, de l’inscrire pour les générations futures.”  Yves Samuel


L’art naît de contraintes, vit de lutte et meurt de liberté”, disait André Gide. Après cette vive blessure, nombreux furent ceux qui prirent l’art et la culture comme réponse à la folie meurtrière du monde contemporain. Ventes aux enchères au profit des victimes, expositions collectives, concerts commémoratifs, écrits-hommages, etc. Sans compter sur les Archives de Paris qui travaillent depuis un an à la collecte et l’archivage de plus de 9000 documents de toutes sortes récoltés sur les pavés de la capitale. Un travail minutieux de classement de ces reliques à numériser. Tout autant de reliques formant le corpus mémoriel d’un épisode qui fait désormais pleinement partie de l’histoire de Paris, bientôt accessible à toutes les générations futures.


Paris valait toujours la peine, et vous receviez toujours quelque chose en retour de ce que vous lui donniez.” Paris est une fête, Ernest Hemingway, 1964.

Crédits photographiques © Yves Samuel et Pierre-Yves Duval